FORD BLANQUEFORT : Rester mobilisés
L’annonce de la reprise, par un groupe allemand, de l’usine Ford de Blanquefort s’est faite, le 2 février, avec beaucoup de publicité. La ministre Christine Lagarde est venue à Bordeaux, accompagnée du patron de Ford Europe, pour officialiser le nom du repreneur. Deux heures après, les salariés étaient informés à l’occasion d’un meeting dans l’usine.
Du côté des « officiels » et des médias, c’était des déclarations de satisfaction, comme si tous les emplois étaient sauvés et aux mêmes conditions sociales. Du côté des salariés, l’accueil a été beaucoup plus réservé.
D’abord, parce que le repreneur est une holding allemande mal définie qui doit assurer, par un « montage financier complexe », la poursuite de l’activité de l’usine. Un bricolage peu convaincant mélange la poursuite de la production pour Ford et de nouvelles productions pour l’automobile et les éoliennes. Des investissements sont prévus mais les perspectives sont au conditionnel. Ensuite, parce que les salariés ont un manque de confiance total dans une direction qui les a trop baladés et dont le secret continue à être le mode de fonctionnement.
Enfin, cette reprise « globale » se traduirait par un démantèlement de l’usine avec des secteurs qui seraient externalisés et des statuts différenciés. Cet éclatement de l’effectif est lourd de danger pour l’emploi et pour les salaires. Les salariés sont partagés entre le sentiment de victoire après deux années de lutte et celui qu’ils ne sont pas réellement sortis d’affaire.
La direction essaie de reprendre les choses en main, avec le renforcement de la discipline, des contrôles tatillons, des intimidations, des convocations de salariés combatifs, se concentrant sur la CGT. C’est révélateur d’une direction qui se prépare à imposer une solution qui ne devrait pas être si « bonne » que cela. Les réunions du comité d’entreprise commencent à révéler les détails de la reprise. Mais déjà, les salariés les plus déterminés restent vigilants et se préparent à une « reprise » de la mobilisation pour défendre jusqu’au bout tous les emplois.
Philippe Rouffigne
* Paru dans Rouge n° 2286, 12/02/2009.
AUTOMOBILE : Relancer la mobilisation
Malgré les difficultés engendrées par le chômage technique, la participation des travailleurs de l’automobile aux manifestations du 29 janvier a été significative.
Depuis près de quatre mois, les travailleurs de l’automobile paient les politiques d’ajustement à la crise de surproduction des constructeurs, des équipementiers et des sous-traitants. La participation à la grève et aux manifestations du 29 janvier était un test de leur détermination à ne pas subir chômage partiel massif et suppressions d’emplois. Ce test est réussi et la présence des salariés de l’automobile a été bien visible dans les cortèges : plus de 600 travailleurs de Renault-Sandouville à la manifestation du Havre, un cortège très dynamique de 600 salariés de Renault-Cléon à celle de Rouen, près de 700 salariés de Renault au Mans, 350 à Douai malgré la fermeture de leur établissement.
Même encore limité, ce niveau de participation est notable si l’on prend en compte les difficiles conditions de préparation pour les équipes militantes. Depuis le début de l’année, dans la plupart des usines Renault, les journées non travaillées s’imposent près d’une semaine sur deux, voire davantage, désorganisant et insécurisant totalement les collectifs de travail. Il n’est pas simple, dans une situation où l’employeur prive ses salariés de travail, de faire comprendre que la grève reste le meilleur moyen de faire valoir ses intérêts. Agir, faire grève, manifester, alors que le chômage technique est généralisé, nécessite d’expliquer pourquoi « la grève ne fait pas le jeu du patron » et suppose, de la part des travailleurs, une compréhension de l’enjeu politique du mouvement en cours qui est de rebâtir un rapport de force.
De plus, le 29 janvier ne s’inscrivait dans aucun « plan d’action pour gagner » des directions confédérales. Or, au même titre que les autres salariés, ceux de l’automobile savent qu’une journée d’action ne peut pas arrêter la terrible offensive patronale actuelle, ni celle plus brutale encore qui se prépare contre eux, suite aux états généraux de l’automobile. Pour convaincre, il a fallu expliquer que la possibilité de lui donner une suite découlerait en partie de son succès.
Pour les salariés de l’automobile, il y a maintenant urgence à proposer rapidement une nouvelle échéance nationale, afin de riposter au plan de « sauvetage » de la compétitivité du secteur automobile français qui sera présenté, dans les prochains jours, par Nicolas Sarkozy. Il comprendra l’allongement du temps de travail, sans compensation salariale et avec plus de flexibilité, la baisse des cotisations sociales et la suppression de la taxe professionnelle. Le 16 janvier, le collectif national automobile de la CGT avait retenu le principe d’une manifestation nationale à la Bourse, début mars. Reste à confirmer cette perspective et à se donner les moyens d’organiser et de réussir cette nouvelle échéance.
Renaud Lenormand
* Paru dans Rouge n° 2285, 05/02/2009.
VILLEMUR-SUR-TARN : Solidarité avec les Molex
Depuis le lundi 22 décembre, les 300 salariés de Molex (sous-traitant de PSA appartenant à une multinationale américaine), à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), tiennent une permanence devant les portes de l’usine, 24 heures sur 24, et ce jusqu’au 5 janvier, jour de la reprise du travail. Depuis l’annonce, en octobre, de la fermeture du site, les salariés craignaient un déménagement sauvage, se méfiant à juste titre d’une multinationale qui veut délocaliser en Slovaquie. Ainsi, nuit et jour pendant deux semaines, et par groupe de six personnes, les salariés ont surveillé les allées et venues sur le site.
« Les salariés Molex sont toujours engagés dans leur lutte pour sauver ces emplois sacrifiés sur l’autel de la finance », ont-ils déclaré sur leur blog. Avec ce dispositif, ils espèrent éviter toute mauvaise surprise à leur retour. Durant ces quinze jours, délégations d’entreprises, syndicales, de salariés de la région se sont rendus sur place pour soutenir leur action. Des centaines de travailleurs ont donc témoigné de leur solidarité, en apportant quotidiennement soutien et réconfort.
Des camarades du NPA se sont également rendus au campement des salariés pour apporter la solidarité du NPA et passer quelques moments avec eux. Plus que jamais il faut être aux côtés des Molex, sacrifiés sur l’autel du profit et des actionnaires. À Villemur comme ailleurs, les salariés sont ceux qui payent leur crise. Ne laissons pas faire !
Il est déjà possible de signer la pétition des Molex sur leur blog. Si ce n’est pas fait, quelques extraits pour le faire très vite : « Les salariés Molex sont entrés en résistance victimes de ce capitalisme qui écrase des hommes et des femmes, les enfonçant encore plus loin dans la précarité. Tous ensemble, il est encore temps de dire stop. Les seuls combats perdus sont ceux qu’on n’a jamais menés. L’avenir ne se subit pas, il se construit. Unissons nos forces. » En ce début d’année, la lutte continue !
Myriam Martin
* Paru dans Rouge n° 2281, 08/01/2009.
Solidarité avec les salariés de Molex
Communiqué de la LCR
Depuis lundi 22 décembre, les ouvriers de Molex, dans la Haute-Garonne, bloquent l’entrée de leur entreprise.
Entreprise sous-traitante de l’industrie automobile, elle est menacée de fermeture et de délocalisation en 2009.
Les 285 salariés se sont, déjà, mobilisés, à plusieurs reprises, contre cette fermeture et les licenciements qui les menacent, d’autant plus que cette entreprise, appartenant à un groupe américain, va réaliser un bénéfice de 1,2 millions d’euros en 2008.
La LCR, qui avait déjà manifesté sa solidarité avec les ouvriers de Molex, soutient le blocage organisé par les salariés, réaffirme son opposition à la fermeture-délocalisation de cette entreprise et rappelle son exigence d’une loi interdisant les licenciements.
Le 23 décembre 2008.
AUTOMOBILE : Encore plus de cadeaux aux patrons
Le gouvernement a réuni en grande pompe les états généraux de l’automobile, au cours desquels de nouvelles promesses financières, sans contreparties, ont été faites aux constructeurs automobiles.
Mardi 20 février, le secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie, Luc Chatel, a réuni les états généraux de l’automobile, où sont intervenus Carlos Ghosn, patron de Renault-Nissan, le Premier ministre, François Fillon, le ministre de l’Environnement, Jean-Louis Borloo, et la ministre de l’Économie, Christine Lagarde. Plus de 500 invités ont participé à cette grand-messe destinée à « créer les conditions d’un certain consensus pour donner un avenir à ce secteur ».
La réunion avait été préparée par un comité stratégique pour l’avenir de l’automobile, mis en place par Nicolas Sarkozy en décembre dernier. Il s’agit de refonder un véritable « pacte automobile », rassemblant constructeurs, équipementiers, sous-traitants, salariés, syndicats et pôles de compétitivité, comme s’il existait un moyen de fondre les intérêts des travailleurs avec ceux des patrons. Aucune décision n’est sortie de ces états généraux, puisque Nicolas Sarkozy se réserve la primeur de l’annonce « des mesures structurelles pour garder nos usines », fin janvier.
Pourtant, les mesures concrètes à venir ont déjà été largement commentées par la presse. Au-delà du milliard d’euros déjà débloqué pour faciliter le crédit des acheteurs de voitures, des 300 millions d’euros du « fonds de restructuration » des sous-traitants de l’automobile, et du versement de la prime à la casse de 1000 euros, Sarkozy a déjà annoncé que l’État allait « mobiliser beaucoup d’argent pour le secteur automobile », à la condition que les constructeurs « localisent les emplois en France ». Estimant que l’argent débloqué par l’État pour recapitaliser les banques n’arrive pas suffisamment vite et à des taux « raisonnables » aux constructeurs Renault et PSA, François Fillon envisage même de « financer presque directement les grandes entreprises automobiles qui n’arrivent pas à trouver sur les marchés financiers les sommes dont elles ont besoin », en annonçant « un effort de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros ». Les patrons automobiles se sont montrés évidemment très intéressés mais, comme l’a déclaré au Figaro le PDG de PSA, Christian Streiff, cela ne doit pas modifier leur indépendance et leur liberté d’action.
Ce gros cadeau aux patrons de l’automobile n’empêchera pas le chef de l’État de verser aussi aux banques une nouvelle dotation de 10,5 milliards, pour les inciter à augmenter leur contribution au redémarrage de l’économie. Mais, à ces mesures immédiates, Sarkozy veut ajouter des mesures structurelles pour « restaurer durablement » la compétitivité en France. Alors que l’Agence française pour les investissements internationaux déclare que la France possède l’une des meilleures productivités horaires au monde, le monarque élyséen n’hésite pas à affirmer que « la France a perdu 30 % de compétitivité par rapport à l’Allemagne depuis 2000 ». Pour l’Élysée, il y a urgence à résoudre ce différentiel, par une action sur la fiscalité, le niveau des cotisations sociales et une « réflexion sur la productivité et l’organisation du travail ».
On l’aura compris, la crise et la récession vont servir de prétexte à un coup fatal porté à la taxe professionnelle, comme le réclame avec insistance Carlos Ghosn. Il s’agit aussi d’abaisser le coût du travail en diminuant les cotisations sociales des patrons et en aggravant la flexibilité dans l’organisation du travail. Tous les constructeurs automobiles s’apprêtent à réduire encore leurs capacités de production et à organiser des plans de licenciement. C’est ce moment que le gouvernement choisit pour leur faire encore plus de cadeaux tout en leur laissant les mains libres. Les mesures en préparation constituent un véritable plan de guerre contre les salariés du secteur automobile, présenté comme la contrepartie d’une préservation illusoire par les patrons des sites de production français.
Renaud Lenormand
* Paru dans Rouge n° 2283, 22/01/2009.
Tyco en grève contre les licenciements
Le bénéfice net du conglomérat américain Tyco International, numéro un mondial de la connectique, basé aux Bermudes, a plus que doublé en un an. Pourtant, le groupe veut licencier 620 personnes et fermer les usines de Chapareillan (Isère), Val-de-Reuil (Eure) et Berga (Espagne), produisant des matériels électriques et électroniques pour l’automobile.
À Val-de-Reuil, la grève est totale et illimitée, nuit et jour, depuis le 20 novembre. 1 000 personnes ont défilé de façon très combative, à Louviers, le samedi 29 novembre, en un cortège unitaire marqué par une forte présence de FO, dont des militants animent la lutte. Le slogan « Interdisons les licenciements » s’est imposé. Lors des discours, où des élus qui multiplient les cadeaux aux entreprises ont rivalisé de phrases combatives, l’un des animateurs de la lutte a dit ce que beaucoup ressentent : « À la base, on est capables d’être unis, comme aujourd’hui. Qu’attendent, là-haut, les responsables nationaux ? » C’est la bonne question.
Autour de l’exigence de l’interdiction des licenciements, du paiement à 100 % des jours chômés, de l’arrêt des subventions aux entreprises qui licencient, les 1 000 colères populaires peuvent se rejoindre en une riposte unie qui transformera l’éparpillement des mouvements en une force capable de faire peur aux possédants et de les faire céder.
Correspondant(e)
* Paru dans Rouge n° 2277, 04/12/2008 (Au jour le jour).
AUTOMOBILE : Licenciements par dizaines de milliers
Des milliers de suppressions d’emplois touchent le secteur automobile. Sarkozy et le patronat entendent faire payer la crise aux salariés, en durcissant encore la compétitivité.
Le 15 décembre, Nicolas Sarkozy a reçu les constructeurs automobiles français (Renault et PSA), ainsi que des représentants de Michelin, de Valeo et du Comité de liaison des industries fournisseurs de l’automobile (Clifa). Il s’est dit favorable à « de nouvelles formes d’aides, notamment sous forme de prêts ou de garanties […] en coordination avec nos partenaires européens et avec la Commission européenne », en échange « d’un engagement fort des constructeurs pour la pérennité et le développement de leur activité sur le territoire français ».
Une façon de préparer une réponse favorable à la demande de 40 milliards d’euros d’aide formulée par le patron de Renault, Carlos Ghosn, au nom des constructeurs européens, afin d’« apporter des liquidités » et de « favoriser la reprise du crédit ». Cette aide viendrait s’ajouter aux mesures du « plan de relance » rendu public à Douai, le 4 décembre. Le chef de l’État avait alors annoncé 1 milliard d’euros pour faciliter le crédit des acheteurs de voitures, 300 millions d’euros pour « un fonds de restructuration » des sous-traitants de l’automobile, et le versement d’une « prime à la casse » de 1 000 euros.
Alors que le PDG de Renault affirmait que, « si l’État nous aide, il est normal de s’engager à ne pas fermer d’usines », le président de PSA, Christian Streiff, s’abstenait de tout engagement. Les prochains mois nous diront ce que valent les engagements du « cost killer » de Renault, alors que seulement 54 % de ses capacités de production ont été utilisées au premier semestre 2008.
Le cadre fixé pour les prochaines années – tant en France que dans le reste de l’Europe – reste bien celui d’une restructuration brutale du secteur automobile, avec ses charrettes de licenciements, comme l’attestent les annonces de suppressions d’emplois au lendemain de l’annonce du « plan de soutien à l’automobile ». Le 13 décembre, Faurecia (premier équipementier automobile) annonçait 1215 suppressions d’emplois en France. Neuf sites seront touchés. Dès l’année prochaine, 700 postes seraient liquidés et les autres devraient suivre d’ici 2011. Quatre jours plus tard, c’était au tour de Valeo (deuxième équipementier automobile français) d’annoncer 5 000 suppressions d’emplois dans le monde, « dont environ 1 600 en France et 1 800 dans les autres pays d’Europe ».
Et ce n’est pas la mission confiée par Sarkozy à son secrétaire d’État à l’Industrie qui va freiner cette avalanche de suppressions d’emplois. Luc Chatel a instauré un comité stratégique pour l’avenir automobile, qui réunira « constructeurs, équipementiers, sous-traitants et activités avales, élus, organisations syndicales et établissements et pôles de recherche », afin de « réfléchir sur le fond à l’organisation de la filière automobile en France ». Il devra rendre des conclusions « à la fin du mois de janvier ». Une méthode bien rodée, dont l’objectif est de parvenir à un « diagnostic partagé », de la droite à la gauche social-libérale, afin de porter de nouveaux coups au monde du travail. L’intitulé de cette « mission sur les problèmes de compétitivité de l’industrie automobile française » ne laisse aucun doute sur sa finalité.
Plus que jamais, l’urgence reste à l’organisation d’une riposte pour imposer, dans toute la branche automobile, le paiement à 100 % du chômage partiel, l’arrêt des suppressions d’emplois et l’interdiction des licenciements.
Renaud Lenormand
LES FORDS ÉLARGISSENT LA LUTTE
Contrairement aux engagements de la direction, il n’y a plus de nouvelles du repreneur éventuel du site de Ford-Blanquefort (Gironde). Elle se contente de répéter que « les négociations sont en bonne voie ». La reprise du travail, le 5 janvier, après dix semaines de fermeture, s’annonce compliquée. Ford a prévu de se désengager le 31 mars au plus tard. La direction use de l’urgence pour imposer des « négociations » rapides sur les conditions de reprise, de manière à faire passer son projet sans qu’il soit possible de se défendre.
Pour éviter de se retrouver dans une situation trop difficile, la CGT-Ford s’est posé le problème d’élargir la lutte. Les menaces pesant sur les emplois de tous, dans le privé comme dans le public, rendaient nécessaire une riposte unitaire avant la fin de l’année. Un appel à la « mobilisation générale pour la défense des emplois dans la région » avait été lancé, le 18 novembre. Il s’adressait à l’ensemble des syndicats, des associations et des partis politiques de gauche. Le 20 décembre, une manifestation a réuni près de 1 000 personnes, ce qui est un succès.
L’ensemble des partis de gauche, avec plusieurs syndicats d’entreprises, a appelé à cette manifestation. À noter que les unions départementales (UD), à part Solidaires et la FSU, n’ont pas soutenu la démarche (notamment l’UD de la CGT). Le problème se pose de construire un mouvement du « tous ensemble » pour la défense de tous les emplois.
Philippe Rouffigne
* Paru dans Rouge n° 2280, 25/12/2008.