Les habitants des villages du Languedoc se protégeaient contre les intrusions d’insectes en fermant les fenêtres avec du grillage moustiquaire. C’était un compromis entre la perte de lumière naturelle et les insectes attirés par les lumières artificielles. Les habitants enlèvent maintenant ces protections traditionnelles parce que les insectes disparaissent.
Autre constat facile : il est possible de rouler sur de grandes distances sans qu’aucun insecte ne vienne plus s’écraser sur le pare-brise. Leurs populations s’effondrent. Avec eux disparaissent les plus poétiques : les papillons.
Printemps silencieux
Nourriture de base de nombreux vertébrés, les insectes sont indispensables à l’élevage des nichées de presque tous les oiseaux. Véritablement affamées par la disparition de leurs proies, les populations insectivores (oiseaux, chauves-souris) déclinent et le phénomène s’accélère. Les comptages montrent que les populations d’hirondelles et de martinets ont reculées de 60 % en 10 ans. Quelques espèces, comme nos belles pies bavardes, essaient de s’adapter aux zones urbaines où elles sont à nouveau empoisonnées sans pitié à cause de leur attirance pour les cerises. Qui aurait cru que nos infatigables moineaux toujours attachés aux constructions humaines verraient aussi leurs effectifs chuter ?
Il apparaît un phénomène sans précédent : des régions immenses sont devenues silencieuses parce que les oiseaux ne peuvent survivre dans un environnement gavé de pesticides et dépourvu d’insectes. On découvre maintenant que notre espèce est atteinte, que nos organismes accumulent des molécules toxiques que nous avons volontairement répandus dans l’environnement, avec recrudescence de cancers précoces ou anciennement rares. Quoi d’étonnant à cela puisque que les espèces sauvages meurent en masse par empoisonnement avec les mêmes produits et que c’était le but recherché !
Agriculture intensive
Les modifications des méthodes culturales en Europe, en étendant le recours massifs à des insecticides dans les nouveaux pays entrant dans l’Union européenne (puissamment financés pour cela), vont atteindre des espèces encore relativement préservées dans ces pays, comme la pie-grièche à poitrine rose, déjà relictuelle dans l’Aude et l’Hérault. « Aucun plan de sauvegarde ne pourra donc préserver la pie-grièche à poitrine rose de sa disparition dans le Languedoc-Roussillon » dit Emmanuel Rousseau, Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l’Aude. Exemple parmi d’autres.
Un phénomène mondial
Le processus de la disparition des espèces est d’une extrême violence, en liaison avec l’exploitation des espaces sans soucis de préservation (déforestation, massacre des espèces, dispersion de toxiques par millions de tonnes, empoisonnement des biotopes). Un quart des poissons décrits ont disparus. La France et notre région sont tout aussi concernées, car la dispersion des pesticides a réussi à polluer tous les milieux, générant même de nouvelles maladies professionnelles chez les agriculteurs.
Tout militant intéressé par l’écologie - pour ne pas dire par l’avenir de notre propre espèce - peut lire deux ouvrages retraçant l’histoire de la guerre perpétuelle et autodestructrice que mène l’humanité contre la nature :
– Le grand massacre, par l’écologiste et zoologiste François Ramade (Hachette littérature) ;
– Ecocide, de l’écologiste américain Franz Broswimmer (Parangon).
S’élevant contre le « gaspillage capitaliste », Broswimmer défend une politique et une économie progressistes pouvant assurer durablement les ressources. Auteur de plusieurs traités d’écologie fondés sur la conservation des ressources naturelles, Ramade plaide pour un arrêt du carnage.
Attention, on ne sort pas indemne de la lecture de ces ouvrages. A bientôt pour en parler.