Dans l’éducation nationale on se bat contre les suppressions de postes, dans les entreprises et les boites touchées par la crise contre les licenciements, dans la santé contre la réforme hospitalière, dans les universités et le secteur de la recherche, contre la LRU et ses conséquences, partout des mobilisations ont lieu contres les dispositifs et les lois sécuritaires, contre la répression de tous ceux qui résistent.
Nos luttes peuvent converger vers des actions globales : le 29 janvier est un exemple. Sans luttes particulières il n’y aura pas d’action globale efficace. Mais beaucoup de luttes par le passé sont restées isolées jusqu’à épuisement. Beaucoup de journées d’action sont restées sans effet.
Profitons de l’immense succès du 29 pour continuer à nous battre.
A nous d’impulser et d’organiser des rencontres dans localités, les départements, de tous les secteurs en lutte, pour se soutenir et définir des actions communes.
Les attaques hélas ne vont pas s’arrêter. Coordonnons nos luttes, finissons-en avec la mauvaise expériences des journées d’action sans lendemain et des luttes particulières qui s’épuisent.
Créons la possibilité d’une lutte d’ensemble, pour aller vers la grève générale, le seul moyen pour inverser le rapport de force et porter nos revendications.
La Guadeloupe et la Martinique nous montrent la voie : grève générale !
Appel du congrès du NPA
Le 8 février 2009
Une grève qui en appelle d’autres
Rouge n° 2285, 05/02/2009 Commentez cet article
La journée de grève et de manifestations du jeudi 29 janvier est un succès indéniable. Tous les mécontentements, ras-le-bol légitimes qui couvent dans le pays, notamment depuis la « gestion de la crise » par le gouvernement Sarkozy, ont convergé lors de cette journée. C’est un tournant dans la situation sociale du pays.
En effet, tous les comptes rendus, de Belle-Île à Gap en passant par Toulouse ou Flers, signalent des manifestations massives.
À chaque fois, ce sont les grandes journées de mobilisation de novembre-décembre 1995, de mai-juin 2003 ou du CPE qui sont évoquées.
Le 29 janvier, ce n’est pourtant pas un secteur particulier qui a mené la danse, comme la fonction publique en novembre-décembre 1995 ou la jeunesse en 2006 contre le CPE, bénéficiant alors du soutien de la population ou, au mieux, réussissant à entraîner d’autres catégories.
Cette fois, les salariés du public et du privé faisaient quasiment jeu égal dans la rue, avec de nombreux participants pour qui c’était la première manifestation, avec aussi de petites boîtes, parfois sans syndicat, qui défilaient en petits groupes. Certains observateurs de la presse ont indiqué qu’« il ne s’agissait pas toujours des mêmes manifestants que d’habitude ».
Bien sûr, cette journée ne doit pas rester sans lendemains. D’autant que les raisons de ce mouvement existent encore : on dénombre 46 000 chômeurs de plus en décembre, soit un huitième mois de hausse consécutive. Et, quand le gouvernement propose un nouveau « plan de relance », notamment pour le bâtiment, ce qui le motive n’est pas la construction de nouveaux logements sociaux, mais de trouver des débouchés pour ses amis des grands groupes, Bouygues et autres marchands de béton.
La journée du 29 a montré qu’il n’y avait pas de résignation face à une crise qui écraserait toute velléité de contestation. C’est une excellente nouvelle ! Ce qui se passe en Guadeloupe ou avec les enseignants-chercheurs des universités nous conforte dans la nécessité de faire converger les luttes. Pour faire reculer ce gouvernement au garde-à-vous des plus riches, c’est bien une grève générale que nous devons préparer !
Basile Pot
* Paru dans Rouge n° 2285, 05/02/2009 (Editorial).
29 JANVIER : Ce n’est que le début
Avec l’aide de nos correspondants régionaux, nous tirons les enseignements du 29 janvier. Cette journée historique peut changer la situation.
La question trotte dans toutes les têtes : colère d’un jour ou « lame de fond » (Toulouse) qui produira des suites ? La deuxième hypothèse est la plus probable, si les équipes de luttes renouvelées, qui ont bourgeonné ces derniers jours, parviennent à irriguer le syndicalisme et à « faire mouvement ».
Faut-il revenir sur les chiffres de manifestants ? Il faut poser autrement la question : le nombre de grévistes dépasse très largement le nombre de manifestants. Donc la comparaison avec le CPE (manifestations sur fond de grève étudiante) est inappropriée. Le 29 janvier était une grande journée de grève, avec des effets importants dans le privé (à Annecy, la manifestation était « 50 % public, 50 % privé »), supérieurs au 13 mai 2003.
La gauche de la rue
Beaucoup de grévistes n’ont pas manifesté, comme le constatent des syndicalistes d’Air France, de Renault-Flins (l’usine n’a presque pas tourné en fin de poste le matin, mais seulement 100 salariés ont manifesté). Le fait nouveau, c’est que, partout, les syndicats ont reçu des appels de salariés isolés de petites entreprises : « Je veux faire grève, dites-moi comment. » Ces nouveaux grévistes, jeunes en âge ou nouveaux dans l’action (les sous-traitants de l’automobile à Mulhouse, des employées de commerce…), ont donné de l’oxygène. Enfin, s’il est parfois difficile de manifester dans les grandes villes (surtout à Paris), les petites villes enregistrent des records. Nos correspondants du Jura, de Brioude, du Puy-en-Velay, du Gers, de Quimperlé, etc., donnent des chiffres de manifestants de l’ordre de 10 % de la population, voire 20 %. Ramenés à la France entière, ces chiffres donnent le tournis.
Quels secteurs ont davantage marqué la journée et signalent des lendemains prometteurs ? Souvent, des sous-traitants automobiles, ainsi que le commerce. Souvent aussi, des lycéens (petites villes) et, plus généralement, tous les personnels de l’Éducation, du primaire au supérieur (chercheurs), qui entament une lutte illimitée (lire page 5), et structuraient des cortèges unifiés. En visibilité aussi, les personnels hospitaliers, parfois en intersyndicale, ou avec des « comités d’usagers », avec des taux de grève qu’on n’avait pas vus depuis les luttes pour les 35 heures. Les collectifs Ni pauvres, ni soumis, regroupant des personnes handicapées, ont défilé « pour la première fois avec les syndicats ».
La volonté « d’innover », de démontrer un rapport de force et une envie de continuer, était visible. À Briançon, la préfecture a été bloquée. À Bordeaux, la manifestation était la « convergence de sous-manifestations venues d’entreprises, de quartiers, d’agglomérations ». À Flers (Orne), le cortège a fait un détour par Faurecia (sous-traitant annonçant 271 licenciements) et occupé le parking. À Lille, un appel de syndicalistes (www.appelmilitant.org) a convoqué une assemblée (essentiellement SUD-CGT-FSU), avec une centaine de présents et l’idée d’un « espace interprofessionnel intersyndical permanent ». À Lorient (Morbihan), une déclaration CGT-FSU-FO-Solidaires demande « une nouvelle initiative, dès la semaine prochaine », avec un préavis déposé le 5 février. L’assemblée du Havre propose une manifestation à Paris (lire ci-dessous).
Mais, au-delà des chiffres, « quelque chose » de non mesurable fait enrager Sarkozy : la joie et le plaisir de manifester, de reconstruire une gauche de la rue, brandissant de manière insolente des slogans contre l’omniprésident, dont la tête devient un chamboule-tout populaire. Bref, le fond de l’air rougit de nouveau (une pancarte CGT, à Mulhouse, proclamait la « Grevolution »), avec une revanche décomplexée sur la campagne anti-soixante-huitarde de 2007, un retour du collectif contre le conservatisme étouffant, avec des cortèges dynamisés par l’arrivée de sans-papiers intégrés aux équipes syndicales. Partout aussi, les partis de gauche sont présents, avec un retour en force du PS et un grand succès du NPA.
Dominique Mezzi
L’APPEL DU HAVRE
20 000 manifestants au Havre, avec Renault (500) et les sous-traitants (Plastic Omnium, Faurecia, Cooper), Total, Chevron Oronite, Casino, le Port autonome, Tati, La Redoute, l’hôpital et, bien sûr, tous les entreprises et services publics. Une assemblée a réuni 300 personnes l’après-midi (Rouge du 29 janvier) et adopté un appel :
« Nous, grévistes et manifestants, à l’appel de 26 organisations syndicales, partis politiques et associations, […] interpellons les différentes organisations au niveau national pour :
qu’elles constituent un collectif à l’image de celui du Havre, c’est-à-dire le plus large possible, car c’est le seul moyen pour gagner aujourd’hui ;
que ce collectif organise une manifestation nationale dans les plus brefs délais […].
Par ailleurs, nous constatons que les journées d’action ponctuelles ne réussissent pas à faire reculer le gouvernement, mais que les lycéens, par un mouvement de grève continu, ont réussi à faire reculer Darcos. Pour notre part, nous appelons les salariés et la population havraise à participer au blocage économique de la ville, le 10 février.
Aussi, nous demandons à ce collectif national de préparer un mouvement “tous ensemble”, reconductible, avec un calendrier d’échéances clair, seul moyen de faire plier ce gouvernement. »
* Paru dans Rouge n° 2285, 05/02/2009.
INTERSYNDICALE : Service minimum
Mardi 3 février, Sarkozy a encore coupé court à toute « relance » de la consommation (sous-entendu : des salaires). Dans un conflit social, il existe une manière de « parler » en négociant, mais c’est précisément ce que Sarkozy ne veut pas. Ce serait, pour lui, perdre la face. Donc, au besoin, il change la donne.
Dans ces conditions, le communiqué du 2 février des huit organisations syndicales (CFDT, CGC, CFTC, CGT, FSU, FO, Solidaires, Unsa), en reportant le débat sur les suites du 29 janvier après l’intervention télévisée du chef de l’État, se place sur un terrain glissant. Les organisations prennent le risque de laisser Sarkozy changer de pied, même si des responsables syndicaux avertissent qu’ils refusent de « se laisser balader » (Gérard Aschieri, FSU).
Certes, l’ampleur du 29 janvier ne décrète pas, ipso facto, sous quelles formes il convient de proposer une suite interprofessionnelle à la hauteur des enjeux. Les précédents mouvements d’ampleur (1995, 2003, 2006) s’affrontaient à des projets précis. Il s’agit, cette fois, de s’affronter à la totalité d’une politique, et le syndicalisme n’y est pas prêt. La plateforme du 5 janvier a une certaine cohérence, qui n’est pas du tout celle du gouvernement, en dépit de son imprécision. Mais des propositions habiles de concertation point par point pourraient la désarticuler.
Donner des suites au 29 janvier devrait commencer par soutenir confédéralement les mobilisations en cours, pour en assurer le succès et en assumer politiquement toute la portée : les enseignants et les jeunes contre les décrets Pécresse et les plans Darcos, les hospitaliers contre la loi Bachelot, les salariés de l’automobile et les sous-traitants contre les licenciements, la population de Guadeloupe contre la vie chère. Or, il n’y a rien de tout cela dans la déclaration intersyndicale.
Certaines organisations auraient souhaité aller plus loin. Mais tout le monde tient, à juste titre, à garder le front commun. Le succès du 29 janvier impose une organisation plus soudée du front unitaire. Mais il impose aussi, de manière indissociable, la nécessité de lieux de débats publics intersyndicaux, dans toutes les régions, pour approfondir les revendications alternatives.
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2285, 05/02/2009.