Lisbonne,
Au Portugal, c’est la première fois que la droite emporte une élection présidentielle. Le candidat du Parti social-démocrate (PSD, droite), Cavaco Silva, ancien Premier ministre battu par le socialiste Sampaio en 1996, a donc été élu, dès le premier tour, avec 50,6 % des voix. Moins d’un an après sa déroute électorale, la droite triomphe. Mais c’est surtout une victoire du centre, puissant et libéral : Cavaco a axé sa campagne sur la « coopération stratégique » avec le gouvernement socialiste. Pour le Parti socialiste, c’est une défaite importante. Sa direction a été incapable d’éviter la présence de deux candidats : d’un côté, le candidat officiel, Manuel Alegre et, de l’autre, Mario Soares, 81 ans, ex-Premier ministre et ex-président. Avec en prime un Premier ministre socialiste appliquant les recettes sociales-libérales, José Socrates, le PS partait perdant. Les choses ont empiré lorsque Soares s’est mis à coller au gouvernement. Au final, Soares n’a obtenu que 14 % des suffrages et Alegre, en endossant le costume de citoyen indépendant dressé contre les bureaucraties des partis, 20 %. De toute façon, il n’y a rien de bon à attendre de ces remous dans les eaux socialistes. À 70 ans, Alegre va retourner au Parlement, sous la surveillance hostile de ses collègues. Au prochain congrès socialiste, Socrates remettra de l’ordre dans la maison. Ce ne sera pas difficile : il n’y a aucune esquisse d’alternative programmatique.
Pendant la campagne, le candidat du Bloc de gauche, Franscisco Louça, a défendu une alternative pour construire la gauche portugaise. « Demain, nous serons là » : tel était le slogan des militants du Bloc, dimanche soir. Ils avaient des raisons de se féliciter : une campagne longue et inoubliable, ponctuée des plus gros meetings de l’extrême gauche depuis la révolution de 1974. Franscisco Louça a obtenu 5,3 % - près de 300 000 voix -, le deuxième meilleur résultat du Bloc en sept ans d’existence. Le vote en faveur du Bloc de gauche a été géographiquement très homogène.
Le candidat du Parti communiste (PC), Jeronimo de Sousa, a un peu progressé pour atteindre 8,5 %. Ce qui confirme que le changement de leader du PC a aussi modifié l’état d’esprit des médias et donné un nouveau souffle aux militants. Son meeting national à Lisbonne a rassemblé 20 000 participants, une véritable démonstration de force. En principe, il n’y aura pas d’élection au Portugal pendant les trois prochaines années. Ce scrutin a donc stabilisé le cadre politique pour un temps. Les patrons avaient soutenu Socrates, en février 2005, tout comme ils ont soutenu Cavaco cette année : au nom de la « stabilité ». La stabilité des patrons est en marche. Pour la gauche, l’heure est à la mobilisation.