Belem (Brésil) Envoyée spéciale
Les Indiens awas, l’un des derniers peuples nomades de chasseurs-cueilleurs de l’Amazonie, sont en danger. Jeudi 5 février, Survival International, l’organisation qui, depuis 1969, milite pour la défense des peuples indigènes, a lancé un cri d’alerte à la communauté internationale et au gouvernement brésilien en lui demandant d’expulser les bûcherons et les fermiers installés dans leurs réserves au mépris des lois.
La population des Awas est estimée à quelque 500 individus dont 200 n’auraient jamais eu de contact avec l’extérieur. Elle vit dans les forêts résiduelles de l’Etat de Maranhao. « Les Awas ont obtenu en 2003 la reconnaissance légale de leurs terres mais cela ne les protège pas. Il y a aujourd’hui plus de colons dans la réserve que d’Indiens. Les forestiers ont tracé des routes et sont à moins de 3 km d’un des principaux campements », explique Almuneda Hernando, anthropologue à l’Université Complutense de Madrid. « Les Indiens sont conduits à vivre sur des portions de territoires de plus en plus confinées sur lesquelles la faune, elle-même menacée, se raréfie », ajoute Fiona Watson de Survival en dénonçant l’inertie des autorités locales.
Si la situation des Awas est d’une gravité particulière en raison du petit nombre de survivants, ce genre d’histoire reste malheureusement d’une assez grande banalité dans la région. « Les Indiens sont partout menacés par la déforestation illégale, l’extension de l’élevage et l’exploitation des ressources minières dont l’Amazonie regorge. La création de réserves ne les protège pas réellement », constate Andrew Miller, de l’organisation américaine Amazon Watch.
« Le gouvernement octroie des concessions forestières à des entreprises étrangères dans nos réserves », raconte Diego Escobar, représentant des peuples indigènes de Colombie. Au Surinam, les 25 000 Indiens n’ont pas encore obtenu de titres officiels reconnaissant leurs droits sur les terres qu’ils occupent depuis des lustres. « Le gouvernement peut nous contraindre à nous déplacer à sa guise », témoigne Leon Wijngaarde, de la tribu des Arawak. Mais le problème numéro un est celui de la pollution des cours d’eau par le mercure qu’utilisent les chercheurs d’or clandestins. « Les gens ne comprennent pas bien ce qui se passe, mais les problèmes de santé s’aggravent. Ils ne peuvent plus boire l’eau des rivières », poursuit-il. Edmundo Dzuhiwii Omore, un Xamante du Mato Grosso brésilien, se plaint aussi de la pollution entraînée, cette fois, par l’agriculture intensive du soja : « Les grandes exploitations de soja s’arrêtent aux limites de notre réserve mais les engrais qu’ils utilisent n’ont pas de frontières. Avec les pluies, ils polluent notre terre. Les animaux ne peuvent plus s’abreuver, les poissons meurent. »
Seul dans la rencontre entre les peuples d’Amazonie organisée lors du Forum social mondial de Belem (du 27 janvier au 1er février), Pedro Nuny est un peu plus serein. Il est bolivien. L’élection de l’Indien Evo Morales à la tête du pays a changé le cours des choses pour les indigènes « Nous nous sentons représentés, nous pouvons faire valoir notre vision d’un développement de l’Amazonie qui soit compatible avec l’avenir de ses peuples », dit-il.
Pourtant, cette victoire au plan national n’a pas encore trouvé d’écho sur la scène internationale. « Beaucoup d’organisations non gouvernementales (ONG) parlent encore à notre place de la préservation de la forêt. Ce dont elles discutent avec les gouvernements nous inquiète », reconnaît Pedro Nuny.
« Nous sommes venus nombreux à Belem pour nous rendre visibles aux yeux de la communauté internationale. Ce n’est pas du folklore. Nous voulons être des acteurs de la négociation internationale », revendique le Péruvien Mario Palaciu, de la coordination andine. Les peuples amazoniens ne disposent que d’un statut d’observateurs dans les discussions internationales sur le climat, où la question de la déforestation est un des volets majeurs pour parvenir à un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique d’ici fin 2009. « Nous ne contestons pas le changement climatique ; nous le subissons. Mais nous ne voulons pas que sous prétexte de protéger la forêt et le carbone qu’elle stocke, nos terres deviennent le théâtre d’un marché du CO2 sans que nous ayons été ni informés ni consultés », met en garde Diego Escobar.
A Belem, la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (Coiba), qui représente 390 peuples, a demandé à être écoutée. « Qui mieux que nous, peuples de la forêt, pourrait en être le gardien ? », plaide le porte-parole des Xamante. La Coiba compte faire des propositions lors de la prochaine rencontre internationale sur le climat, qui se tiendra à Bonn, en Allemagne, le 29 mars.