« Vive la lutte révolutionnaire du peuple palestinien », titre Rouge n° 9, paru en janvier 1969. Rouge analysait « l’impasse israélienne » et la « décomposition des États arabes », pour conclure : « L’analyse des forces en présence montre l’impossibilité d’un règlement effectif et rapide de la crise. Le conflit israélo-arabe a été utilisé depuis vingt ans à la fois par l’impérialisme et les directions arabes de façon à détourner le développement des luttes de classe au Moyen-Orient. D’un côté, l’impérialisme utilisait l’intervention sioniste pour affaiblir les gouvernements en place. De l’autre, la lutte contre Israël permettait aux États arabes de canaliser la révolte des masses vers un objectif extérieur et de réaliser l’Union sacrée. » Sur la page voisine, la déclaration du comité central du Fatah, l’organisation créée en 1959 par Yasser Arafat, était claire : « La lutte du peuple palestinien, comme celle du peuple vietnamien, des autres peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, fait partie du processus historique de libération des peuples opprimés contre le colonialisme et l’impérialisme. »
40 ans plus tard, de défaite en défaite, la résistance palestinienne n’a pas réussi à vaincre l’entreprise sioniste indéfectiblement soutenue par l’impérialisme. Israël a poursuivi méthodiquement la colonisation du territoire palestinien. L’effondrement du bloc soviétique n’a pas favorisé l’émergence d’une alternative démocratique au Moyen-Orient. Les féodalités et les dictatures arabes n’ont pas été remplacées par des régimes démocratiques, et la domination de l’impérialisme s’est plutôt renforcée.
Même si nous avons, dès le départ, pointé le caractère fondamentalement vicié des accords d’Oslo, signés en septembre 1993, nous ne pouvions pas nous départir de l’envie d’être optimistes. Dès le lendemain de leur signature, la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie par l’État israélien a donné raison aux plus pessimistes.
Impasse criminelle
Pendant 40 ans, la LCR a été aux côtés du peuple palestinien dans sa lutte pour ses droits. Elle a joué un rôle pivot dans le Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, dont Christian Picquet a longtemps été le coordonnateur. Pendant près de 40 ans, notre correspondant à Jérusalem, Michel Warschawski, a patiemment décrypté la politique israélienne et il a fait briller une petite lueur d’espoir, avec une poignée d’anticolonialistes au sein même de la société israélienne, une petite roue qui parfois réussira à entraîner dans l’action pour une paix juste une grande roue de manifestants. En Israël, on a vu aussi surgir, ces derniers temps, une nouvelle génération de militants, comme Les anarchistes contre le Mur (AATW) qui, par d’autres voies que leurs aînés, reprennent le flambeau.
Plus de 1 300 morts, 6 000 blessés, l’utilisation de bombes au phosphore et d’obus à uranium appauvri, les destructions systématiques d’hôpitaux, d’écoles, de mosquées, de champs, etc. : nous savons à quel point la dernière agression israélienne dans la Bande de Gaza a été criminelle.
Mais cette intervention est également suicidaire. Jamais, depuis la Naqba, la grande catastrophe de 1948, n’est apparue avec autant de clarté à l’échelle du monde l’entreprise coloniale d’éviction violente des Palestiniens de leurs terres, mise en œuvre par tous les gouvernements successifs de l’État d’Israël. Si, après de telles pertes et de tels drames, personne ne peut dire que les Palestiniens ont gagné, on peut dire qu’Israël a politiquement perdu. Israël peut tuer des ministres et des enfants au nom de la lutte contre le terrorisme, mais cette fuite en avant, qui semble avoir bénéficié d’un soutien majoritaire dans la population juive israélienne, l’engage encore un peu plus dans une impasse.
Les gouvernements d’Israël ne proposent d’autre avenir aux Juifs d’Israël et du monde que d’être la pointe avancée d’une lutte permanente contre le « terrorisme », dans un choc des civilisations. Condamnant les Juifs israéliens à une guerre sans fin, Israël appelle les Juifs du monde entier à le soutenir, en leur faisant porter l’opprobre de ses crimes. Aujourd’hui, Israël est le premier responsable du regain d’antisémitisme dans le monde. Non seulement parce qu’il poursuit une politique criminelle insupportable, mais parce qu’il prétend la faire en tant qu’État des Juifs du monde entier.
Boycott
Ce qui est vrai pour Israël est vrai aussi pour certaines communautés juives organisées, qui croient bon de se situer dans le soutien inconditionnel à Israël. En France, le Conseil (prétendument) représentatif des institutions juives de France (Crif) et le consistoire qui s’y associe sont de véritables pompiers pyromanes. Manifestant pendant l’agression de Gaza leur soutien à Israël, devant l’ambassade à Paris, ils se précipitent ensuite auprès des autorités de la République pour leur dire de lutter contre l’importation du conflit…
Importation du conflit ? Notre première tâche est bien d’apporter notre solidarité concrète et politique à la résistance des Palestiniens : missions civiles, délégations, partenariats, jumelages, participation au Collectif national et à sa démarche unitaire. La seconde est d’être solidaires des anticolonialistes israéliens et de ceux qui refusent de servir dans l’armée. Ils sont la preuve que ce conflit n’est ni ethnique ni religieux, mais bien politique. La troisième est de situer cette lutte dans le cadre de la lutte internationale contre la politique de l’impérialisme au Moyen-Orient, en luttant notamment contre l’Otan et ses interventions.
Enfin, il faut participer à une campagne qui a longtemps été évoquée et qui, aujourd’hui, doit se développer, celle du boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Il faut boycotter les produits israéliens, en ciblant les produits clairement identifiables. On sait combien a été efficace la campagne de boycott contre l’Afrique du Sud, du temps de l’apartheid. Les ONG palestiniennes et les anticolonialistes israéliens nous le demandent. Il faut dénoncer les entreprises françaises et multinationales, telles Alstom ou Veolia, qui participent à la colonisation. Les accords d’association entre l’Union européenne et Israël doivent être dénoncés. Les dirigeants israéliens doivent être effectivement poursuivis pour crimes de guerre.
Bien sûr, la meilleure aide que nous pourrions apporter au peuple palestinien serait de rompre la chaîne impérialiste dans notre propre pays et de mener ici la lutte anticapitaliste jusqu’à la victoire. Mais, sans attendre, c’est dans ces luttes de solidarité que s’enracine toujours la volonté d’en finir avec toutes les oppressions.