Comment est née Génération Palestine ?
Anaïs : Le mouvement est parti de Paris. A la base, c’était des jeunes du syndicat des étudiants palestiniens, une association mondiale, dont faisait notamment partie Yasser Arafat. Cette association a décidé de s’ouvrir aux quartiers populaires, toutes origines confondues. Le premier voyage en Palestine a été organisé en 2005, avec 30 personnes qui ont monté un projet dans un camp de réfugiés. A leur retour, toute une dynamique s’est mise en marche. Le but, c’est que des jeunes européens puissent se rendre compte sur place de la réalité du conflit israélo-palestinien. Du coup, en 2006, on était 120 à partir. C’est à la rentrée que s’est crée l’association Génération Palestine. On était six Genevois et on voulait organiser des activités pour témoigner.
A partir de quoi Génération Palestine parvient-elle à mobiliser autant de jeunes ?
Anaïs : Après la deuxième intifada, il y a eu un engouement en Europe autour du conflit israélo-palestinien. C’est un sujet sensible. On a voulu rendre cette sensibilité intelligible et en faire quelque chose.
Muska : Génération Palestine a voulu porter ce message auprès de la jeunesse : « Vous êtes révoltés, alors allez voir par vous-mêmes ce qui se passe dans les territoires occupés ».
Anaïs : Et tu dois savoir comment parler à des jeunes. On n’a pas des grands discours qui durent des heures. L’association est réservée aux gens de 18 à 30 ans. Enfin, normalement (rires).
En France, les jeunes des quartiers populaires, de nombreux maghrébins, se mobilisent en masse pour Gaza. Comment l’expliquer ?
Anaïs : C’est une manière d’exprimer leur anticolonialisme et de combattre ce qu’ont combattu leurs pères. Contre Israël et contre la France, qui leur refuse l’intégration.
Et en Suisse ?
Anaïs : En Suisse, on est tous d’origine différente et pourtant on se retrouve engagés dans le même combat : il y a des Palestiniens, des Algériens, des Espagnols…
Muska : la cause palestinienne est emblématique : elle englobe toutes les injustices qui sont faites aux peuples dans le monde. Il y a plein d’enjeux, c’est pour ça qu’il y a dans notre mouvement une telle diversité idéologique et religieuse. Chacun retrouve dans cette cause une blessure qu’il a lui-même subie. On a tous envie de porter ce qu’il reste de la Palestine, parce que si ça tombe à l’eau, si les gens lâchent cette cause, il n’y aura plus d’espoir, ce sera une partie de nous-mêmes qui sera brisée.
Comment combattre le sionisme ici, où il dispose d’une puissance financière et médiatique incontestable ?
Anaïs : le sionisme possède une suprématie de l’information. Nous, avec nos moyens, nous pouvons contre-informer et rétablir un embryon de justice. On peut faire passer un message différent de celui qui présente systématiquement les Palestiniens comme des terroristes. On veut montrer que les Palestiniens ont une cause, pour laquelle ils combattent, mais que cela ne fait pas d’eux des terroristes. On le fait par des expositions, des journaux, des blogs, des concerts. On veut aussi présenter la Palestine sous un angle peu connu en Occident : son art, sa culture, sa cuisine, ses traditions. Bref, on veut humaniser la cause palestinienne, l’incarner, montrer que les Palestiniens ne sont pas seulement les objets des médias, mais avant tout des êtres humains.
Les jeunes qui participent à vos actions montrent une détermination et une fraîcheur qui tranchent avec l’immobilisme bureaucratique d’autres.
Comment expliquer cela ?
Muska : le voyage est un moment clé dans la prise de conscience de chacun : c’est là que se forge la motivation pour agir véritablement. On est tellement imprégnés des émotions qu’on a vécues sur place, que ça s’étend à l’entourage, aux amis.
Anaïs : En effet, le cœur de l’association, c’est le voyage. C’est ce qui fait notre spécificité.