Editorial : 1969-2009
Chère lectrice et cher lecteur, vous qui avez entre les mains le dernier et ultime numéro de Rouge, ne soyez ni triste, ni nostalgique. Tout au long de ses 40 années d’existence, de septembre 1968 à février 2009, Rouge n’a pas été que l’organe politique de la Ligue communiste, puis de la Ligue communiste révolutionnaire. Il s’est efforcé d’être un haut-parleur des luttes et des résistances, où que ce soit dans le monde : de la guerre du Viêt-nam à la résistance du peuple chilien contre la dictature de Pinochet, du massacre des étudiants chinois sur la place Tienanmen à la révolution bolivarienne, des Forums sociaux mondiaux aux manifestations contre les deux guerres en Irak ou contre les réunions du FMI et du G8.
Rouge a été aussi, au-delà de ses insuffisances et de ses retards, partie prenante des luttes féministes, des luttes contre toutes les formes de discrimination ou contre la répression. Enfin, Rouge s’est voulu être un journal ouvert, dans lequel ont pu s’exprimer d’autres courants politiques et des personnalités les plus diverses, convaincus que nous sommes que la lutte pour un projet émancipateur ne pourra voir le jour que par la convergence, l’agrégation des meilleures traditions du mouvement ouvrier et social.
Ce dernier éditorial, contrairement à ce que pourrait laisser croire son titre, n’est en aucune mesure une nécrologie. Car si Rouge, tout comme la revue Critique communiste, cesse de paraître, nous ne doutons pas que le flambeau sera repris, d’ici quelques semaines, par la presse du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) : un hebdomadaire et une revue mensuelle, dont les titres seront décidés lors de la première réunion du conseil politique national (CPN) du NPA, début mars. L’existence d’une presse indépendante, résolument anticapitaliste, est une nécessité impérieuse, à un moment où Sarkozy veut la mettre à ses ordres et où le pluralisme est remis en cause.
Pendant ces quarante années d’existence, assurer la parution de Rouge fut un véritable tour de force, qui n’aurait pas été possible sans le concours de ses lectrices et de ses lecteurs, de ses abonnés et de ses abonnées. Nous vous en remercions et nous sommes sûrs que vous reporterez le soutien que vous nous avez accordé sur la presse du NPA. Rendez-vous donc dans quelques semaines.
Léonce Aguirre
Rétroviseur : 40 ans de Rouge
Rouge, c’est 40 ans d’une histoire qui a commencé après la dissolution de la JCR par le gouvernement, en juin 1968. En septembre de la même année, les militants « dissous » de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) et du Parti communiste internationaliste (PCI, section française de la IVe Internationale) se regroupent dans des « Cercles rouges », avant de lancer une nouvelle organisation. Leur outil de construction ? Rouge, « hebdomadaire d’action communiste », qui aidera à créer, en avril 1969, la Ligue communiste. Lorsqu’en juin 1973, la Ligue est de nouveau dissoute, l’hebdomadaire pourra continuer à paraître et sera soutenu par l’« Association des diffuseurs de Rouge », embryon de la future LCR.
Deux ans plus tard, la direction de la Ligue a le sentiment que la gauche unie peut gagner les élections de 1978 et qu’il serait bien de transformer l’hebdomadaire en quotidien… Une fois de plus, l’audace et le culot l’emportent. La Ligue fait appel à toutes les compétences. Un local est loué à Montreuil et une imprimerie rotative d’occasion, achetée en Angleterre, arrive en pièces détachées. Des militants sont formés à toute vitesse, aussi bien au journalisme qu’à la marche de l’imprimerie. En octobre 1975, une fête, organisée à la Villette avec des artistes connus pour récolter de l’argent, réunit près de 50 000 participants. Et ainsi, pendant trois ans, avant de sombrer sous les dettes… Une trentaine de « journalistes » va sortir Rouge quotidien, vendu à près de 10 000 exemplaires. Quel exploit et quelle joie de voir son quotidien préféré tous les matins dans les kiosques ! Quelle école aussi pour une série de militants, devenus par la suite des figures médiatiques : Edwy Plenel, Danièle Ohayon, Georges Marion, Denis Pingaud, Patrick Roger ou Patrick Rotman. Pour ne citer qu’eux…
Il a fallu arrêter, en 1978, mais la fièvre nous a repris pendant le Forum social de Saint-Denis, en 2003 : un quotidien durant quatre jours…Ça aussi, il fallait le faire ! Aujourd’hui, Rouge disparaît, en emportant un peu de nostalgie, mais en apportant aussi beaucoup d’enthousiasme, parce qu’il aura contribué, dans son domaine, à la création du NPA. Vivement le nouvel hebdo !
Alain Krivine