Je suis allée à la manifestation à Strasbourg avec un bus (unitaire), qui partait de Metz. On a eu bien du mal à rejoindre le défilé, car il y avait des flics partout. On est arrivé quand la manifestation démarrait, sous des jets de grenades lacrymogènes. J’ai tout de suite senti une ambiance inhabituelle, très tendue, alors je me suis empressée de rejoindre le cortège du NPA, où je me sentais plus en sécurité.
Ensuite, on a été coincé dans une rue, avec des barrages de CRS qui nous bloquaient la route devant et derrière. C’était un peu angoissant, mais il y avait du soleil, on s’est assis par terre. Juste à côté, les gars du black-bloc pétaient tout, parfois sous les huées des manifestants. Un hélicoptère tournait en rond au-dessus de nous, c’était vraiment une drôle d’ambiance ! Au bout d’un moment, on a été soulagé d’apprendre qu’on pouvait repartir. Je suis restée dans le cortège NPA, et on a longé un cordon de CRS. Beaucoup de manifestants avaient les mains en l’air. Et c’est là que, brusquement, les CRS, à quelques mètres de nous, ont tiré des grenades lacrymogènes en direction de notre cortège, pourtant clairement identifié, avec banderole, autocollants, et Besancenot en tête. J’ai senti un choc et une douleur très vive, à mon mollet. J’ai vu que j’étais blessée, je l’ai dit aux camarades à côté de moi, et ils m’ont aidée à rejoindre la camionnette du NPA. Là, j’ai été super bien accueillie, réconfortée, et un infirmier puis une médecin sont venus me donner les premiers soins. J’étais très choquée, j’avais mal et peur, d’autant qu’on ne pouvait pas quitter la manifestation.
Un peu plus tard, deux camarades m’ont amenée jusqu’à un cordon de CRS qui avaient l’air un peu plus humains (on voyait leur visage !) et ils nous ont laissé partir. Les camarades m’ont portée (les pauvres) jusqu’au bus, et j’ai pu rentrer à Metz. Arrivée à Metz, on m’a emmenée aux urgences, et le médecin m’a dit qu’il n’était pas possible de poser des points de suture (la plaie étant trop large) et que j’aurais sans doute besoin d’une greffe de peau, mais qu’il fallait que je sois examinée par un spécialiste sous 48 heures. Donc, le lundi, je suis allée au service des brûlés ; mais comme j’avais aussi un énorme hématome (partant sous la cheville et allant jusqu’au-dessus du genou), il n’a pas été possible de poser un diagnostic pour la plaie. A présent, j’ai des soins infirmiers tous les jours. Il faut voir comment la plaie évolue… si la peau arrive à se reconstituer ou s’il faudra une greffe. Les médecins ne peuvent pas se prononcer pour l’instant.
Je me déplace difficilement et je suis en arrêt maladie. Mais j’ai surtout une grande colère, d’avoir été la victime d’une telle agression : les CRS nous ont attaqués gratuitement, alors qu’il était impossible de nous confondre avec ceux du black-bloc. Les conséquences auraient pu être tragiques : que se serait-il passé si cette grenade avait heurté ma tête et non pas ma jambe ? Et ma colère décuple quand j’entends Sarkozy et sa ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, se féliciter (« tout s’est bien passé ») et dire que les forces de l’ordre ont été exemplaires. Au-delà de la désinformation, je comprends ça comme un message, lourd de menaces, adressé aux manifestants, à ceux qui auraient la velléité de s’opposer au monde tel qu’il va.
J’ai pris conseil auprès d’un avocat, et j’ai écrit au procureur de Strasbourg pour porter plainte pour « violences volontaires aggravées par les circonstances qu’elles ont été commises par une personne dépositaire de l’autorité publique et avec usage d’une arme ». Il faut à présent que le procureur accepte ou non d’enregistrer la plainte, mais avec un arrêt de travail de 37 jours, et une ITT de quinze jours, j’espère que cela sera pris au sérieux ! Sans compter que ça sera prolongé en cas de greffe de peau, ce qui, d’après mon avocat, pourrait être considéré comme une mutilation, un délit encore plus grave.
Je suis aussi en liaison avec le Mouvement de la paix, qui tente de coordonner, avec le collectif Otan-Afghanistan ; ils réfléchissent à une plainte collective, pour l’ensemble des problèmes de répression du contre-sommet, avec constitution de partie civile.
Après, je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur l’issue du procès, s’il y en a un… Mais, au moins, ça serait l’occasion de parler publiquement des violences policières qui ont eu lieu à cette manifestation, et d’alerter sur les menaces qui pèsent sur le droit démocratique de manifester.
Catherine Stotzky
* Paru dans « Tout est à nous » n° 5 du 23 avril 2009.
Sommet de l’OTAN : mascarade guerrière !
Le sommet de Strasbourg, marqué par l’offensive de charme de Barack Obama, a permis de remobiliser les alliés de l’Otan en soutien à la politique guerrière des Etats-Unis. Le sommet a décidé l’envoi de 5000 soldats supplémentaires en Afghanistan, en complément de l’augmentation de 17000 soldats déjà décidée par les Etats-Unis.
Nicolas Sarkozy, tout content de sa décision de réintégration de la France dans le commandement militaire de l’Otan, a fait de la surenchère : « Nous n’avons pas le droit de perdre […] là-bas se joue une partie de la liberté du monde ». Et Angela Merkel rajoute : « L’Afghanistan est vraiment notre épreuve de vérité […] une responsabilité historique ». Ils prétendent y « défendre des valeurs » alors que leurs hommes de main sont en train de faire passer une « nouvelle loi sur la famille afghane » qui consacre le statut d’infériorité de la femme soumise à son mari au nom de la religion. Cette hypocrisie sert à justifier une guerre impérialiste qui détruit un pays et impose mille souffrances aux populations pour la défense des intérêts des multinationales.
La Croatie et l’Albanie ont été intégrées à l’Otan et la Géorgie et l’Ukraine ont « vocation » à le faire. On a réaffirmé que « l’Otan et la Russie ont des intérêts communs en matière de sécurité ». Obama propose le dialogue à l’Iran tout en persistant dans sa volonté de construire en Pologne et en Tchéquie un bouclier antimissile qui, dit-il, « perdrait sa raison d’être le jour où l’Iran cesserait de poser un risque nucléaire ».
D’un côté le dialogue, l’ouverture, la rupture avec la politique de Bush, la réouverture de discussions avec la Russie sur le désarmement et la proclamation démagogique de vouloir un monde « sans armes nucléaires », de l’autre la guerre en Afghanistan, le renforcement des alliances militaires dans le cadre de l’Otan, les menaces contre l’Iran et la Corée.
La nouvelle stratégie définie par Obama est bien une offensive des Etats-Unis pour maintenir leur leadership sur le monde. Les grandes puissances européennes joignent leurs voix à ce concert de duplicité pour justifier l’augmentation de leur engagement militaire et préserver les intérêts de leurs propres multinationales.
Cette duplicité était aussi dans la politique de la police française et allemande qui ont tout fait pour empêcher que puisse avoir lieu la manifestation démocratique et internationaliste réunissant des manifestants venus de toute l’Europe. Derrière les hypocrites proclamations démocratiques, tout avait été fait pour provoquer les affrontements, pousser à bout tous ceux qui voulaient affirmer leur opposition à la politique des grandes puissances contre les peuples et ainsi donner à la propagande officielle le prétexte de se déchaîner contre les casseurs.
Malgré les provocations, la voix de ceux qui exigent le retrait des troupes impérialistes d’Irak et d’Afghanistan et militent pour le droit des peuples, contre la guerre et l’impérialisme a su se faire entendre.
Yvan Lemaître
* Paru dans « Tout est à nous » n° 3 du 9 avril 2009.
Un débat joué d’avance sur l’Otan
L’Assemblée nationale ayant apporté sa confiance au gouvernement sur sa politique étrangère, le retour de la France dans l’OTAN au plus niveau est ainsi voté par la bande....Fillon a répété ce que Sarkozy avait déjà annoncé, décidé et négocié avec les Américains.
« Le moment est venu », a déclaré Sarkozy, le 11 mars, devant la Fondation pour la recherche stratégique, où il annonçait officiellement le retour de la France dans le commandement militaire de l’Otan. L’argumentation est simple : « La France sait aussi qui sont ses alliés et qui sont ses amis : nos amis et nos alliés, c’est d’abord la famille occidentale. Les conditions de l’indépendance, c’est d’abord de savoir où est sa famille. » Rien de bien étonnant. Ce camp dit occidental renvoie étrangement à l’idée du « choc des civilisations ». Il désigne le camp des grandes puissances impérialistes pour lesquelles l’Otan est un instrument politico-militaire au service de leur politique visant à perpétuer leur domination sur le monde derrière les États-Unis.
« Rappelons-le : nous sommes membres fondateurs de l’Alliance atlantique, née il y a 60 ans exactement. Nous ne l’avons jamais quittée. Elle est et reste un élément central de notre politique de défense et de sécurité, avec un engagement fondamental : celui de l’assistance mutuelle en cas d’agression », répond Sarkozy aux critiques du PS ou d’une partie de la droite. Et d’ajouter : « Il nous faut une Europe forte. Construire l’Europe de la défense et de la sécurité est une priorité absolue. L’Europe doit s’affirmer dans le monde, comme elle l’a fait l’été dernier dans la crise géorgienne. »
Il faut dire que les critiques du PS sont particulièrement timorées, voire franchement ridicules quand il invoque De Gaulle. Lorsque, en 1966, De Gaulle a quitté le commandement militaire de l’Otan, Guy Mollet dénonçait, au nom du PS, avec le secours de Mitterrand, la politique « cocardière » et « de la chaise vide » du gouvernement gaulliste face à la menace soviétique ! Elles sont encore plus incohérentes quand il invoque la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), lui qui a participé à la signature du traité de Lisbonne, qui stipule que la défense européenne doit être en tout point « compatible » avec les objectifs politiques et militaires de l’Otan. Son article 28 dit que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Otan ». Les critiques du PS sont celles de gens qui ne discutent pas du fond mais ergotent sur la forme parce que, sur le fond, ils sont d’accord.
Pour nous, pour les travailleurs, notre famille n’est pas là même. Elle est, par-delà les frontières, celle de tous les exploités, de tous les opprimés. Elle est celle de la lutte pour le respect des droits des peuples, contre la guerre, contre le pillage des peuples, pour une paix démocratique fondée sur la coopération et la solidarité.
C’est pour cela que nous combattons l’Otan et le militarisme et que nous serons à Strasbourg, le 4 avril, dans la rue (rens. : www.otan-non.org).