Plan : (1)
1. L’effet de serre naturel
2. La modification de l’effet de serre due à l’activité humaine
3. Les changements climatiques et écologiques dus à l’accentuation de l’effet de serre. Leurs conséquences pour l’humanité.
4. Quelle stratégie pour lutter contre le changement climatique ?
5. Le protocole de Kyoto, un tout petit premier pas
6. L’opposition des Etats-Unis
7. Effets pervers de Kyoto
8. L’avertissement de Katrina
9. Solutions technologiques, gaspillage énergétique et défis sociaux
1. L’effet de serre naturel
Pourquoi la serre accumule-t-elle la chaleur reçue du soleil au lieu de la rayonner dans l’air environnant ? Parce que le verre laisse passer le rayonnement solaire de l’extérieur vers l’intérieur de la serre mais ne laisse pas passer la chaleur rayonnée de l’intérieur vers l’extérieur. Quand la température devient trop importante, le jardinier doit ouvrir la serre, sans quoi ses cultures risquent de mourir de chaud.
L’atmosphère terrestre fonctionne un peu comme une serre. Certains gaz, jouant le rôle du verre, laissent passer la chaleur du soleil vers la terre (rayonnements de la partie visible du spectre) mais ne laissent pas passer la chaleur rayonnée de la terre vers l’espace (rayonnements infrarouges). La chaleur reste « dans » l’atmosphère comme dans une serre et c’est pourquoi on parle à ce sujet d’« effet de serre ». Cet effet de serre est naturel et bénéfique. Sans effet de serre, toute la chaleur reçue du soleil serait rayonnée dans l’espace, de sorte la température moyenne de notre planète serait de -18°C. Grâce à l’effet de serre elle est de 15°C et la vie a pu s’y épanouir.
Les gaz responsables de l’effet de serre naturel sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N20). Le CO2 est un produit de la combustion, de la décomposition aérobie (en présence d’oxygène) et de la respiration. Le méthane est un produit de la fermentation (décomposition des matières organiques en absence d’oxygène, c’est-à-dire anaérobie). L’oxyde nitreux naturel est un produit de l’activité de certains microbes du sol.
Le CO2 est le gaz à effet de serre le plus abondant et le plus important. Il ne reste pas dans l’atmosphère indéfiniment, mais 150 ans environ. Que devient-il ensuite ? En fait, ce CO2 est une étape dans ce qu’on appelle le « cycle du carbone organique », qui se présente schématiquement de la façon suivante :
1°) grâce à leur chlorophylle, les plantes vertes absorbent du CO2 atmosphérique et le combinent avec de l’eau pour former de la matière organique qu’elles stockent sous forme de tissus, en utilisant pour cela l’énergie lumineuse du soleil (photosynthèse) ;
2°) la matière organique photosynthétisée par les plantes est la base de toute la chaîne du vivant. Tout au long de cette chaîne, plantes et animaux respirent, donc rejettent du CO2 dans l’atmosphère ;
3°) quand ils meurent, les organismes sont décomposés, c’est-à-dire que les grosses molécules organiques qui les constituent sont cassées et que le carbone qu’elles contiennent est renvoyé dans l’atmosphère sous forme de CO2 ;
4°) le CO2 produit par la respiration et par la décomposition est absorbé par les plantes et le cycle recommence...
Le cycle du carbone organique s’autorégule dans certaines limites. En effet, quand la concentration atmosphérique en CO2 augmente, les plantes vertes ont tendance à pousser plus vite, donc absorbent davantage de CO2. Ce phénomène est connu sous le nom de « puits de carbone ». Outre la végétation, les sols et les océans sont des puits de carbone importants. Grâce à ces mécanismes d’autorégulation, la concentration atmosphérique en CO2 est restée comprise dans une fourchette assez étroite pendant des centaines de milliers d’années (2). De plus, non seulement la fourchette est restée étroite mais en plus les variations sont restées très lentes puisqu’elles se sont étalées sur des milliers d’années. En fait, l’histoire du climat révèle l’existence de variations naturelles cycliques, liées à différents facteurs astronomiques tels que les modifications de l’ellipse que la Terre parcourt autour du soleil. Ces variations cycliques influencent la concentration atmosphérique en CO2. Celle-ci diminue par exemple durant les périodes glaciaires, mais augmente durant les interglaciaires (de 200 ppmv à 280 ppmv respectivement).
2. L’augmentation de l’effet de serre due à l’activité humaine
L’activité humaine tend à modifier le cycle du carbone, et influe par conséquent sur l’effet de serre. Deux mécanismes entrent en ligne de compte :
– Le changement d’affectation des sols. Si on réduit la surface occupée par les forêts et qu’on brûle le bois sans replanter de nouveaux arbres, la concentration atmosphérique en CO2 augmente. Non seulement le carbone contenu dans les plantes est libéré, mais en plus le stock de carbone contenu dans les sols diminue. Ce stock diminue aussi lorsqu’on transforme une prairie en terre de culture. Les mauvaises pratiques culturales jouent un rôle également, notamment lorsqu’elles favorisent l’érosion car celle-ci signifie une diminution de la matière organique contenue dans les sols, donc une perte du carbone qui entre dans la composition de cette matière organique ;
– la combustion des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz). Ces combustibles sont dits « fossiles » parce qu’ils se sont formés à partir de végétaux morts (charbon) ou de plancton mort (pétrole), fossilisés il y a des millions d’années (3). Quand on brûle ces combustibles, on libère le carbone qui, du fait des conditions particulières régnant au moment de la fossilisation, n’avait pas été libéré par décomposition à l’époque. En extrayant ce carbone des profondeurs du globe où il avait été stocké et en brûlant les combustibles fossiles, on injecte pour ainsi dire un surplus de carbone dans le cycle tel qu’il se présente aujourd’hui.
La modification du cycle du carbone par l’activité humaine est inévitable dans une certaine mesure. Du fait de ses caractéristiques en tant qu’espèce, l’être humain, à la différence des autres espèces, organise et structure son environnement de façon consciente. Pour ce faire, il lui faut nécessairement prélever des ressources énergétiques non seulement pour se nourrir (comme les autres espèces), mais aussi pour se vêtir, façonner des outils, construire des logements, etc. Il serait donc illusoire de vouloir supprimer tout impact spécifiquement humain sur l’effet de serre, mais cet impact doit être maintenu dans certaines limites, déterminées par les capacités d’autorégulation de la Terre.
Or, si on compare la modification de l’effet de serre imputable à l’activité humaine aux fluctuations naturelles de cet effet de serre dans le passé, deux différences apparaissent, qui posent problème : la vitesse et l’ampleur du phénomène. La concentration atmosphérique en gaz carbonique a augmenté de 31% depuis 1750, celle du méthane de 150% et celle de l’oxyde nitreux de 15%. Ces hausses sont sans précédent depuis des milliers d’années. L’augmentation de la concentration atmosphérique en gaz carbonique entre le dernier maximum glaciaire (il y a 20.000 ans) et la révolution industrielle a été de 80 ppmv environ. On aura une idée du problème posé par la vitesse du changement en sachant que ce chiffre (+80 ppmv) est du même ordre de grandeur que la hausse de la concentration en CO2 au cours des deux cents ans qui ont suivi.
La date de 1750 ne tombe pas du ciel : en effet, c’est surtout à partir de la révolution industrielle que l’activité humaine modifie l’effet de serre de façon sensible. Les raisons sont évidentes : l’exploitation massive du charbon, la hausse de la production et de la productivité, la hausse de la population et l’urbanisation croissante de celle-ci.
Depuis la révolution industrielle, le pétrole, le gaz naturel et l’énergie nucléaire ont remplacé de plus en plus le charbon comme source d’énergie. L’utilisation de l’énergie nucléaire ne dégage pas de CO2 (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne pose pas d’autres problèmes : nous y reviendrons), tandis que la combustion du pétrole - et surtout celle du gaz - libèrent proportionnellement moins de CO2 que celle du charbon. Mais cette diminution relative a été plus que compensée par l’augmentation absolue de la production et de la consommation ainsi que par d’autres phénomènes : la production de nouveaux gaz à effet de serre par l’industrie (4), la découverte des engrais chimiques à la fin du XIXe S (les nitrates employés massivement par l’agriculture des pays développés sont une source de N20, surtout quand les doses sont excessives et les épandages mal planifiés par rapport aux besoins des plantes) et la poursuite du changement d’affectation des sols (en particulier dans les pays du tiers-monde où la déforestation - environ 3% par an - est un phénomène très important).
Non seulement l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 est rapide, mais en plus elle s’accélère (on parle de phénomène « non linéaire »). Il a fallu 150 ans pour passer de 280 à 330 ppmv, mais à peine trente ans pour passer de 330 ppmv à 380 ppmv. En 2004, la hausse de la concentration a atteint le record annuel de 3 ppmv (ppmv = parts par millions volume, l’unité employée pour mesurer la concentration). La même chose vaut pour les autres gaz à effet de serre. Cette accélération fait craindre qu’on atteigne un point où le cycle du carbone organique sera tellement saturé que les mécanismes autorégulateurs de l’effet de serre ne pourront plus opérer.
Changement d’affectation des sols et combustion de combustibles fossiles : de ces deux causes de perturbation, la plus importante, depuis la deuxième guerre mondiale, est la seconde. Or, cette cause est aussi la plus difficile à atténuer. En effet, il « suffirait » d’arrêter la déforestation et de replanter des arbres pour que le CO2 libéré dans l’atmosphère suite au changement d’affectation des terres soit de nouveau absorbé par des plantes et, à long terme, stocké par les sols. Par contre, le CO2 émis en brûlant des combustibles fossiles, lui, ne peut évidemment pas être absorbé par la végétation dont il est issu, puisque cette végétation n’existe plus. Il peut être absorbé par les plantes d’aujourd’hui, mais dans certaines limites seulement. Actuellement, la moitié environ des 30 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année au niveau mondial est réabsorbée par les plantes et les océans. L’autre moitié s’accumule dans l’atmosphère.
3. Les changements climatiques et écologiques dus à l’accentuation de l’effet de serre. Leurs conséquences pour l’humanité
Comme dans une serre, l’accumulation de gaz dits « à effet de serre » entraîne le réchauffement de la température moyenne à la surface du globe. Ce réchauffement a plusieurs conséquences aisément compréhensibles :
– Etant donné que l’eau chaude occupe un volume plus grand que l’eau froide, la hausse de la température dilate les masses d’eau des océans, entraînant une montée du niveau de ceux-ci ;
– la fonte des glaciers et des énormes calottes de glace du Groenland et du pôle Sud, contribue également à cette montée du niveau des eaux ;
– du fait de la montée du niveau des mers, l’eau salée peut s’infiltrer dans les nappes aquifères proches des côtes, l’érosion des côtes augmente, et le risque d’inondation s’accroît dans les deltas et les plaines côtières ;
– qui dit température plus élevée dit évaporation plus grande, donc atmosphère en général plus humide, donc en général plus de précipitations à l’échelle du globe. Mais attention : cette augmentation générale des précipitations n’est pas uniformément répartie. Selon les régions, il y a accroissement des pluies, ou au contraire accroissement de la sécheresse et intensification de la désertification ;
– vu qu’ils sont dus notamment à des différentiels de température entre l’atmosphère et la surface, une série d’« événements météorologiques extrêmes » (cyclones, typhons, tempêtes...) pourraient augmenter en intensité, voire en fréquence ;
– déplacement des zones de répartition des plantes et des animaux, donc aussi déplacement et extension des zones de répartition de certaines maladies qui ont des animaux pour vecteurs (telles que la malaria, la dengue ou la maladie de Lyme - causée par la tique) ;
– à court et moyen terme, les conséquences pour la production agricole ne sont pas clairement tranchées : il y aurait augmentation de la production dans certaines zones, recul dans d’autres.
Ces conséquences constituent déjà une réalité observée :
– les années les plus chaudes de l’histoire de la météorologie se situent toutes dans la dernière décennie ;
– la température moyenne à la surface de la terre a augmenté de 0,6° (+/-0,2°) au 20e siècle ;
– le niveau des mers a monté de 10 à 20 cm au 20e siècle ;
– la violence des ouragans dans l’Atlantique a été multipliée par deux au cours des trente dernières années.
Le graphique ci-dessous [que nous ne reproduisons pas ici] montre la hausse de la température moyenne de surface depuis 1860. Cette hausse semble très limitée puisqu’elle se mesure en dixièmes de degrés centigrades. En fait, elle est sans précédent depuis dix mille ans par son ampleur et sa vitesse combinées.
A l’instar de la hausse de la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre, le changement climatique n’est pas un phénomène linéaire. A partir d’une certaine concentration, le réchauffement pourrait entraîner de lui-même un réchauffement supplémentaire. Ceci pourrait se produire, par exemple, si les terres gelées en permanence (« permafrost » ou « pergélisol ») dégelaient et libéraient brusquement les grandes quantités de méthane qu’elles contiennent. Ce genre d’effet « boule de neige » du changement climatique est connu sous le nom de « rétroaction positive ». Un autre mécanisme de rétroaction positive découle du fait que le réchauffement accroît l’évaporation ; or la vapeur d’eau présente un très puissant effet de serre. D’autres dangers pourraient résulter de la perturbation des grands courants océaniques, comme le Gulf Stream par exemple. Le Gulf Stream, qui adoucit le climat de l’Europe occidentale, est ralenti et pourrait s’arrêter complètement si la fonte des glaces amenait de très grandes quantités d’eau douce dans le Nord de l’Atlantique (5) (on parle dans ce cas de « rétroaction négative »).
Beaucoup de dangers et d’incertitudes de ce genre découlent du fait que le climat est un système complexe dans lequel de petites différences quantitatives peuvent provoquer de grands bouleversements qualitatifs. Les spécialistes parlent d’effets de seuil pour décrire ce type de phénomènes. Le problème est qu’on ne sait pas exactement où se situent les seuils à ne pas franchir. La seule chose qu’on sait avec certitude est qu’ils existent.
Les spécialistes ont constitué des modèles mathématiques de l’évolution du climat. Ces modèles sont encore incertains mais ils sont considérés comme relativement fiables car, en y introduisant les variations de concentration en gaz à effet de serre du passé (6), on reproduit à peu près le climat qu’on connaît aujourd’hui. Il y a plusieurs modèles, car il y a plusieurs hypothèses quant au développement futur de la société (croissance économique, progrès technologique, croissance démographique, poursuite de la mondialisation ou non, etc.).
Selon ces modèles, si les tendances actuelles continuaient
– le niveau des mers monterait de 9 à 88 cm au XXIes ;
– la concentration de CO2 triplerait ou quadruplerait d’ici 2100 ;
– la température moyenne de surface augmenterait de 1,4 à 5,8°C.
De plus, et quoi qu’on fasse, le changement engagé aujourd’hui continuera à avoir des effets au-delà de 2100. En effet, le réchauffement des masses d’eau océaniques, notamment, est un phénomène très lent, qui fera sentir ses conséquences pendant un millénaire environ. A long terme, les retombées pourraient être redoutables. Jusqu’à présent, la hausse du niveau des océans est due essentiellement à la dilatation thermique, mais la calotte glaciaire au-dessus du Groenland fond rapidement. Si elle devait fondre en totalité, le niveau des mers monterait de 3m environ. La totalité des glaces du Groenland pourrait fondre en mille ans si la température dans cette région augmentait de 5,5°C. Or, pour une série de raisons, la hausse de température au-dessus du Groenland est plus importante qu’ailleurs. Si rien n’est entrepris, une hausse du niveau des océans de plus d’un mètre dans les deux cents années à venir n’est nullement impossible. Il semble que les calottes glaciaires de l’Antarctique n’aient pas commencé à fondre de façon importante. Heureusement, car la fonte des masses de glaces accumulées dans cette région ferait monter le niveau des mers de plus de 60 mètres...
Répétons-le : il ne faut pas se laisser abuser par l’ampleur apparemment limitée des écarts, notamment en matière de température. Du fait des « phénomènes de seuil », de petites causes peuvent avoir de grands conséquences. Il y a 20.000 ans, la température moyenne de la Terre n’était inférieure que de 4°C environ à celle que nous connaissons aujourd’hui, mais nous étions en pleine période glaciaire et l’Europe ressemblait à la Sibérie actuelle... Selon les spécialistes, la hausse possible du niveau des océans forcera des dizaines de millions de gens à déménager avant la fin du siècle, les conséquences négatives du changement climatique pour l’espèce humaine l’emporteront sur les conséquences positives, et les pauvres seront les plus touchés.
4. Quelle stratégie pour limiter le changement climatique ?
La stratégie à suivre pour limiter le changement climatique doit être mondiale, car le CO2 émis en un point du globe circule très vite autour de celui-ci et contribue au réchauffement global.
Cette stratégie consiste à limiter la concentration atmosphérique en CO2 et autres gaz à effet de serre. Pour ce faire, trois voies sont théoriquement envisageables : 1°) le stockage du CO2 dans des sortes de « décharges » ; 2°) l’augmentation des quantités de CO2 absorbées par les plantes, les sols et les océans ; 3°) la réduction des émissions de CO2, de CH4, de N20 et des autres gaz à effet de serre.
Ces trois voies n’ont pas la même importance ni le même caractère structurel :
1°) Le stockage du CO2 est possible, par exemple dans des nappes aquifères salines situées sous la mer, dans des gisements de houille inexploités, ou dans des gisements de pétrole ou de gaz en voie d’exploitation (7). La technologie est connue : les compagnies pétrolières injectent déjà des fluides dans les gisements pétrolifères, afin d’augmenter le taux d’exploitation de ceux-ci. Les possibilités de stockage de ce type semblent fort importantes. Mais, dans l’état actuel des connaissances, personne ne peut certifier que le CO2 stocké ne « sortira pas un jour de son trou », ce qui confronterait les générations futures à un problème très sérieux. De plus, la condition pour stocker du CO2 est évidemment de pouvoir le capter lorsqu’il est émis. En pratique, ce captage n’est possible qu’aux points fixes où le CO2 est produit en grande quantité, c’est-à-dire au niveau des centrales qui produisent de l’électricité en brûlant un combustible quelconque. Le CO2 produit au niveau des habitations et des véhicules ne peut pas raisonnablement être capté et ne peut donc pas non plus être stocké. Enfin, il va de soi que les capacités de stockage, quoique gigantesques, ne sont pas illimitées. A condition qu’il puisse se faire dans des conditions de sécurité suffisantes pour l’être humain et pour les écosystèmes, le stockage ne pourrait donc être qu’un moyen de gagner du temps sur le changement climatique. Ce gain de temps doit être mis à profit pour dégager des solutions plus structurelles.
2°) On parle beaucoup de la possibilité de planter des arbres afin de stocker du carbone. Dans certains pays, certains constructeurs automobiles, quand ils vendent une voiture, prétendent à l’acheteur qu’il roulera sans contribuer à l’effet de serre du fait que l’entreprise plantera des arbres absorbant une quantité de CO2 analogue à celle émise par le véhicule. Le problème est que ces arbres mourront un jour. Ce jour-là, le carbone absorbé sera inévitablement libéré dans l’atmosphère - soit immédiatement si le bois est brûlé, soit à la fin de vie des objets en bois si le bois est utilisé comme matière première. En réalité, la plantation d’arbres n’est, comme le stockage, qu’un moyen de gagner un peu de temps (à titre d’exemple : la durée de vie moyenne d’un meuble en bois moderne est de 60 ans à peine). Certaines techniques dans les domaines de l’élevage, de l’agriculture et de la foresterie pourraient être de nature plus structurelle, mais elles n’auraient d’effet qu’à très long terme. La reconstitution des stocks de carbone des sols grâce à de bonnes pratiques culturales, ou à des changements d’utilisation des sols, par exemple, est un processus très lent. De plus, le potentiel de cette reconstitution est limité dans une certaine mesure par les contraintes agricoles découlant de la nécessité de nourrir six milliards d’êtres humains : on ne peut évidemment pas convertir systématiquement les terres agricoles en friches pour stocker du carbone !
3°) La réduction des émissions est donc le principal volet structurel de la stratégie à mettre en œuvre. Etant donné le rôle central du gaz carbonique dans le réchauffement de la planète, c’est principalement sur la réduction des émissions de ce gaz que les efforts doivent se concentrer. Cette réduction peut être obtenue de deux manières, qui sont complémentaires : l’augmentation de l’efficacité énergétique (autrement dit : consommer moins d’énergie pour obtenir un résultat donné), d’une part, et le remplacement des énergies fossiles par des sources d’énergie qui n’injectent pas de nouvelles quantités de gaz carbonique dans le cycle du carbone, d’autre part. Nous reviendrons plus loin sur les technologies permettant de se rapprocher de ces objectifs.
Un des problèmes théoriques qui pèse sur la stratégie à adopter pour limiter le changement climatique est qu’on ne connaît pas exactement la concentration atmosphérique en CO2 à ne pas dépasser. La plupart des spécialistes pensent qu’il faudrait ne pas dépasser le double de la concentration qui existait avant la révolution industrielle (c’est-à-dire à peu près une fois et demie la concentration actuelle). A en croire les modèles du climat, cela permettrait de maintenir le réchauffement au-dessous de 2°C en moyenne mondiale. Toutefois, certains spécialistes préconisent d’être encore plus prudent et situent le seuil à 450 ppmv.
Pour analyser le changement climatique et proposer des stratégies, les Nations Unies et l’Organisation Météorologique Mondiale ont mis sur pied un organe appelé le Groupement Intergouvernemental des Experts du Changement Climatique (GIEC). Le GIEC est un organisme hétéroclite qui rassemble des scientifiques de différentes disciplines ainsi que des représentants des gouvernements. Il publie des rapports sur le changement climatique, ses impacts et les parades à développer. Selon ces rapports, qui sont souvent le fruit de dures batailles et de compromis, la stabilisation du climat à un niveau non dangereux implique que les émissions de CO2 ou d’« équivalents CO2 » (8) doivent diminuer au moins de 60% à l’échelle mondiale d’ici 2050.
5. Le protocole de Kyoto : un tout petit premier pas
En 1992, à l’occasion du Sommet de la Terre organisé à Rio par les Nations Unies, une Convention-cadre sur le changement climatique a été adoptée (UNFCCC). Dans le cadre de cette convention, un protocole d’action a été négocié et finalement conclu à Kyoto, au Japon, en 1997. Connu sous le nom de « protocole de Kyoto », ce texte est entré en vigueur en février 2005 suite à sa ratification par la Russie. Sur une série de points, les modalités du Protocole ont été concrétisées année après année, au fil de réunions rassemblant les signataires de la convention-cadre (ces réunions sont appelées « conférences des parties », COP en anglais).
Le Protocole de Kyoto enjoint aux pays industrialisés (y compris les pays de l’Est, dits « en transition ») de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5,2% au cours d’une première « période d’engagement » 2008-2012. Dans la plupart des cas, la réduction sera mesurée par rapport au niveau d’émissions de 1990, qui sert ainsi d’année de référence.
L’engagement global (5,2% de réduction) est modulé selon les pays :
– les pays en voie de développement n’ont pas d’obligations de réduction. Les négociateurs ont tenu compte du fait que le changement climatique est essentiellement le résultat de deux cents ans de développement dans les pays du Nord. Ils ont estimé que ceux-ci devaient montrer la voie, qu’ils ont les moyens technologiques pour ce faire, et qu’ils devaient aider le « tiers-monde » à se doter de ces moyens afin de se développer de façon plus propre que le Nord (9). Les pays du Sud ont fait valoir leur droit au développement, donc leur droit à une consommation d’énergie accrue et ils ont pointé l’inégalité d’accès aux ressources énergétiques. Cette inégalité se traduit au niveau de l’inégalité des émissions de CO2 : 5 tonnes de CO2/an/personne en moyenne mondiale, 12 tonnes/an/personne en Belgique, 2 tonnes/an/personne en Inde (graphique)...
[Graphique non reproduit ici : Emissions de CO2 (tonnes) par habitant et par an, selon les pays. Noter la moyenne mondiale à 3,7t et les écarts, non seulement entre Nord et Sud, mais aussi entre pays développés.]
– l’Union Européenne doit diminuer ses émissions de 8% par rapport au niveau de 1990. Un accord de répartition de cet effort a été négocié entre pays de l’Union. La Belgique, par exemple, s’est engagée à une diminution de 7,5%, répartie entre ses régions wallonne, flamande et bruxelloise.
– certains pays développés n’ont pas, à ce stade, à prendre de mesures de réduction parce que leur niveau d’émission est inférieur au niveau de l’année 1990. Les pays concernés sont surtout ceux de l’ex-Bloc de l’Est, notamment la Russie et l’Ukraine. Cette situation découle du fait que ces pays ont connu, juste après l’année 1990, un très fort recul économique, donc un recul de la consommation d’énergie et des émissions de CO2.
Au regard de ce qui est nécessaire à moyen terme pour stabiliser le climat, le protocole de Kyoto ne constitue qu’un minuscule premier pas. Certains ont calculé que, si tous les pays respectaient leur engagement, l’augmentation de température projetée par les modèles serait réduite de ...0,1°C par rapport au scénario de référence. Autrement dit, si la température « sans Kyoto » devait monter de 3°C d’ici 2100, elle ne monterait « que » de 2,9°C « avec Kyoto ».
Nous avons vu plus haut l’importance de distinguer le stockage, l’absorption et la réduction des émissions de CO2 - trois stratégies qui n’ont pas la même portée structurelle. Outre le fait qu’il représente seulement un tout petit premier pas, le Protocole a le défaut de ne pas faire cette distinction. En effet, pour réaliser leurs engagements, les pays concernés peuvent indifféremment réduire leurs émissions, augmenter leur capacité d’absorption ou décider de stocker le gaz carbonique (ou combiner ces trois types de mesures).
De plus, comme les objectifs de réduction semblaient néanmoins trop importants et donc trop coûteux pour les entreprises, le Protocole a prévu des « mécanismes flexibles » ayant pour but de faciliter le respect des objectifs par les pays soumis à engagement. Ces mécanismes sont au nombre de trois :
– « l’échange de droits d’émission » : un pays qui ne parvient pas à respecter ses engagements de réduction peut acheter des droits d’émission (« droits de polluer ») à un pays qui à dépassé ses engagements (donc qui est passé au-dessous de la quantité maximum d’équivalent-CO2 qu’il a le droit d’émettre), soit parce que ce dernier a mis en œuvre une politique propre, soit parce qu’il dispose d’un stock de droits d’émission non utilisés (comme c’est le cas de la Russie et de l’Ukraine, entre autres) ;
– « la mise en œuvre conjointe » : un pays soumis à engagement peut réaliser un investissement diminuant les émissions (ou augmentant les absorptions) dans un autre pays soumis à engagement (à condition que les deux pays aient ratifié le Protocole). Dans ce cas, les gains en termes de réduction des émissions sont comptabilisés comme s’ils avaient été réalisés sur le territoire du pays investisseur. De grandes compagnies européennes qui réalisent des investissements dans les ex- pays de l’Est, par exemple dans le secteur énergétique, ou dans le secteur de la gestion des déchets, le font dans le cadre de la « mise en œuvre conjointe » ;
– « le mécanisme du développement propre » : un pays soumis à engagement peut réaliser un investissement diminuant les émissions (ou augmentant les absorptions) dans un pays en développement non soumis à engagement (à condition que les deux pays aient ratifié le Protocole). Dans ce cas aussi, les gains en termes de réduction des émissions sont comptabilisés comme s’ils avaient été réalisés sur le territoire du pays investisseur. L’exemple donné plus haut d’entreprises automobiles plantant des arbres censés neutraliser les émissions des voitures vendues est réalisé par le truchement du « mécanisme de développement propre » : les arbres sont plantés dans un pays du Sud. En l’occurrence, ce pays sert pour ainsi dire de « puits de carbone », voire de décharge à CO2, pour les automobilistes du Nord.
La mise en œuvre de ces mécanismes suppose un prix du carbone (à la tonne), la création d’un marché mondial du carbone et la mise sur pied d’une série d’organes de vérification et de certification des réductions d’émission.
Etant donnés leurs effets pervers possibles (sur lesquels nous reviendrons en détails plus loin), et vu qu’ils réduisent en fait l’effort de réduction au sens strict, l’ « échange de droits d’émission », la « mise en œuvre conjointe » et le « mécanisme du développement propre » sont soumis à un certain nombre de limitations. C’est ainsi que les pays sont invités à réaliser chez eux la plus grande partie de l’effort à fournir. Dans le même esprit, il est stipulé que les investissements en « puits de carbone » ne peuvent pas dépasser une certaine proportion des projets « externalisés » au titre du « mécanisme de développement propre ». Par ailleurs - et c’est un point important - les investissements dans l’énergie nucléaire sont exclus des mécanismes flexibles, en raison des dangers spécifiques de cette source d’énergie.
6. L’opposition des Etats-Unis
Les Etats-Unis et quelques autres pays développés refusent de ratifier le Protocole de Kyoto. Ceci réduit considérablement l’efficacité du Protocole, car les Etats-Unis sont le premier producteur mondial de gaz à effet de serre.
Les responsables américains ont longtemps nié la réalité du changement climatique provoqué par l’activité humaine. Ils ne le font plus. Aujourd’hui, leur critique porte principalement sur deux points : l’absence d’engagements pour les pays en voie de développement, d’une part, et le recours à des objectifs de réduction chiffrés assortis d’un calendrier relativement contraignant, d’autre part.
Washington estime que les grands pays en voie de développement (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud...), qui ont ratifié le Protocole, devraient être soumis à engagements au même titre que les pays développés. Ils font valoir que, dans vingt ans, ces pays seront les principaux responsables de la hausse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Cette manière a-historique de présenter les choses tend à escamoter le fait que les pays du Nord sont les principaux responsables de cette hausse... depuis deux cents ans. Parmi ces pays, la responsabilité des Etats-Unis est particulièrement lourde puisqu’ils consomment 25% des ressources énergétiques mondiales avec 5% à peine de la population. Un Américain consomme en moyenne 8 millions de tonnes d’équivalent pétrole par an - deux fois plus qu’un Européen (pour un niveau de bien-être analogue), dix fois plus qu’un Chinois, quinze fois plus qu’un Indien...
A terme, on peut évidemment considérer que tous les pays devront contribuer à la lutte contre le changement climatique, puisque tous sont concernés. Mais la contribution de chacun ainsi que le moment où elle débute doivent tenir compte de la responsabilité historique, de la part prise dans la hausse de l’effet de serre, et du niveau de développement atteint. Le système devrait aller dans le sens d’une plus grande égalité.
L’exemple de la Chine est révélateur d’une certaine démagogie de l’argumentation américaine concernant les pays en voie de développement. En effet, la Chine semble avoir réduit ses émissions dans une fourchette de 6 à 14% entre 1996 et 1999 (les estimations varient mais la tendance générale a été confirmée par l’Agence Internationale de l’Energie), malgré une croissance économique de 22 à 27% ; pendant ce temps-là, les émissions américaines augmentaient de 5%, pour une croissance moindre... Le graphique ci-dessous [non reproduit ici] montre que les deux pays ont des comportements très différents : la Chine (en rouge : le pointillé du dessus correspond aux prévisions faites avant que soit constatée la réduction des dernières années) semble faire un effort substantiel pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles ; les USA, malgré tous leurs moyens technologiques, tirent prétexte de l’absence de contraintes imposées à Pékin pour continuer à brûler des combustibles fossiles à tire-larigot...
La superpuissance US s’oppose aux objectifs de réduction contraignants assortis d’un calendrier strict. En guise d’alternative, Washington propose des programmes volontaires de réduction, négociés avec les entreprises en fonction de leur compétitivité et rythmés par la recherche, le développement ainsi que l’application de nouvelles technologies. Mais le graphique montre que les USA eux-mêmes ne semblent pas appliquer cette méthode volontaire avec beaucoup de succès. Ils sont bien mal placés dès lors pour faire la leçon à des pays qui, bien que pauvres, font d’eux-mêmes un effort réel de réduction volontaire... et ont ratifié Kyoto !
7. Effets pervers de Kyoto
Le blocage de Kyoto par les Etats-Unis et leurs alliés tend à occulter le débat sur les effets pervers du Protocole. Or ceux-ci ne sont pas à sous-estimer. Nous avons déjà attiré l’attention sur l’extrême modestie de l’effort envisagé. Nous avons aussi souligné le fait que le Protocole a le défaut de mettre sur le même pied des stratégies de lutte contre le changement climatique qui n’ont pas le même caractère structurel. Il nous faut maintenant compléter cette critique en examinant de plus près les « mécanismes flexibles ».
En substance, les « mécanismes flexibles » reviennent à permettre une sorte de délocalisation - ou d’ « externalisation » comme disent les économistes - de l’effort à fournir par les pays développés. Au lieu de faire l’effort chez soi, on le fait ailleurs (où cela coûte moins cher) ; et au lieu d’appliquer cet effort à des sources de CO2 existantes, on l’applique à de nouvelles sources, à de nouveaux investissements, y compris des investissements dans les « puits ».
Le Protocole justifie la délocalisation de l’effort par le fait que le CO2 produit en un point quelconque du globe contribue au réchauffement global. C’est exact, mais le dispositif adopté pour intégrer ce fait est porteur de plusieurs effets pervers potentiels. Par exemple :
– Dans le monde très inégalitaire où nous vivons, le principe même de la délocalisation de l’effort est contestable, en particulier quand il s’agit de délocalisation vers les pays du Sud. En effet, imaginons que ces pays se développent à tel point qu’ils soient eux aussi soumis à engagements dans le futur (dans le cadre d’un « Kyoto N°2 », 3, 10, etc...) : à ce moment-là, ces pays risquent de s’apercevoir que, sur leur propre sol, les réductions d’émission les plus faciles et les moins coûteuses auront déjà été accaparées et utilisées par les économies développées du Nord. Les pays du Sud seraient ainsi la dupe d’une sorte de « néocolonialisme climatique » : leurs possibilités de limiter à bon marché la hausse de l’effet de serre seraient appropriées par les pays développés, un peu de la même manière que leurs matières premières sont appropriées à bas prix par les multinationales de ces pays...
– il n’est pas toujours évident d’assimiler un investissement censé réduire les émissions futures dans un autre pays à une réduction effective d’émissions existantes dans le pays investisseur. Cette assimilation suppose en effet que soit connu avec précision le niveau d’émission qui aurait été observé si l’investissement en question n’avait pas été réalisé (ce qu’on appelle le « niveau de référence »). Prenons un exemple : si l’investissement consiste à remplacer une chaudière à charbon par une chaudière au gaz de même puissance, il y a peu de problème : le niveau d’émission de la chaudière à charbon est connu, et la réduction d’émission suite à l’installation d’une chaudière au gaz est bien mesurable. (L’affaire devient déjà un peu plus compliquée dans le cas d’un investissement augmentant les capacités de la chaudière.) Mais prenons maintenant un autre exemple : si l’investissement consiste à planter des arbres pour absorber du carbone, la mesure de la « réduction » sera vraiment difficile. De quels arbres s’agit-il ? Quelle végétation remplacent-ils ? Que devient la population qui vivait dans la zone ? Combien de carbone émettait-elle avant et combien en émettra-t-elle après ? etc, etc... Bref : par rapport à quel niveau de référence est-il raisonnable d’estimer la réduction d’émissions ? En pratique, ce genre d’investissements à l’étranger se prête à la surestimation des réductions d’émissions. De plus, les entreprises peuvent profiter de ce qu’on appelle un « effet d’aubaine », en faisant passer des investissements étrangers qu’elles comptaient réaliser de toute façon pour des contributions à la lutte contre le changement climatique.
– Aussi incroyable que cela paraisse, on peut légitimement s’interroger sur le risque de voir l’échange de droits d’émission déboucher sur une sorte d’appropriation de l’air. Le CO2 est indissociable des autres composants de l’atmosphère - azote, vapeur d’eau, oxygène, etc. Être propriétaire de millions de tonnes de « CO2 déchet » équivaut donc à être « propriétaire » de masses atmosphériques polluées. Les pays du Nord et leurs entreprises, qui se sont vus attribuer des quotas d’émission comme base de départ des négociations climatiques, vont être enclins à considérer ces quotas comme des droits de propriété semi-permanents. La répartition très inégale de ces quotas pourrait rapidement être considérée comme la proportion « naturelle » des parts de l’atmosphère attribuées aux différents pays et groupes de pays. L’inégalité entre riches et pauvres est déjà criante dans l’accès des uns et des autres aux matières premières et à l’énergie. Elle se développe rapidement dans le domaine de l’eau. Il est fort à craindre que cette inégalité se manifeste aussi par rapport à la plus vitale de toutes les ressources : l’atmosphère, l’air que nous respirons...
Il vaut la peine de noter que, à l’origine des négociations qui allaient conduire au Protocole de Kyoto, ces points faisaient l’objet d’oppositions entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. L’Union Européenne était en effet opposée à l’échange de droits d’émission ainsi qu’aux autres mécanismes flexibles : elle voulait que chaque pays réalise « ses » réductions chez lui. De même, l’UE était opposée à la mise sur le même pied des réductions et des absorptions de carbone par les « puits ». Par la suite, sous la pression des industriels, l’Europe s’est rangée de plus en plus au point de vue des Américains, en sauvegardant seulement un certain nombre de garde-fous. Sans ces garde-fous (par rapport aux puits de carbone, au nucléaire et aux mécanismes flexibles, notamment) il est probable que le Protocole ne serait même plus un minuscule premier pas.
La situation peut donc être résumée comme suit : les Etats-Unis ont gagné sur de nombreux points importants mais ils restent en-dehors du Protocole ; l’Europe se présente comme le champion d’un texte dont l’orientation de plus en plus néolibérale et flexible a été impulsée par Washington ; comme l’Europe et les Etats-Unis ont besoin d’un compromis, les garde-fous sont mis sous une pression croissante.
Sans entrer dans le détail, il est clair que l’histoire du Protocole est fortement marquée par la lutte d’influence et la concurrence économique entre les grandes puissances. Les Etats-Unis contrôlent le Moyen-Orient et ses ressources pétrolières ; l’Europe domine des secteurs économiques clés à l’échelle mondiale (et domine certains secteurs nouveaux tels que l’utilisation de l’énergie éolienne) mais doit diminuer sa dépendance énergétique pour transformer sa puissance économique en puissance politique. Beaucoup de choses s’expliquent à la lumière de cette concurrence. C’est la raison pour laquelle la mobilisation de l’opinion publique en faveur du climat doit rester rigoureusement indépendante des gouvernements.
8. L’avertissement de Katrina
Au vu des pressions qui s’exercent pour amoindrir encore plus l’efficacité pourtant plus que limitée du protocole de Kyoto, on ne peut que se poser la question : est-il possible de réduire les émissions de 60% d’ici 2050, comme les climatologues le demandent ? A quel prix ? Cette réduction est-elle compatible avec le droit au développement des pays du Sud ? Les populations du Nord pourront-elles maintenir leur qualité de vie ou devront-elles y renoncer, et dans quelle mesure ? Les énergies renouvelables seront-elles suffisantes pour remplacer le pétrole, le charbon et le gaz naturel ? La seule issue permettant de sauver le climat tout en maintenant les objectifs du développement ne consiste-t-elle pas à développer l’énergie nucléaire, puisque celle-ci ne produit pas de gaz à effet de serre ?
Le problème posé à travers ces questions est celui de l’utilisation collective la plus rationnelle possible d’une ressource naturelle qui, comme toutes les ressources, n’existe qu’en quantité limitée : l’énergie. Qu’est-ce que l’énergie ? Une propriété de la matière, grâce au mouvement qui l’anime, de fournir du travail ou de la chaleur. Contrairement à l’expression courante, l’énergie ne peut pas être « produite ». Elle peut seulement être transformée : d’énergie lumineuse en énergie thermique ou en énergie chimique, d’énergie thermique en énergie mécanique, d’énergie chimique ou mécanique en énergie électrique, etc. Ces conversions d’une forme à une autre s’opèrent avec un certain rendement énergétique, variable selon les convertisseurs.
Les énergies fossiles et la plupart des énergies dites « renouvelables » (toutes, sauf la géothermie) proviennent en fin de compte du soleil :
– les combustibles fossiles sont de l’énergie solaire que des plantes, par la photosynthèse, ont transformée en énergie chimique il y a des millions d’années, et qui a été stockée sous cette forme dans l’écorce terrestre. On prend de plus en plus conscience aujourd’hui du fait que ces énormes stocks d’« énergie solaire fossilisée » ne sont pas inépuisables. Pour le pétrole, par exemple, on approche sans doute du point critique au-delà duquel l’augmentation de l’offre ne suivra plus le rythme de l’augmentation de la demande, l’écart entre les deux se creusant petit à petit.
– l’énergie solaire qui arrive à la limite de l’atmosphère aujourd’hui est gigantesque et mesurable. Elle équivaut à 15.000 fois la consommation énergétique mondiale : 30% de cette énergie est réfléchie dans l’espace, 45% est absorbée, convertie en rayonnement infrarouge puis rayonnée dans l’espace également, tandis le reste contribue à l’évaporation (22%), est converti en énergie des vents (2%) et en énergie chimique par la photosynthèse (1%). L’énergie solaire qui traverse l’atmosphère et atteint la surface de la terre équivaut encore 7000 fois la consommation mondiale énergétique. Les sources d’énergie provenant directement du Soleil (éolien, biomasse, solaire, etc.) sont inépuisables à l’échelle humaine : elles ne disparaîtront que lorsque le Soleil « s’éteindra », dans 4,5 milliards d’années environ...
Contrairement à ce que laissent entendre certains de ses partisans, l’énergie nucléaire est loin d’être inépuisable. Au rythme de consommation actuel, les réserves d’uranium connues permettront d’alimenter les réacteurs lents pendant 70 ans. Or, la question des déchets n’est pas résolue et le danger de prolifération militaire est très réel. La question se pose dès lors : 70 ans d’électricité valent-ils des centaines de milliers d’années de radioactivité des déchets et le risque de guerres atomiques ? (10)
Face à l’épuisement inévitable à terme des énergies fossiles et au changement climatique, nous n’avons d’autre choix que de prendre conscience des limites. Il s’agit de gérer les ressources terrestres « en bon père de famille », d’opter pour des ressources énergétiques propres et sûres et d’adapter la société humaine à la fois aux possibilités de ces ressources et aux risques du réchauffement.
Ici se pose évidemment un choix politique, social et éthique fondamental : quelle adaptation, guidée par quels principes ? Egalité ou inégalité du droit à l’énergie, du droit au développement, du droit à un environnement de qualité ? Solutions individuelles ou solidarité ?
Dans la mesure où il anticipe sur certains effets du changement climatique, le type de catastrophe causé par le cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans, en août 2005, souligne l’acuité des choix évoqués ci-dessus en matière d’adaptation au changement climatique. A la Nouvelle Orléans, en effet, les personnes vivant sous le seuil de pauvreté (30% de la population, en majorité des Noirs) ont tout perdu et beaucoup d’entre elles sont mortes parce que, étant pauvres et ne pouvant payer leur évacuation, elles ont été abandonnées sur place par les autorités. Si rien ne change, ce scénario horrible risque de se reproduire à une échelle beaucoup plus vaste.
9. Solutions technologiques, gaspillage énergétique et défis sociaux
Nous n’avons pas le choix seulement entre la catastrophe climatique, la prolifération nucléaire ou le retour à la bougie. Des solutions techniques existent qui peuvent être mises en œuvre immédiatement. D’autres solutions pourront être mises en œuvre à moyen terme. La recherche scientifique, si on lui donne des priorités et des moyens, jouera un rôle majeur. A moyen terme, il est possible de sortir du règne des énergies fossiles et du nucléaire tout en satisfaisant les besoins énergétiques de l’humanité. Sans condamner le Sud à un développement au rabais, et sans faire reculer le niveau de bien-être acquis tant bien que mal par (une partie) de la population dans les pays du Nord (ce qui ne veut pas dire que le mode de vie, de consommation et de mobilité restera inchangé)
Faire un relevé exhaustif des technologies à mettre en œuvre et à développer n’est pas possible dans le cadre de ce texte. On se contentera ici de donner quelques indications dans deux domaines (construction et énergie), en insistant sur ce qui est immédiatement réalisable. Les personnes intéressées peuvent se référer à des publications spécialisées.
Secteur du bâtiment. Les bâtiments commerciaux, résidentiels et institutionnels sont responsables d’un tiers de la consommation mondiale d’énergie et des émissions correspondantes de carbone. 75% de la quantité d’énergie utilisée par ce secteur l’est dans les pays développés. Des gains énormes sont possibles très rapidement, simplement en accroissant l’efficacité énergétique. Des gains encore plus importants sont possibles en combinant efficacité énergétique, intégration de panneaux solaires (thermiques et/ou photovoltaïques) et normes architecturales. Quelques faits et chiffres :
– 32 ans après la première crise du pétrole, 60% des logements dans l’Union Européenne ne sont pas équipés de double vitrage ;
– selon une étude menée en 2003 par le consultant Ecosys pour le compte d’une association d’industriels, l’isolation systématique des bâtiments anciens en Europe permettrait de réduire les émissions de CO2 de 42% dans ce secteur ;
– selon un rapport pour la Commission Européenne écrit en 2004 par un groupe d’experts, les besoins européens en électricité pourraient être couverts entièrement si tous les toits orientés au Sud étaient équipés de panneaux solaires photovoltaïques ;
– selon des études menées à l’université de Hambourg (Allemagne), l’utilisation intégrée des technologies modernes et le recours aux matériaux renouvelables (bois) permettait de construire des « maisons positives » (des maisons qui, sur une période de 60 ans, fourniraient plus d’énergie qu’elles ne dégageraient de CO2).
Secteur de l’énergie. On pense spontanément aux éoliennes, qui ont déjà fait leurs preuves, mais d’autres technologies sont au moins aussi importantes :
– production combinée d’énergie et de chaleur (« cogénération »). Au lieu de perdre la chaleur produite lors de la combustion dans une centrale électrique, on récupère cette chaleur et on l’utilise pour l’industrie, ou le chauffage urbain. L’économie de combustible est de 30 à 40% par rapport à la production séparée. Une installation de cogénération utilisant la biomasse (bois, déchets de bois, déchets agricoles...) comme source n’a aucun impact sur l’effet de serre, puisque le CO2 dégagé ne provient pas des énergies fossiles.
– pompes à chaleur. Une source de chaleur modérée est utilisée pour faire évaporer un fluide qui bout à basse température. La vapeur produite fait tourner une turbine qui produit de l’électricité. La source de chaleur peut être le sol autour d’un bâtiment, ou la mer, voire l’air. Le principe des pompes à chaleur peut être appliqué à petite échelle au chauffage individuel d’une habitation. A grande échelle, des recherches ont montré que les eaux tropicales permettraient de fournir toute l’électricité nécessaire à des îles de la taille d’Hawaï ou de la République Dominicaine, en utilisant les couches supérieurs comme source chaude et les eaux profondes comme source froide.
– énergie marine. Les « hydroliennes » fonctionnent sur le même principe que les éoliennes, mais sous l’eau. Elles fournissent l’électricité à partir des courants marins (ils ont l’avantage d’être plus stables que les vents). D’autres dispositifs convertissent l’énergie des vagues ou des marées. Les besoins en électricité de l’Ecosse pourraient être couverts entièrement par l’exploitation de l’énergie marine.
– micro-hydaulique. Le principe est celui du moulin à eau de nos ancêtres, adapté pour la production d’électricité. Ne nécessitant pas de grands barrages, la micro-hydraulique est une des technologies clés pour les zones rurales des pays du Sud (avec le solaire). Son potentiel est important mais très largement sous-utilisé. Le potentiel des Philippines est de 1300 mégawatts, mais 90 MW à peine sont utilisés.
– Energie solaire. Elle peut être thermique (chauffage de l’eau) ou photovoltaïque (conversion de l’énergie lumineuse en énergie électrique au niveau de certains matériaux dits « semi-conducteurs »). C’est la ressource renouvelable par excellence : son potentiel technique actuel est de 440.000 TWh/an (11), soit quatre fois la consommation mondiale. Si les sommes gigantesques englouties par le nucléaire depuis cinquante ans avaient été consacrées au solaire, ce potentiel serait encore plus grand et son utilisation serait beaucoup plus avancée...
Au stade actuel du développement technologique, des spécialistes estiment que l’exploitation combinée des diverses sources d’énergie « renouvelable » (soleil, vents, biomasse, hydraulique, géothermie et océans) pourrait fournir six à sept fois l’équivalent de la consommation énergétique mondiale actuelle. Les raisons pour lesquelles ce potentiel n’est pas suffisamment utilisé sont de plusieurs types :
– coût supérieur aux énergies fossiles ;
– contrôle des technologies par des groupes économiques ayant le profit pour objectif ;
– absence de planification et de coordination entre les secteurs économiques « producteurs » et utilisateurs d’énergie (ce point explique en particulier le retard dans la diffusion de la grande cogénération) ;
– politique de prix et d’infrastructure des grands groupes producteurs d’électricité, qui défendent leurs privilèges contre les « renouvelables » ;
– structure économique tributaire d’un système énergétique centralisé, et résistance à la décentralisation qu’impliquent les renouvelables ;
– nécessité d’adapter les réseaux électriques aux sources énergétiques discontinues (éoliennes ou photovoltaïques).
A l’exception du dernier point cité, ces raisons sont avant tout politiques et économiques, c’est-à-dire sociales, et pas techniques (12). Une mesure aussi simple que l’isolation systématique des bâtiments et l’installation de panneaux solaires thermiques, par exemple, se heurte au fait que beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire les investissements nécessaires, ou ne sont pas propriétaires de leur logement. Avec une volonté publique, un financement public et une initiative publique, un obstacle de ce genre serait surmonté aisément. Cela bénéficierait à la fois à la société et aux particuliers, de nombreux emplois de qualité pourraient être créés et les objectifs de Kyoto seraient dépassés sans problème.
Pourtant, malgré leur potentiel, les renouvelables ne résoudront pas tout. En effet, la société capitaliste dans laquelle nous vivons depuis la révolution industrielle a développé un système énergétique particulier, caractérisé notamment par une contradiction croissante entre la rationalité au niveau partiel et l’irrationalité au niveau global. Le secteur des transports fournit une illustration frappante de ce phénomène : chaque entreprise cherche « rationnellement » le moyen de livrer ses marchandises « just in time » à moindre coût et cela aboutit à une irrationalité évidente au niveau de la société, asphyxiée par l’explosion du transport routier. Sur le plan énergétique, la contradiction s’exprime comme suit : chaque capitaliste cherche rationnellement à augmenter l’efficacité énergétique de son entreprise, mais le système dans son ensemble accroît le gaspillage global. Une autre expression de la même contradiction est le contraste structurel entre ce gaspillage énergétique global et l’extrême pénurie énergétique d’une bonne partie de l’humanité. Aucune société du passé n’a gaspillé autant de ressources énergétiques tout en creusant un fossé aussi profond du point de vue de l’accès des pauvres et des riches à ces ressources...
Il ne saurait suffire, par conséquent, de remplacer les fossiles par les renouvelables. Les renouvelables ne pourront pas fournir l’énergie pour chauffer des bâtiments non isolés que leurs occupants désargentés ne pourront pas munir de panneaux solaires. Ils ne fourniront pas le carburant pour faire rouler les millions de camions qui trimballent les stocks du « just in time », ou pour frimer en 4x4 dans les villes. Le système énergétique lui-même devra être changé en profondeur (ce qui implique que la propriété privée sur les ressources énergétiques doit être mise en cause). Ce bouleversement social n’ira pas sans modifications substantielles dans les habitudes de vie, de consommation, de mobilité, en particulier dans les pays riches : il faudra renoncer à manger en hiver des fraises importées d’Afrique du Sud, cesser de prendre l’avion pour passer un week-end prolongé à 1000 km de chez soi, consommer moins de viande car la production de viande consomme beaucoup d’énergie. Il faudra réinventer beaucoup de choses, et cela demandera beaucoup de temps libre, de débats sociaux et de pratiques collectives.
D’une manière générale, l’augmentation radicale de l’efficacité énergétique - donc la réduction de la demande en énergie - est la clé de l’alternative renouvelable. Dans une étude récente réalisée pour Greenpeace Europe, des chercheurs de l’Université de Stuttgart estiment que l’Union Européenne pourrait réduire sa demande d’énergie primaire de 36% et ses émissions de CO2 de 30% d’ici 2020 (13). La « diminution de la demande en énergie est un pré-requis si l’on veut que les renouvelables puissent prendre le relais », écrivent les auteurs. C’est un point fondamental. L’étude commanditée par Greenpeace est pertinemment intitulée « Energy Revolution ». En effet, la lutte contre le changement climatique ne saurait être purement technologique : révolutionner la production et la consommation de l’énergie requiert de révolutionner aussi les rapports sociaux et les comportements qui en découlent.
Notes
(1) Ce texte est la reprise très légèrement retouchée et complétée d’une brochure pédagogique écrite à la demande du Théâtre du Copion (Belgique), en appui à la pièce « Kyoto mon amour », montée en collaboration avec l’association « Asmade » (Burkina Faso) et présentée entre le 15 octobre et le 12 décembre 2005.
(2) Entre 180 et 270 parts par millions volume (ppm).
(3) La formation de gaz accompagne les deux processus.
(4) Outre le CO2, le CH4 et le N2O, le Protocole de Kyoto prend en compte trois gaz industriels à effet de serre : le HFC, le PFC et le SF6.
(5) Ce danger a été popularisé par le film « Le jour d’après ». Le film repose toutefois sur des hypothèses scientifiques fantaisistes. En particulier, il ne peut y avoir à la fois une nouvelle période glaciaire et une hausse du niveau des océans.
(6) L’histoire de la composition de l’atmosphère terrestre est assez bien connue, grâce notamment à l’analyse des bulles d’air emprisonnées par les glaciers aux différentes époques.
(7) Certains envisagent aussi de stocker le CO2 dans les océans, mais cette proposition est généralement repoussée pour les risques écologiques qu’elle impliquerait du fait de l’acidification des eaux par la formation d’acide carbonique.
(8) Le CO2, le méthane, le N2O et les autres gaz ne contribuent pas de la même manière à l’effet de serre (on dit qu’ils n’ont pas le même pouvoir radiatif). Le pouvoir radiatif du méthane, par exemple, est 23 fois plus élevé que celui du CO2 (et celui du SF6 23000 fois !). Ces gaz n’ont pas non plus la même rémanence dans l’atmosphère : celle du méthane est d’une trentaine d’années, tandis que celle du CO2 est de 150 ans. Pour tenir compte de ces différences, on convertit les quantités de chaque gaz en « équivalents CO2 », c’est-à-dire qu’on les exprime dans la quantité de CO2 qui aurait le même effet radiatif.
(9) Du fait de l’opposition US au Protocole, on oublie trop souvent que ces principes figurent déjà dans la convention-cadre, que les Etats-Unis ont ratifiée.
(10) Les avocats du nucléaire rétorquent que certains types de réacteurs, dits rapides, ont un rendement incomparablement plus élevé que les installations en service actuellement. C’est exact, mais il faut alors opter pour la technologie du surgénérateur, genre Superphénix. Même la France, pays phare du lobby atomique, a estimé que cette voie présentait trop de dangers, de sorte que Superphénix a été fermé en 1997. Quant au projet ITER de fusion nucléaire, il ne donnera de résultats éventuels que dans 70 à 80 ans. Indépendamment de toute autre considération, il ne répond donc pas aux défis actuels.
(11) TW= térawatts = milliers de milliards de watts. Le potentiel technique désigne la part utilisable avec les technologies connues, indépendamment du coût.
(12) Même l’adaptation des réseaux électriques aux sources discontinues n’est pas une question purement technique mais aussi une question sociale et politique. En effet, la libéralisation de la production électrique est une cause d’instabilité au moins aussi importante que les sources discontinues, à telle enseigne que certains techniciens la considèrent comme contradictoire avec le passage aux énergies renouvelables.
(13) A notre avis ces 36% sont au-dessous de la réalité car il n’intègre pas le gaspillage énergétique dans des secteurs largement inutiles (comme la publicité), ou nuisibles (comme la production d’armements et la défense).