1- Pourrais-tu nous présenter ton parcours militant ? Comment t’a-t-il mené au NPA, et avec quelles attentes ?
Mon engagement dans la vie sociale a d’abord été une implication en faveur des droits humains fondamentaux, individuels et collectifs ; je suis devenu sensible progressivement aux questions écologiques à mesure de l’amoindrissement des ressources naturelles, de la disparition croissante des espèces et des dégâts à l’environnement mettant en cause la santé du plus grand nombre. Il y a dix ans, je suis devenu un militant altermondialiste et j’ai pris progressivement conscience que l’exploitation des humains et l’exploitation de la terre ont une même cause : le capitalisme. Jusque-là je mettais en cause le néo-libéralisme, qui n’est que la phase actuelle du capitalisme. Le livre d’Hervé Kempf « Comment les riches détruisent la planète » m’a fait passer de la contestation du néolibéralisme à la remise en cause du capitalisme.
Le PCF qui avait annoncé la candidature de Buffet une semaine après la victoire du « non » au référendum de 2005 a ruiné toutes les chances d’une candidature unitaire aux élections présidentielles. Après ces élections présidentielles de 2007, la gauche n’est plus qu’un champ de ruines. A la gauche du PS, une seule initiative est prise : la décision de la LCR de se dissoudre pour permettre à ses membres et sympathisants de participer à un rassemblement de femmes et d’hommes partageant un même projet anticapitaliste. C’est inédit dans l’histoire de la gauche française. J’ai refusé, comme certains l’ont fait, de condamner d’emblée ce projet et je me suis impliqué dans le processus.
2- Comment as-tu vécu la préparation du congrès fondateur (textes, amendements, etc) ?
Un formidable exercice démocratique et intellectuel qui a été bien au-delà de ce que fut la préparation des fameuses 125 propositions des CUAL où il avait fallu passer certains sujets sous silence et adopter des formulations ambiguës pour ne pas déplaire au PCF. Aucun sujet n’a été écarté. On a travaillé en profondeur, au niveau des comités locaux ou des comités sectoriels sur quatre textes : les statuts du futur parti, les principes fondamentaux, un projet politique et social et un projet pour l’Europe. Il y a eu des milliers d’amendements venant de plus de 400 comités. Avec trois lectures des textes ainsi progressivement modifiés. Et le congrès constituera une ultime possibilité de modifier encore les textes. Tout en sachant que nous faisons le choix d’un parti processus, c’est-à-dire qu’on n’est pas figé sur des textes qu’on sacraliserait. En outre, il y a deux caractéristiques qui retiennent mon attention : le parti n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un outil pour réaliser des objectifs. Pas de primat du parti sur ses membres donc. Autre caractéristique : nous sommes déterminés à lutter contre la professionnalisation de l’engagement politique.
3- Aux élections européennes, penses-tu qu’il faut aboutir à une coalition électorale avec les autres forces de la gauche “radicale” ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
La question n’est pas de faire une coalition pour faire une coalition. La question est de donner du poids politique à un projet alternatif sur l’Europe. Donc pour moi, le contenu est prioritaire dans la question de l’unité de la gauche à la gauche du PS. Il faut se mettre d’accord sur ce que nous entendons par unité. J’ai proposé que nous nous accordions sur trois caractéristiques de l’unité :
1) une unité sur un contenu réel qui ne renie pas les raisons pour lesquelles on a combattu ce projet de société que fut le TCE, qui couvre à la fois la question sociale et la question écologique et qui s’inscrive en rupture avec le système et non en accompagnement du système et de ceux qui le défendent ; autrement dit l’unité pour porter un projet anticapitaliste au contenu précis et pas seulement l’unité pour l’unité qui ne débouche sur rien ;
2) une unité qui s’inscrive dans la durée et ne se limite pas aux élections européennes. Quel sens aurait une unité qui, d’emblée, s’arrêterait après les élections européennes faute d’accord sur les enjeux nationaux ? L’unité doit être un processus continu. Sinon, elle n’est qu’une posture et un prétexte pour la formation d’un cartel électoral occasionnel réduisant la démarche à du pur électoralisme sans véritable volonté transformatrice. Il n’y a pas d’unité à géométrie variable, une fois avec les uns, une fois avec les autres, au gré de calculs électoraux qui s’appuient sur un contenu réduit à des généralités. Il ne faut pas prendre les gens pour des idiots, les décevoir et risquer de les voir de nouveau se tourner vers de prétendus sauveurs ;
3) une unité qui ne soit pas seulement électoraliste et qui se retrouve sur le terrain, dans les luttes sociales et écologiques, contre la casse sociale, contre le démantèlement du droit du travail et des services publics, mais aussi contre le productivisme, le nucléaire, la marchandisation du vivant. La crise du capitalisme exploiteur et productiviste est une crise de civilisation que la démarche électorale seule ne pourra résoudre. Les résultats historiques du Front populaire ont dépassé le programme électoral limité du Front populaire parce qu’il y a eu un puissant mouvement social accompagnant le processus électoral et son résultat. Mais au final, le Front populaire a échoué parce qu’il ne remettait pas en cause la capitalisme et tentait, provisoirement, d’en atténuer les effets.
4- Comment voudrais-tu voir évoluer la gauche radicale et anticapitaliste à moyen terme ? Comment envisages-tu l’évolution du NPA ?
Je suis convaincu qu’à la gauche du PS, et même au sein du PS, il y a beaucoup de femmes et d’hommes qui, s’ils prennent la peine de lire les textes que nous allons adopter au congrès fondateur du NPA, se sentiront en accord avec ces textes. Même si le NPA n’a pas le monopole des bonnes idées, j’espère qu’il va les rassembler pour qu’une force politique puissante qui rejette sans concession le capitalisme puisse émerger.
Nous créons le NPA comme une structure ouverte où toutes celles et tous ceux qui n’acceptent pas que le capitalisme soit l’ordre naturel des choses peuvent se retrouver et donner à leur volonté transformatrice l’efficacité d’une force politique susceptible de peser.
5- Quelles sont à ton avis les actions prioritaires à mener ?
Les sujets ne manquent pas. Avec « Demolition man » à la tête du pays, on détruit les services publics : les écoles, les hôpitaux, la poste, etc. Toutes les activités de service qui contribuent à l’exercice par tous des droits collectifs sont en train d’être privatisées. Le régime connaît une très dangereuse dérive autoritaire : au fil des contre-réformes qu’il impose, le président contrôle le gouvernement, le parlement, la justice, les médias. La répression de la contestation politique et sociale s’amplifie. On envoie des flics avec des chiens dans les écoles ; on invente de prétendus groupes terroristes. On arrête des gens non pas pour qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils pourraient faire. Au fur et à mesure que croît l’exploitation et la paupérisation, l’Etat de droit recule gravement en France comme dans plusieurs autres pays d’Europe. Il nous faut donc être présent dans toutes les luttes que réclame la résistance à cette évolution. Il nous faut aussi combattre les ravages du capitalisme et particulièrement avec la crise qui a éclaté, dénoncer les mensonges dont nous intoxiquent les média : il n’y a pas de bon capitalisme. On ne moralise pas ce qui, par essence, est immoral. Il faut dénoncer un discours qui veut faire croire qu’on va changer le système alors que dans le même temps on consacre des milliards d’argent public pour le perpétuer.
6- Quelle(s) raison(s) donnerais-tu aux lecteurs d’Anticapitaliste pour rejoindre le NPA ?
a) c’est un parti ouvert, pas caporalisé où chacun peut librement s’exprimer et faire valoir ses opinions, ses propositions ;
b) c’est un parti qui ne privilégie pas le terrain institutionnel, ce n’est pas une machine à faire élire quelques-uns, c’est un parti qui agit d’abord sur le terrain au niveau des luttes qui font le quotidien des exploités ;
c) c’est un parti qui refuse tout compromis sur l’essentiel : le capitalisme n’est pas amendable, la logique du profit est une logique d’exploitation. Pas de compromis avec ceux qui se compromettent avec le capitalisme ;
d) notre radicalité anticapitaliste ne nous interdit pas de soutenir tout ce qui va dans le sens d’une vraie transformation sociale, démocratique, écologique ;
e) c’est un parti internationaliste : nous sommes aux côtés de toutes les victimes du capitalisme dans le monde. Nous établissons des liens de solidarité avec les peuples en lutte et nous menons des actions concrètes contre l’impérialisme et le néo-colonialisme.
Avec beaucoup d’autres - militants des droits humains, altermondialistes, écologistes, militants de la décroissance - je me suis impliqué dans la construction d’une nouvelle force politique pour qu’elle porte ces cinq caractéristiques. Et, avec les militants de l’ex-LCR, nous y sommes parvenus. Nous avons relevé le défi de mettre ensemble des références et des cultures politiques différentes, des expériences différentes. Sans qu’on ait eu le sentiment d’avoir à se renier, à renoncer à ce qui fait, pour chacun, la motivation essentielle de son engagement.
Le NPA porte un espoir nouveau à gauche et l’espoir doit se nourrir de nos actions et de celles et ceux qui nous rejoindront.