Il y a un an, Rama Yade, devant les Nations Unies, lançait un appel
solennel à la dépénalisation de l’homosexualité.
Comme d’habitude, la France donnait des leçons au monde entier et surfait
sur sa légende obscène de pays (colonial) des droits de l’homme (blanc) !
Tandis que Yade communiquait un peu partout sur la tolérance progressiste
du pouvoir français, le gouvernement montrait son vrai visage en se
drapant d’un progressisme de façade au sujet d’un statut parental ouvert
aux familles homoparentales (en réalité l’aménagement cosmétique d’un
droit existant depuis des années), avant de reculer frileusement et de
renvoyer le vote de la mesurette aux calendes grecques.
Il n’y a pas là de contradiction, juste le cynisme sarkozyste. Il s’agit
toujours, au final, de confirmer l’ordre des puissants et, en
l’occurrence, de consolider le patriarcat et l’hétérosexualité
obligatoire. Car quels que soient les reculs concédés, rien ne doit, pour
ce pouvoir, être donné qui puisse en profondeur favoriser l’égalité. Les
transpédégouines restent des êtres inférieurs en droit. Les rares avancées
claironnées sont suspectes voire dangereuses : ainsi ces derniers jours,
les effets de manche opportunistes de la ministre de la Santé ne doivent
pas cacher le renforcement de la tutelle médicale sur les trans’ au lieu
de la démédicalisation de la transidentité.
Cette inégalité de la Loi a des conséquences directes, quotidiennes. Le
dernier rapport de SOS Homophobie l’écrit : les discriminations,
agressions et crimes homophobes sont ici en hausse. L’État en désignant
comme sous-citoyen(ne)s une partie de la population donne une traduction
politique encourageante à la violence quotidienne dont nous sommes les
victimes. Une violence incessante lovée dans les institutions, qui nous
exclut du mariage, de la parentalité, du don du sang, et nous expulse
parfois dans une de ses innombrables rafles qui constituent la vie
courante du pouvoir français.
Mais la France, pays (colonial) des droits de l’Homme (Blanc), si elle est
diserte aux Nations Unies, pour sa campagne marketing, sait aussi être
discrète lorsqu’il faudrait qu’elle parle pour mettre ses amis en cause.
Et elle a beaucoup d’États amis, à commencer par le Vatican et son patron !
La Journée Internationale de lutte contre l’Homophobie vient rappeler
combien la vie des transpédégouines est difficile et menacée partout dans
le monde. Être pédé, gouine, trans’, bi, intersexe, séropo, c’est
connaître l’insulte, la discrimination, le placard, l’agression, la
prison, la mort... Être pédé, gouine, trans’, bi, intersexe, c’est
toujours, à des degrés divers, vivre, dans la violence et la haine.
Mais être pédé, gouine, trans’, bi, intersexe, c’est aussi avoir fait
l’expérience de l’affranchissement de la place ou du genre qui nous était
assignée, de la fonction sociale décrétée.
Se sentir fier(e) en s’arrachant à la vie qui nous était destinée.
Cet affranchissement qu’il faut conquérir (et reconquérir) nous fragilise,
nous pousse parfois au suicide.
CertainEs y renoncent, placardiséEs. D’autres sont contraintEs à la ruse,
à la clandestinité.
Mais il est aussi et simultanément une force, notre force : la découverte
que la fatalité n’est qu’une idéologie.
Ce que nous ne sommes pas devenuEs individuellement, il devrait être
possible de le déplacer à l’échelle collective.
Nous ne serons pas ce qu’ils souhaitent faire de nous : une communauté
apeurée et achetée, soucieuse de ses seuls intérêts (nationaux).
Cela suppose que nous soyons fier(e)s d’être ce que nous sommes devenu(e)s
mais aussi fier(e)s de ce que nous allons devenir, ensemble.
Ce devenir qui naît de nos résistances est nécessairement soucieux de ce
qui se passe ailleurs. Il sera internationaliste, c’est-à-dire militant
pour une solidarité inconditionnelle entre égaux/-ales, pour un soutien
sans relâche aux mouvements de lutte qui, pays par pays, tentent d’obtenir
quelques droits, parfois seulement celui de vivre. Et nous songeons tout
particulièrement ce jour à nos sœurs moscovites réprimées hier lors de
leur opiniâtre et courageuse tentative d’organisation d’une marche des
fiertés.
Aucune fierté émancipatrice ne naît d’un repli sur ses seuls intérêts.
La nôtre sera tissée de l’expérience de tou(te)s et de chacun(e), de
l’histoire avec ses défaites de nos solidarités, des victoires à venir,
des improbables contacts, des merveilleuses rencontres, des soutiens à des
ami(e)s inconnu(e)s, anonymes, lointainEs, aux seuls motifs qu’ils/elles
subissent, pour leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, la
violence de leur État.
La fierté, collective, est toujours en rupture avec les normes édictées
par l’État.
Notre journée internationale de lutte contre l’homophobie n’attend en
conséquence rien de lui.
Elle essaie de construire un rapport de forces durable et pour cela
d’amorcer cette communauté qui vient : combattante, internationaliste,
aussi déterminée à la défense des droits des transpédégouines que les
États le sont à la consolidation du patriarcat.
TaPaGeS,
TransPédéGouines de Strasbourg, le 17 mai 2009