L’affaire Florence Cassez fait grand bruit. On pourra se demander à quoi
tient l’ampleur de la campagne en faveur de sa libération : des dizaines
de journalistes voyageant au Mexique pour la rencontrer et, en apothéose,
la mobilisation du Zorro de l’Elysée.
Dans le même temps, une autre affaire étouffe d’une injustice criante,
dans le plus parfait silence médiatique : celle des prisonniers politiques
d’Atenco. A ceux qui sont prêts à s’émouvoir des montages policiers et de
la corruption judiciaire qui règne au Mexique, on fera valoir qu’ils n’ont
aucune chance d’être conséquents et crédibles s’ils ne prêtent pas
attention également aux prisonniers d’Atenco.
Atenco est une commune des environs de Mexico. Ses habitants se sont
mobilisés pour défendre leurs terres, situées à proximité d’un lac à
l’équilibre écologique fragile, et ont réussi a empêché en 2002 la
construction de ce qui devait être le nouvel aéroport de Mexico. Les
gouvernements locaux et fédéraux leur en ont gardé une rancune farouche.
En mai 2006, profitant d’un prétexte mineur (un conflit portant sur la
vente de fleurs sur le marché), la police de l’Etat de Mexico, appuyée par
les autorités fédérales, a lancé une énorme opération répressive, qui
s’est soldée par deux morts, des centaines d’arrestations d’une rare
brutalité, le viol d’environ trente femmes. Autant d’atteintes graves aux
droits humains qui viennent d’être reconnues, le 12 février 2009, par la
très officielle Cour suprême de justice du Mexique (laquelle s’est
toutefois abstenue de fixer des responsabilités politiques).
Parmi les détenus figuraient les principaux organisateurs des
mobilisations contre le projet d’aéroport. Treize d’entre eux ont été
condamnés à des peines aberrantes, jusqu’à 112 ans d’emprisonnement dans
le cas d’Ignacio del Valle, détenu dans les conditions redoutables d’une
prison de haute sécurité (isolement presque total, cellule éclairée jour
et nuit, etc.).
Ces peines reposent pour l’essentiel sur des délits fabriqués et arguent
également que des fonctionnaires auraient été retenus par la population,
puis relâchés, dans le cadre des luttes pour les revendications d’Atenco
(une pratique assez courante au Mexique, dont il reste à vérifier qu’elle
a bien été utilisée en l’occurrence, et qui, en tout état de cause ne
saurait justifier des peines aussi disproportionnées).
Il y a quelques jours, de nombreuses personnalités, essentiellement
mexicaines, ont engagé une campagne afin d’obtenir la liberté des treize
prisonniers politiques d’Atenco. Parmi ses organisateurs figurent Manu
Chao, les acteurs Diego Luna et Daniel Gimenez Cacho, les écrivains Carlos
Montemayor et Paco Ignacio Taibo II, l’historien Adolfo Gilly, des
journalistes, ainsi que l’ancien évêque de San Cristobal de Las Casas,
Samuel Ruiz.
A l’heure où le Mexique a les honneurs du Salon du livre de Paris, il
serait de notre honneur d’apporter un soutien actif aux prisonniers
d’Atenco. Et qu’ainsi le souci que certains ont de défendre une
compatriote ne soit pas l’arbre qui cache la forêt d’une inacceptable
injustice à l’encontre de Mexicains qui n’ont fait que se battre pour
leurs droits et leur terre.
Voir l’appel : Mexique : Appel en faveur des condamnés d’Atenco