TOKYO CORRESPONDANT
Une semaine après la démission du ministre des finances japonais, Shoichi Nakagawa, pour s’être présenté en état d’ébriété à une conférence de presse à la suite d’une réunion du G7 à Rome, l’affaire continue à faire le bonheur de la presse à scandales, mais aussi des grands quotidiens. Elle a surtout entamé davantage, s’il en était besoin, le crédit du gouvernement de Taro Aso : en chute libre dans les sondages, le taux de popularité du premier ministre avoisine le seuil (10 %) au-delà duquel il devrait en tirer les conséquences.
Taro Aso, en partie redevable de son poste aux manœuvres de M. Nakagawa, a payé sa candide défense de son compère de quelques points à la baisse supplémentaires pour sa popularité. M. Nakagawa, avait-il soutenu benoîtement au départ, ne buvait pas plus que d’autres, et sa confusion à Rome était due à l’usage de médicaments antigrippaux. A croire que M. Aso ne fréquentait guère les « dîners en ville » : l’état d’ébriété de M. Nakagawa était un secret de Polichinelle dans les milieux politique et diplomatique à Tokyo.
Aujourd’hui, ce dernier est à terre et les médias s’en donnent à cœur joie pour rappeler que le personnage, goguenard et brutal dans ses propos, avait fait un petit esclandre au Musée du Vatican avant la fameuse conférence de presse. En compagnie d’un haut fonctionnaire de son ministère et de l’ambassadeur japonais au Saint-Siège, il avait touché aux objets exposés, puis déclenché le système d’alarme en escaladant la grille de protection d’une statue de Lacoon et ses fils.
FORMULES OUTRANCIÈRES
Connu pour ses opinions de droite et ses formules outrancières (préconisant d’envoyer par le fond les navires écologiques qui pourchassent les baleiniers japonais) et sexistes, Shoichi Nakagawa n’aura guère laissé de souvenir mémorable lors de son passage à la tête des ministères de l’industrie et du commerce ou de l’agriculture dans les cabinets Koizumi (2001-2006). Ce qui pourrait être le cas de sa « prestation » à Rome : la diffusion en boucle sur les chaînes de télévision internationales du ministre des finances de la deuxième puissance économique mondiale s’exprimant d’une voix pâteuse entre deux somnolences n’est pas la meilleure démonstration que peut donner le Japon de ses capacités à faire face à la crise actuelle.
L’affaire Nakagawa, qui n’est pas exempte d’une intention de lynchage médiatique, pose la question politique de la responsabilité des dirigeants qui, connaissant le handicap affectant les facultés intellectuelles de l’un d’entre eux, confient néanmoins par copinage à celui-ci un poste important.