En tant que représentante élue pour Farah, Afghanistan, j’ajoute ma voix à
celles qui condamnent le bombardement de l’OTAN qui a fauché la vie de
plus de 150 civils dans ma province, plus tôt ce mois-ci. Ce dernier
massacre permet au monde d’entrevoir les horreurs auxquelles notre peuple
fait face.
Cependant, tel que je l’ai expliqué lors d’une conférence de presse le 11
mai à Kaboul, les autorités militaires étasuniennes ne veulent pas que
vous voyez cette réalité. Comme d’habitude, elles ont tenté de minimiser
le nombre de victimes civiles, mais l’information que j’ai obtenue
confirme que 164 civils ont été tués dans ces bombardements. À la
conférence de presse, un homme du village de Geranai, accablé de douleur,
est venu expliquer qu’il avait perdu 20 membres de sa famille dans le
massacre.
D’autre part, la commission du gouvernement afghan semble avoir omis de sa
liste les enfants tués de moins de trois ans. Cette commission, qui est
allée au village trois jours plus tard — une fois toutes les victimes
enterrées par les villageois dans des fosses communes — refuse de rendre
sa liste publique. Comment peut-on afficher un tel manque de respect
envers la vie précieuse des Afghans et des Afghanes ?
Les nouvelles de la semaine dernière faisaient état du remplacement du
principal commandant militaire étasunien en Afghanistan, mais je pense
qu’il s’agit là d’un simple subterfuge pour tromper notre peuple en
faisant porter à une seule personne la responsabilité de leur désastreuse
stratégie d’ensemble en Afghanistan.
Dans une entrevue avec Al Jazeera, l’ambassadeur afghan aux États-Unis a
déclaré que si « des excuses appropriées » étaient faites, « le peuple
comprendrait » les morts civiles. Mais le peuple afghan ne veut pas
seulement entendre « nous sommes désolés », nous demandons la fin de
l’occupation de l’Afghanistan et de ces crimes de guerre tragiques.
Les manifestations étudiantes et autres contre les plus récents
bombardements, tout comme les protestations de centaines de femmes le mois
dernier à Kaboul, montrent au monde la voie vers une réelle démocratie en
Afghanistan. Confrontées au harcèlement et aux menaces, les femmes ont
pris la rue pour exiger l’abandon de la loi qui légaliserait le viol au
sein du mariage et codifierait l’oppression des femmes chiites de notre
pays. Tout comme les attaques aériennes des États-Unis n’ont pas apporté
la sécurité aux Afghans et aux Afghanes, l’occupation n’a pas apporté la
sécurité aux femmes afghanes. La réalité indique le contraire.
Cette loi infâme n’est que la pointe de l’iceberg de la situation
catastrophique des droits des femmes dans notre pays occupé. Le système en
entier, en particulier le système judiciaire, est infecté par le virus du
fondamentalisme ; ainsi, en Afghanistan, les hommes qui commettent des
crimes contre les femmes le font en toute impunité. Les taux d’enlèvement,
de viols collectifs et de violence domestique sont aussi élevés
qu’auparavant, de même que le nombre de femmes qui s’immolent et qui se
suicident par d’autres moyens. Tragiquement, des femmes préfèrent
s’immoler par le feu plutôt que d’endurer l’enfer de leurs vies dans notre
pays « libéré ».
La Constitution afghane contient des clauses concernant les droits des
femmes – j’étais l’une des nombreuses déléguées à la Loya Jirga de 2003
qui ont poussé fort pour leur inclusion. Mais le document fondateur du «
nouvel Afghanistan » a aussi été marqué par la forte influence des
fondamentalistes et des seigneurs de guerre, avec lesquels le président
Karzai et l’Occident ont fait des compromis depuis le début.
En fait, je n’ai pas vraiment été surprise par la plus récente loi contre
les femmes. Quand les États-Unis et leurs alliés ont remplacé les Talibans
par les tristement célèbres seigneurs de guerre et fondamentalistes de
l’Alliance du Nord, je savais que le seul changement que nous allions
connaître serait de passer de la poèle à frire au feu.
Au cours des dernières années, il y a eu toute une série de lois et de
décisions de cour scandaleuses. Par exemple, il y a eu la loi dégoûtante
qui accordait, sous prétexte de « réconciliation nationale », l’immunité
contre toute poursuite aux seigneurs de guerre et autres criminels de
guerre bien connus, dont plusieurs siègent au parlement afghan. Au moment
de son adoption, les grands médias du monde et les gouvernement se sont
fermé les yeux.
C’est, entre autres raisons, parce que je me suis opposée à cette loi en
tant que députée élue de la province de Farah, que j’ai été expulsée du
parlement au mois de mai 2007. Plus récemment, il y a eu la condamnation
scandaleuse à 20 ans de prison de Parvez Kambakhsh, un jeune homme dont le
seul crime a été d’avoir prétendument distribué un article dissident à son
université.
On nous dit que des troupes supplémentaires des États-Unis et de l’OTAN
s’en viennent en Afghanistan pour aider à rendre la prochaine élection
présidentielle plus sécuritaire. Mais franchement, le peuple afghan ne
fonde aucun espoir dans cette élection – nous savons qu’il ne peut y avoir
de démocratie réelle sous les fusils des seigneurs de guerre, de la mafia
du traffic de la drogue et de l’occupation.
À l’exception de Ramazan Bashardost, la plupart des autres candidats sont
les mêmes visages connus et discrédités qui ont déjà fait partie
intégrante du gouvernement raté, de type mafieux, d’Hamid Karzai. Nous
savons qu’on peut remplacer une marionnette par une autre et que le
gagnant de cette élection sera très certainement choisi derrière des
portes closes à la Maison Blanche et au Pentagone. Je dois conclure que
cette élection présidentielle n’est qu’une mise en scène en vue de
légitimiser la prochaine marionnette des États-Unis.
Tout comme en Irak, la guerre n’a pas apporté la libération à
l’Afghanistan. Ni l’une ni l’autre de ces guerres ne visaient vraiment à
apporter la démocratie et la justice ou à déraciner des groupes
terroristes ; elles visaient plutôt — et visent toujours — l’avancement
des intérêts stratégiques des États-Unis dans la région. Comme les
Britanniques et les Soviétiques l’ont appris appris au siècle dernier,
nous, les Afghans et les Afghanes, n’avons jamais aimé être des pions dans
le « Grand Jeu » impérial.
Il est honteux qu’une si grande part de la réalité de l’Afghanistan ait
été voilée par un consensus des médias occidentaux en appui à la « bonne
guerre ». Peut-être que si les citoyens et les citoyennes de l’Amérique du
nord avaient été mieux informées concernant mon pays, le président Obama
n’aurait pas osé envoyer plus de troupes et dépenser l’argent des
contribuables pour une guerre qui ne fait qu’ajouter aux souffrances de
notre peuple et entraîner la région dans des conflits plus profonds.
Cet « accroissement soudain » de troupes en Afghanistan et la poursuite
des bombardements ne contribueront en rien à la libération des femmes
afghanes. Leur seul résultat sera d’accroître le nombre de victimes
civiles et la résistance à l’occupation.
Pour vraiment aider les femmes afghanes, les citoyens et les citoyennes
des États-Unis et d’ailleurs doivent dire à leurs gouvernements de cesser
de soutenir et de couvrir un régime de seigneurs de guerre et
d’extrémistes. Si ces brutes étaient enfin traduites en justice, les
hommes et les femmes de l’Afghanistan seraient tout à fait capables de
s’occuper d’eux-mêmes.