Panorama syndical
[mis en ligne : mai 2008]
Organisations syndicales algériennes
UGTA, Union générale des travailleurs algériens
Créée en février 1956, elle est présente depuis l’indépendance dans tous les secteurs économiques car elle est la seule à avoir été agréée par le pouvoir. Elle connaît une perte sensible d’effectifs depuis l’ouverture du pluralisme syndical.
Quelques fédérations de l’UGTA :
* Snes : Syndicat national de l’enseignement supérieur
* FNTE : Fédération nationale des travailleurs de l’éducation
* FNTS : Fédération nationale des travailleurs de la santé.
Syndicats autonomes
On en recense prés de 70 syndicats en Algérie mais tous n’ont pas le même degré de représentativité ni même d’autonomie.
En voici quelques uns :
Secteur public
* Snapap : Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique. Présent essentiellement dans le secteur public, surtout la santé. Revendique 250 000 adhérents.
* SNPS : Syndicat national du personnel de la santé.
* SNPSP : syndicat national des praticiens de santé publique.
Éducation
* Cnapest : Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique. Implantation nationale. Non agréé par le pouvoir malgré sa forte représentativité. Revendique 64 000 adhérents. Agréé en 2007.
* SNTE : Syndicat national des travailleurs de l’éducation. Agréé. Revendique 20 000 adhérents
* Cnes : Conseil national des enseignants du supérieur. Équivalent du Snesup français. Syndicat né d’une longue grève, il est largement représentatif et a été reconnu par les autorités en janvier 1992. Revendique 10 000 adhérents.
* Satef : Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation. Siège à Tizi Ouzou. Implanté dans 28 wilayas. Agréé par les autorités.
* CLA : Conseil des lycées d’Alger. Syndicat d’enseignants et de personnel du secondaire. Non agréé malgré sa forte représentativité.
Complément sur le SNPSP
Par Salima Mekriche
Le SNPSP est le syndicat national des praticiens de santé publique. Il regroupe les médecins, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens de la santé publique qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Après les événements d’octobre 1988, les praticiens se sont constitué en association nationale avant de se convertir en 1991 en syndicat autonome, c’est-à-dire non affilié à l’UGTA (agrément du 15 mai 1991).
Le SNPSP est l’un des premier syndicat autonome en Algérie. Parmi les acquis arrachés aux pouvoirs publics, grâce à la détermination et à la mobilisation du SNPSP, on peut citer le glissement catégoriel de tous les praticiens de deux catégories ainsi que les primes d’intéressement, de documentation, de contagion.
Malgré le recul des acquits d’octobre 1988, les manœuvres de déstabilisation, de manipulation d’intimidations et le verrouillage des libertés syndicales le SNPSP continue son combat.
– Le 20 novembre 2007, 9 syndicats autonomes se sont regroupés au siège du SNPSP en intersyndicale de la fonction publique pour débattre d’une action commune afin de dénoncer la nouvelle grille salariale de la fonction publique élaborée par les pouvoirs publics et le syndicat maison UGTA.
– Le 29 novembre 07, une lettre ouverte au président de la république rédigée par l’intersyndicale de la fonction publique a été publiée dans les journaux et notamment sur www.elwatan.com
Le mouvement syndical en Algérie et la dynamique des syndicats autonomes
Juillet 2006
Par Adel Abderrezak, enseignant universitaire, ancien membre de la direction nationale du Cnes
1. Syndicat et nationalisme : une histoire mêlée !
• Le syndicalisme prend place entre colonisation capitaliste et émergence du mouvement ouvrier : c’est un syndicalisme revendicatif et de classe, rattaché au mouvement ouvrier français et dont la composante est faiblement indigène.
• La lutte nationaliste pousse les travailleurs algériens à se détacher des syndicats français et des luttes corporatistes pour s’inscrire dans le combat pour une nation algérienne indépendante. C’est la naissance de l’Union générale des travailleurs (UGTA) d’Aïssat Idir en février 1956.
• L’UGTA est née, sur ordre du Front de libération nationale (FLN), de la lutte de libération pour rassembler et organiser les travailleurs sur l’idée nationale, en essayant d’effacer toute dynamique de revendications socioprofessionnelles ou tout lien avec le mouvement ouvrier. L’objectif premier était l’intérêt de la nation, une nation à libérer, et la conscience nationale prenait le pas sur la conscience sociale.
• C’est à cette logique que l’UGTA est restée attachée après l’indépendance. Servir la nation algérienne indépendante, c’est donc servir l’État qui construit cette nation, et c’est donc finalement servir le pouvoir qui occupe et s’approprie l’Etat-Nation. Fondamentalement, l’UGTA est restée prisonnière de cette vision nationaliste et a assuré la fidélité du monde du travail aux différents pouvoirs qui se sont succédés.
• Son histoire a été en permanence une histoire de dépendance envers l’État et d’occultation de l’intérêt du travailleur au profit de l’intérêt de l’État, sachant que celui-ci est un lieu de pouvoir, de gouvernance et de jeux d’intérêts sociaux et de classe. Ce n’est pas dans l’autonomie que l’UGTA a construit son identité syndicale mais en tant que relais du gouvernement dans le monde du travail. Les multiples tentatives de radicalisation ou de combativité de la centrale – les grèves générales par exemple – ont été plus l’expression d’une base travailleuse en colère que d’une ligne syndicale autonomisée.
• C’est dans ce contexte de syndicat unique, instrumentalisé par les gouvernements, que la bureaucratie dirigeante de l’UGTA va se trouver confrontée à la naissance des syndicats autonomes.
2. Libéralisation économique et crise sociale
• L’émergence des syndicats autonomes est intervenue suite à l’échec de l’UGTA à se détacher de la tutelle des gouvernements – congrès de 1964, de 1978, évènements d’octobre 1988 (1), les périodes de luttes et de grèves générales etc. – et devant la montée de la crise sociale latente, amplifiée par la politique de libéralisation et de privatisation de l’économie engagée depuis 1990.
• L’économie algérienne s’est construite autour de la rente pétrolière et d’un secteur public industriel consistant. Dans ce contexte, une classe ouvrière importante est apparue, produite en partie par l’exode rural, avec ses aspirations d’émancipation sociale, ses élans revendicatifs et son attachement au secteur public. Mais le populisme du pouvoir politique et son emprise sur la centrale syndicale ont empêché la cristallisation d’une conscience revendicative continue et l’expression autonome des luttes syndicales et sociales.
• La crise d’octobre1988, avec la dynamique de libertés et d’autonomie politique et sociale que ces évènements ont créés dans la société, sera le point de départ de l’émergence de syndicats autonomes, aussi bien dans le secteur économique public que dans la fonction publique. L’UGTA ayant quasiment bradé les travailleurs dans la lutte contre les restructurations et les privatisations des entreprises publiques – secteur pétrolier, électricité et gaz, métallurgie, etc. – des syndicats autonomes vont naître dans ces industries. Ils seront vite confrontés à la double difficulté de subir l’adversité de la direction de l’entreprise et la nuisance délibérée des bureaucraties syndicales locales.
• L’affaiblissement programmé du secteur économique public déplace les enjeux et les conflits au niveau de la fonction publique où prédomine aussi bien l’administration publique que le secteur de l’éducation, l’enseignement supérieur ou la santé. Ce sont dans ces secteurs que sont apparus les syndicats autonomes les plus actifs, les plus combatifs et porteurs d’une nouvelle dynamique syndicale en Algérie.
• La crise économique et sociale latente depuis les années 80, aggravée par la chute de la rente pétrolière en 1986, a brisé partiellement l’écran populiste porté par le gouvernement et l’UGTA et a libéré l’action syndicale. Les politiques des années 90 liées à la mondialisation libérale, en particulier celles prônant le désengagement économique et social de l’État et la privatisation, suscitent inquiétudes et mécontentements dans le monde du travail.
• La diminution des budgets sociaux et éducatifs, le gel des salaires et la baisse du pouvoir d’achat provoquent des réactions de colère et de rejet exprimés, par exemple, par les longues grèves du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes) à l’université ou les grèves de protestation dans le secteur de l’éducation et la santé et, dans une moindre mesure, dans l’administration publique.
3. La fonction publique : espace d’expression des syndicats autonomes
• C’est dans les secteurs de la fonction publique que la résistance concrète à la politique de libéralisation économique est la plus radicale et la plus combative, même si elle passe par le détour de revendications corporatistes. Le corporatisme est une réaction de catégories socioprofessionnelles qui s’inquiètent d’une mondialisation s’appuyant sur le principe du laisser-faire et où la logique du marché émiette les métiers, change la sociologie du monde du travail et parcellise le travail au quotidien. Tout ceci se faisant dans le cadre d’une intensification du travail concret et d’un autoritarisme exacerbé.
• Le corporatisme n’est ni une réaction conservatrice, ni l’expression d’une a-conscience sociale, mais le besoin de défendre des métiers « dévalorisés » par les marchés et pourtant indispensables au développement d’un pays retardataire. Voilà pourquoi les logiques marchandes ne sont pas toujours des logiques de développement.
• Le rejet par les pouvoirs publics des revendications salariales des enseignants, des médecins, des paramédicaux, des vétérinaires ou des personnels administratifs dans la fonction publique a toujours été justifié par des argumentaires élaborés par des institutions économiques internationales comme le FMI ou la Banque mondiale. Celles-ci oeuvrent pour les marchés financiers et les firmes multinationales pour lesquels le profit est le seul critère de mesure de valeur de l’être humain.
• Les luttes revendicatives dans la fonction publique ont discrédité durablement l’UGTA (Snes, FNTE, FNTS, …) (2) et favorisé la multiplication de syndicats autonomes. Le relais a été pris par le Cnes dans les universités, le CLA et le Cnapest dans l’éducation (3), le Snapap (4) dans certains secteurs de l’administration publique etc., effaçant partiellement ou totalement la représentativité syndicale de l’UGTA.
• La liste des syndicats autonomes est longue – 70 environ – mais leur degré de représentativité, leur présence active et réelle dans les luttes revendicatives, leur niveau d’accointance avec le pouvoir administratif, leur stratégie revendicative et leur niveau de fonctionnement font la différence entre les unes et les autres. Cette diversité peut rendre difficile les logiques unitaires, les coordinations syndicales et les fronts syndicaux nécessaires pour affronter en commun les pouvoirs publics sur le terrain des revendications salariales, sur le statut de la fonction publique ou sur la question des libertés syndicales.
• L’hétérogénéité des syndicats autonomes, le caractère pragmatique de leur culture syndicale, l’expérience encore rudimentaire chez certains et même parfois un fonctionnement peu démocratique, voire bureaucratique, font que beaucoup de chemin reste encore à faire. La dynamique des syndicats autonomes doit transformer fondamentalement le paysage syndical et participer durablement et efficacement à la rénovation du mouvement syndical. Cela dans le sens d’un syndicalisme indépendant des pouvoirs publics, un syndicalisme démocratique dans son fonctionnement et sa représentativité, un syndicalisme différencié dans ses expériences mais unitaire dans ses luttes. Ce syndicalisme doit prendre en charge les nécessaires débats sur la préservation du secteur public, la défense du pouvoir d’achat des salariés, la libéralisation des services et des formations, la contractualisation dans l’administration, la polyvalence des fonctions dans le travail, la multiplication des taches non payées ainsi que la question du droit de grève et de l’exercice du droit syndical.
• C’est tout un programme d’action qui passe par le débat démocratique entre les différents syndicats autonomes mais qui ne doit pas exclure des secteurs de l’UGTA qui ont prouvé une capacité d’action et de mobilisation remarquable et qui aspirent à une UGTA plus combative et plus autonome. Le chemin à parcourir est très long mais il est obligé car les pouvoirs publics et leur relais qu’est l’administration sont plus que jamais omnipotents.
Notes
1. Grèves, manifestations, émeutes. L’armée tire sur de jeunes manifestants : 500 morts.
2. Snes : Syndicat national de l’enseignement supérieur, FNTE : Fédération nationale des travailleurs de l’éducation, FNTS : Fédération nationale des travailleurs de la santé.
3. CLA : Conseil des lycées d’Alger, Cnapest : Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique.
4. Snapap : Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique.
Communiqué de Solidaires Mission de l’Union syndicale Solidaires en Algérie
Une délégation de l’Union syndicale Solidaires s’est rendue en Algérie du 27 novembre au 1er décembre 2006 à l’invitation du principal syndicat autonome, le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap). Cette délégation était composée de responsables nationaux de Solidaires et des organisations suivantes : Syndicat national unifié des impôts (Snui), SUD-Éducation, SUD Collectivités territoriales, SUD Pompiers, SUD PTT, Syndicat national des journalistes (SNJ).
Cette mission a permis de rencontrer les différents syndicats autonomes algériens et la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). La délégation a été reçue par la direction de deux grands quotidiens nationaux, El Watan et El Khabar. Un premier bilan a été fait sur place à Alger vendredi 1er décembre lors d’une conférence de presse. Aujourd’hui, alors même que la Constitution algérienne prévoit explicitement le principe des libertés syndicales (article 90-2), celui-ci n’est pas respecté en Algérie. Les syndicats autonomes sont victimes d’entraves à leur activité syndicale, de harcèlement et de répression contre leurs militants. Le droit de grève et de manifestation n’existe pas aujourd’hui dans les faits en Algérie.
Le gouvernement algérien s’est félicité de la signature d’un « pacte social et économique » il y a quelques mois entre le gouvernement, le patronat et l’UGTA, seule centrale officiellement reconnue et qui entretient des liens très étroits avec le pouvoir. Ce pacte prévoit une « trêve sociale de 4 ans » ! Il est révélateur d’une absence totale de dialogue social reposant sur une vraie légitimité des partenaires sociaux. En refusant de reconnaître officiellement les syndicats autonomes qui sont aujourd’hui en Algérie les vrais syndicats majoritaires, le pouvoir algérien entretient une démocratie de façade, alors même que le peuple algérien aurait besoin de plus de démocratie pour maîtriser réellement et collectivement son avenir.
Le développement des inégalités sociales, de la précarisation, de la pauvreté s’ajoute à un chômage important. Les politiques menées par le gouvernement algérien, sous pression du FMI et des grandes puissances comme la France et les États-Unis, vont dans le sens d’un affaiblissement du secteur public au profit des multinationales étrangères dans la production et la distribution des ressources nationales algériennes. Cela aura aussi pour conséquence de rendre plus difficile pour la population l’accès aux droits essentiels comme l’eau, l’énergie, la santé ou le logement.
Pourtant l’Algérie est un pays riche qui dispose de ressources naturelles importantes : l’utilisation de cette manne financière se fait dans l’opacité la plus totale et les richesses du pays sont de plus en plus accaparées par une minorité qui détient aujourd’hui les leviers économiques et politiques du pays.
A l’issue de cette mission, l’Union syndicale Solidaires s’engage à construire une coopération permanente avec les syndicats autonomes algériens, en particulier avec le Snapap et ses différentes branches, pour faire connaître leur situation et leurs luttes, leur apporter une solidarité chaque fois qu’ils seront en butte à toute forme de discrimination ou de répression et faire avancer les libertés syndicales en Algérie. Il s’agit aussi d’élaborer ensemble des analyses et des mobilisations communes face aux politiques libérales qui sévissent en Algérie comme en France.
Paris, le 6 décembre 2006
Rencontres avec les syndicats autonomes de l’Éducation
En répondant à l’invitation du Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (Snapap), la délégation Solidaires a pu constater que la situation du syndicalisme autonome en Algérie était bien plus difficile qu’on ne l’imaginait. La rencontre du représentant de la fédération des syndicats SUD Éducation avec les syndicats autonomes du secteur n’a pu que confirmer ce constat alarmant.
Les 28 et 29 novembre 2006, nous avons pu nous entretenir avec les syndicats suivants :
– Conseil National Autonome des Personnels de l’Enseignement Secondaire et Technique,
– Conseil des Lycées d’Alger,
– Syndicat National des Travailleurs de l’Éducation,
– Syndicat Autonome des Travailleurs de l’Éducation et de la Formation (Satef),
– Conseil National de l’Enseignement Supérieur (Cnes) et BCN Cnes (administration et résidences universitaires)
– ainsi qu’avec d’autres syndicats du secteur de la formation, notamment dans le domaine du paramédical.
Pour comprendre leur histoire et les difficultés rencontrées par leurs militants, essentiellement du fait du harcèlement du pouvoir algérien, il faut préciser que pendant près de 30 ans, de l’indépendance en 1963 à 1989, date de modification « démocratique » de la constitution, il existait une seule confédération intersectorielle des syndicats algériens, l’Union Générale des Travailleurs d’Algérie (UGTA), liée au parti unique, le FLN.
Les principaux mouvements sociaux, durant les années 80 et 90, furent le fait des étudiants qui connurent une forte répression. Les militants qui fondèrent les syndicats autonomes à partir de 1990, dont Rachid Malaoui pour le Snapap, participèrent activement à ces mouvements.
En 1989 et 1990, la nouvelle Constitution autorisât le pluralisme politique et syndical. Dès 1989, les autonomes déposèrent leur demande d’agrément auprès du gouvernement, c’est ainsi que naît le Satef, le premier dans l’éducation à obtenir l’autorisation du pouvoir. Mais les événements du début des années 90 et la guerre civile, à partir de 92, vont sonner le glas de cette période de démocratisation des institutions, avec notamment l’instauration de l’état d’urgence, toujours en vigueur aujourd’hui !
C’est en invoquant celui-ci que le gouvernement entend briser depuis tous les mouvements sociaux en Algérie, les déclarant illégaux en tant que menaces à l’ordre public, bien que la constitution les autorise !
Dans le secteur de l’éducation, de nombreux mouvements ont eu lieu depuis les années 90 qui ont connus leur apogée en 2003 et 2004.
Les revendications concernent :
– les salaires (un enseignant gagne environ 200 euros par mois après une dizaine d’années d’exercice alors que le niveau de vie à Alger est presque l’équivalent de celui de Marseille),
– les conditions de travail,
– la reconnaissance de leur représentativité à laquelle est liée l’autorisation de se réunir, de lancer des préavis de grèves ou des actions. Cette représentativité est réelle. Par exemple, en 2003, quand les autonomes entamèrent leur mouvement à Alger le Cla et le Cnapest estiment que 94% des enseignants du secondaire se mobilisèrent. Les autonomes sont maintenant présents sur tout le territoire algérien et ont étendu les coordinations, au départ informelles, à l’ensemble des villes du pays.
– La répression et le harcèlement du pouvoir en retour a pris de multiples formes :
suspensions des « têtes » des bureaux des syndicats, sans traitement (pour certains, cela fait plusieurs années),
procès interminables et prolongés le plus longtemps possible, avec les frais de défense que cela implique,
gardes à vues, menaces physiques et harcèlement moral par les hommes du gouvernement ou les gros bras de l’UGTA qui n’entendent pas se laisser dépouiller de leurs privilèges (bien que certains autonomes affirment qu’il existe des franges non inféodées et militantes dans cette fédération, point qui ne fait pas consensus entre eux)…
Le gouvernement fait également traîner l’examen des dossiers de représentativité et s’efforce de corrompre les membres des bureaux des autonomes. Quand il ne peut les contrôler, il favorise la création de bureaux parallèles afin de discréditer ces syndicats et d’empêcher leur développement. Toute réunion dans les lieux publics leur est interdite, certains se sont vus retiré leurs locaux. Les autonomes doivent fonctionner sans moyens, ce qui ne représente pas le moindre des handicaps surtout quand il faut faire face au harcèlement judiciaire. Enfin, pour exemple, quand la délégation Solidaires est arrivée dans les locaux quasi-clandestins du Snapap, les lignes téléphoniques ont soudainement rencontré des « dérangements temporaires »…ce qui semble absurde dans la mesure où leurs membres communiquent par portables. Tous les moyens sont bons, donc, sans parler de l’omniprésente surveillance de la police…
Nos camarades nous ont invités pour que nous puissions témoigner de la situation de négation des libertés syndicales en Algérie, leur demande de solidarité internationale est très forte. On comprend que cela représente un moyen de limiter les ardeurs antisyndicales du pouvoir, comme nous l’ont également confirmé les journalistes indépendants d’El Khabar et d’El Watan. Ceux-ci, par leur vigilance, constituent la seule chance des syndicats autonomes et plus généralement des forces démocratiques en Algérie de ne pas subir une répression encore plus lourde.
Nous saluons le courage de nos camarades autonomes algériens, et nous les assurons de notre soutien. Il doit aller de soi que ces premières rencontres seront suivies d’efforts pour consolider les liens ainsi noués. Le syndicalisme européen doit reposer sur une vision élargie de l’Europe, les attaques libérales que nous affrontons chez nous ont également lieu de l’autre côté de la Méditerranée. Les systèmes éducatifs algériens, semblables aux nôtres, sont également en proie à un démantèlement libéral, comme en témoigne le projet du gouvernement algérien de transfert des secteurs de la formation vers le privé dans les semaines à venir. Il y a fort à parier que cela serve de test pour l’application future de ce projet dans nos pays…
Rencontre avec le syndicat des finances du Snapap
Les militants des finances du Snapap nous ont dressé un tableau édifiant de ce ministère « sensible » car responsable de la collecte de l’impôt. Confrontés là aussi à la répression syndicale ils ont beaucoup de mal à développer leurs critiques face à une administration qui privilégie de façon honteuse les hauts revenus du pays. Appliquant le système de prélèvement d’office pour les salariés, l’État Algérien s’est doté d’une fiscalité injuste qui pèse lourd sur les faibles revenus. Les impôts indirects ont un poids bien plus important que les impôts directs. L’administration est gangrenée par la corruption, le syndicat nous a cité la réponse d’un haut responsable « dissident » : « que voulez-vous que l’on change ? Tout le ministère ? ».
L’administration des finances est répartie en sept grandes directions générales : les impôts, les domaines, le budget, le trésor, les douanes, la planification et le cadastre. Elle est en principe surveillée par la Cour des comptes. De nombreuses directions sont comme en France décentralisées. Les centres fiscaux sont répartis sur l’ensemble du territoire algérien.
Le Snapap finances est la principale force syndicale même si certains agents n’osent pas dire qu’ils appartiennent à cette organisation de peur de représailles. Du coup, nos camarades constatent une démobilisation qui les inquiète.
La gestion des carrières est décentralisée, ce qui rend difficile une mobilisation. Pourtant, grâce au Snapap, les fonctionnaires ont obtenu récemment une augmentation de salaire. Aujourd’hui un contrôleur des impôts algérien perçoit en fin de carrière entre 230 et 250 euros. Ailleurs, un ingénieur chimiste bac+5 ne perçoit que 150 euros par mois. La moyenne des salaires en Algérie se situe à 120 euros par mois !
Nous avons pu constater que nos deux administrations des finances sont engagées dans un même processus de réformes qui tend à réduire la présence des services sur le terrain et à les détourner de leur rôle fondamental de service public redistributeur de richesses. Le Syndicat national unifié des impôts (Snui) pourrait engager un processus d’échanges d’informations sur l’évolution fiscale et l’évolution sociale, nos camarades algériens étant très demandeurs de ce genre d’informations. L’opinion partagée d’une fiscalité pesant sur les pauvres et exonérant les riches devrait nous rapprocher dans nos combats et analyses. Nous devons manifester notre solidarité envers leur combat pour la reconnaissance du droit syndical. Nous en sommes convaincus, c’est tous ensemble, libres d’être, libres d’agir, libres de dénoncer que nous pourrons construire un monde plus juste et plus solidaire.
Rencontre avec le syndicat de la protection civile du Snapap
Les syndiqués du Snapap et d’autres syndicats autonomes subissent brimades, mises à pied, révocations, pressions, exils et sont dénigrés jusque dans leurs familles. Ils sont hommes, femmes, cadres, ouvriers, infirmiers, pompiers, professeurs des collèges et sont proches ou non du gouvernement. Ce sont les mêmes paroles qui reviennent. Ils ont un courage et une force de caractère qui doivent nous servir de leçon.
Alors que seul le syndicat unique UGTA représentait les pompiers algériens, en mars 2003, trois agents de la protection civile algérienne décidèrent de constituer la section Union nationale de la protection civile du Snapap. Dès sa création, la section fut accueillie favorablement par les agents qui y adhérèrent en masse. Ils sont aujourd’hui 6 800 sur un total de 36 000 agents du corps de la protection civile.
La Direction générale de ce corps, après quelques mois de mutisme, reconnaît en mars 2004 l’existence de la section syndicale suite aux menaces du Snapap d’organiser un « sit-in » devant la Direction générale de la protection civile à Alger. La direction finit par accorder des détachements aux membres du bureau national.
Le Snapap a déposé très rapidement une plate-forme revendicative portant sur :
* l’augmentation du salaire de base de 50% par revalorisation du point indiciaire,
* la réduction de l’âge de retraite à 25 ans de service au lieu des 32 actuellement,
* l’ouverture du dialogue avec les véritables représentants des travailleurs.
* la régularisation des primes et indemnités en retard,
* la Révision du statut particulier des agents de la protection civile,
* le paiement des heures supplémentaires (80 heures en moyenne par mois),
* l’installation d’une commission nationale mixte (syndicat administration)
* la régularisation de la situation professionnelle des personnels,
* la mise à la disposition des travailleurs de moyens de travail individuels et collectifs d’intervention,
* l’amélioration des conditions de travail et de vie des agents,
* la participation des représentants authentiques aux différentes décisions concernant les travailleurs,
* la prise en charge des victimes (agents de la protection civile) du tremblement de terre du 21 mai 2003.
* la régularisation des situations des promotions (années 94/95/96/97),
* la répartition équitable de la quote-part des œuvres sociales,
* l’augmentation de la prime de la femme au foyer à 2000 D.A. pour les femmes des agents,
* la fixation de la date du versement des salaires avec fiche de paie,
* la récupération et compensation des jours fériés,
* l’octroi de l’indemnité des malades contagieuses.
En mars 2004, le Snapap dénonce des entraves et des violations de la loi sur les droits syndicaux, les pressions sur les agents qui se trouvent sur la liste, les brimades des représentants etc.
En marge de cette situation, un des problèmes principaux est la gestion des œuvres sociale des pompiers qui représente 3% du total de la masse salariale et dont ne profite qu’une infime proportions d’agents de la protection civile. Les membres du Snapap demandent que des représentants de leur syndicat participent à sa gestion et s’appuient pour cela sur un rapport de l’Inspection générale des finances qui dénonce la gestion non conforme des sommes. La Direction générale a elle-même porté plainte contre la branche UGTA de la protection civile pour malversation et, depuis, c’est le silence judiciaire.
En août 2004, l’UGTA demande l’annulation des détachements du Snapap et la fermeture de leur siège national. La Direction générale de la protection civile obtempère. Suite à cela, le bureau national Snapap organise en décembre un « sit-in » devant la direction générale de la protection civile algérienne à Alger. Le jour même le président et le vice-président sont suspendus de leurs fonctions. Le premier s’est depuis exilé en France suite à des menaces d’emprisonnement et le deuxième est toujours en attente que son dossier passe en justice. Depuis cette manifestation, beaucoup de membres de la protection civile n’osent plus déclarer ouvertement leurs appartenances au Snapap et seules quelques personnes revendiquent et militent pour le personnel de la protection civile.
D’autres membres du bureau national sont, depuis février 2005, suspendus de leurs activités pour fait de grève suite à l’organisation d’un « sit-in » devant la caserne pour réclamer la remise en état de la cuisine de leur centre. Malgré une première décision, en juin 2005, de la justice algérienne de relaxe de ces agents et malgré l’arrêt rendu par la cour d’appel de Sidi Bel Abbes, le 4 octobre dernier, ceux-ci ne peuvent toujours pas se rendre librement à leur travail. Les agents suspendus ne perçoivent plus de salaire et vivent avec leurs familles en dépendant de l’aide d’autres syndicalistes ou de parents proches.
La syndicalistes du Snapap Protection civile souhaitent
* faire connaître auprès du monde politique et syndical français ce qui se passe exactement dans le monde du travail en Algérie,
* le soutien dans leurs luttes pour la réintégration des membres du bureau national,
* des informations sur les luttes en France et des discussions communes sur la stratégie syndicale.
Rencontre avec le comité des femmes du Snapap
La création d’un comité de femmes du Snapap date de 2002, suite à l’adhésion de ce syndicat à l’Internationale des services publics (ISP, voir leur site ici). Ce comité a pour objectifs d’étendre et de faire respecter les droits des femmes travailleuses mais aussi d’assurer la place des femmes dans le syndicat.
Jusqu’à sa mise en place, les travailleuses de la fonction publique - aussi nombreuses que les hommes - étaient peu syndiquées. Le comité national a donc décidé de faire de la syndicalisation des femmes l’une de ses priorités, afin d’intégrer les questions femmes dans l’activité quotidienne des syndicats et de permettre aux travailleuses d’y militer. Des comités femmes ont été créés au niveau régional mais surtout local, c’est-à-dire dans chacune des 48 wilayas (départements). L’intérêt de ces comités locaux est qu’ils sont ouverts aux non adhérentes. Leur rôle est comparable à celui d’une section syndicale. C’est par leur biais que le Snapap a réussi en quelques années à augmenter le nombre de syndiquées et le Snapap compte aujourd’hui treize femmes au Bureau national des femmes travailleuses du syndicat.
Outre les aspects revendicatifs, le comité met en œuvre des actions de formation en lien avec la fondation Friedrich Ebert (1). En 2006, il a organisé des séminaires régionaux et des formations ouvertes aux militantes femmes du Snapap, à différents niveaux, portant sur la violence contre les femmes, l’enfance et la violence, le harcèlement dans l’administration, la presse, la femme et le syndicalisme, la communication par et pour les femmes, la négociation, la médiation et l’arbitrage, la collecte d’information et la conduite des projets, les textes de lois, les éléments pour l’analyse des conflits.
Ces thèmes ont été élaborés suite à un questionnaire des femmes portant sur le recensement des entraves, des atteintes et problèmes socioprofessionnels subis par les travailleuses.
Les échanges entre nos deux syndicats ont porté essentiellement sur les outils des unes et des autres face à ce qui traverse sans encombre la méditerranée, c’est-à-dire les inégalités entre les femmes et les hommes au travail : la ségrégation professionnelle, le plafond de verre (2), les inégalités salariales, la précarité, la répression accrue en cas de militantisme syndical, les remises en cause des droits acquis - notamment sur le congé maternité, axe revendicatif prioritaire en 2007 pour le Snapap. L’idée est de pérenniser ces échanges par la mise en commun de nos actions, l’envoi de brochures, des programme d’action et de formation, des plates-formes revendicatives,la rencontre dans des espaces communs comme les forums sociaux, notamment méditerranéens.
Notes
2. On appelle « plafond de verre » la barrière discriminatoire invisible rencontrée par certaines personnes dans leur déroulement de carrière, en raison notamment de leur sexe ou de leur origine.
Revue de la presse algérienne après la visite de Solidaires en Algérie
Le 2 décembre 2006, dans Alger Hebdo, est parue une photo de grévistes de la faim installés depuis 32 jours sur le parvis de la centrale syndicale UGTA, courroie de transmission du pouvoir. Ces salariés de l’entreprise de transports ETUSA ont finalement été « délogés » par la police à la demande du secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs des transports (FNTT-UGTA). Voilà qui illustre les difficultés des travailleurs algériens à se faire entendre de la toute puissante UGTA.
Le même jour dans l’Expression, Annick Coupé, au nom de Solidaires, souligne « qu’il y a urgence à créer un syndicat fort capable de défendre les intérêts des travailleurs ».
Nombreux ont été les journalistes algériens à rendre compte de la conférence de presse organisée au siège du Snapap faisant le constat des rencontres entre la délégation de Solidaires et les syndicats autonomes algériens.
Le Jeune Indépendant titre « le syndicalisme d’accompagnement des réformes est un échec », reprenant les propos de la porte-parole de Solidaires sur la façon dont l’UGTA pense limiter les dégâts en accompagnant les réformes libérales.
La plupart des journaux algériens ont repris les accusations du Snapap sur « la mascarade d’un pacte national économique et social de quatre ans n’ayant pas été négocié avec les partenaires sociaux réellement représentatifs ». Notant que Solidaires estime « qu’il y a volonté du pouvoir d’étouffer l’expression syndicale libre et autonome » ils reprennent également les propos contre « certains cercles politiques et médiatiques français qui font le jeu du pouvoir algérien en installant un mur de silence autour de la répression des syndicalistes autonomes algériens ».
Le Jour d’Algérie titre sobrement « la situation syndicale s’est dégradée » avant de brosser le tableau du combat des différents syndicats autonomes algériens dans la Fonction publique. « Entraves, harcèlements et suspensions caractérisent le monde du travail » écrit Liberté qui souligne par ailleurs que cette rencontre Snapap – Solidaires servira de base à des actions syndicales communes dans un contexte de solidarité internationale.
Algérie : soutien aux enseignants contractuels en grève de la faim
COMMUNIQUE
17 juillet 2008
Téléphone : 01 58 39 30 20
Télécopie : 01 43 67 62 14
contact solidaires.org
www.solidaires.org
Depuis le 15 juillet, plusieurs dizaines d’enseignants
contractuels, hommes et femmes, ont engagé une grève de la faim à
l’initiative du Conseil national des enseignants contractuels du
SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de
l’administration publique). Certains sont contractuels depuis 14
ans !
Venus de différentes villes d’Algérie, ils sont déterminés à aller
au bout de leurs revendications car il n’est pas acceptable de les
maintenir dans cette précarité, néfaste pour eux, pour leurs
conditions de travail et néfaste pour la qualité de l’enseignement
donné aux jeunes générations.
L’ Algérie est un pays riche mais cette richesse est confisquée
par une minorité au pouvoir. Les inégalités sont de plus en plus
grande et la misère de plus en plus criante.
L’Union syndicale Solidaires apporte tout son soutien aux
grévistes de la faim et à leur syndicat et exige du gouvernement
algérien qu’il réponde enfin à leurs revendications.