Malgré les tentatives de l’état-major US de minimiser les dégâts et d’en attribuer la responsabilité aux Talibans, la destruction de deux villages et le massacre de quelque 150 civils du côté de Bala Baluk est l’œuvre de l’aviation étatsunienne. Intervenue sur demande de l’armée afghane engagée dans une opération de traque d’un groupe de talibans, l’aviation a pilonné les deux villages durant plus de deux heures l’après-midi du 5 mai. D’après les premiers photographes accourus sur place, des scènes apocalyptiques se sont présentées à leurs yeux : maisons soufflées, bétail éventré et des cadavres par douzaines entassés sur des camions et dans des remorques agricoles. Une première comptabilité macabre basée sur les corps transportés par un paysan avec son tracteur faisait état de 127 morts. Par la suite, ce chiffre a été révisé à la hausse pour s’établir autour de 150 victimes. Par contre, l’unique hôpital de la région, à Farah, n’a comptabilisé que 14 blessés, ce qui prouve l’intensité particulièrement importante des bombardements.
Le premier crime de guerre de Barak O.
Un ancien fonctionnaire du gouvernement interviewé par le Guardian déclare qu’on « a bombardé et brulé des maisons pleines d’enfants, de femmes et de vieux qui avaient fui les lieux des combats ». De tels massacres, qui sont, au sens des conventions internationales, des crimes de guerre, sont appelés à se reproduire. C’est le prix de la stratégie anti-insurrectionnelle inaugurée par l’administration Obama. Partant du constat que les talibans vivent parmi la population pachtoune – 42% des Afghans – comme des poissons dans l’eau, elle vise, selon des techniques éprouvées, à vider le bocal. Donc, à s’en prendre aux populations civiles. A ce titre, la récente nomination à la tête des troupes US en Afghanistan du général Stanley Mc Chrystal, responsable durant cinq ans des commandos d’opérations spéciales – celles dont on n’assume pas nécessairement les responsabilités – ne laisse rien présager de bon.
C’est dans une guerre contreinsurrectionnelle, une guerre tout-terrain qu’Obama s’engage. On sait, depuis la guerre d’Algérie, quel genre « d’effets collatéraux » de telles guerres impliquent ! Et que le choix soit celui-là est confirmé par la décision présidentielle de ressusciter les tribunaux militaires spéciaux inventés par Bush et Cheney. Leur spécificité était celle de juger les dits « combattants illégaux », à savoir non conventionnels, qui ne bénéficient donc pas des protections garanties par les Conventions de Genève. En sa qualité de candidat, Obama avait vertement critiqué l’existence de ces tribunaux. Aujourd’hui, il estime qu’ils « représentent le meilleur moyen de protéger notre pays tout en respectant nos valeurs les plus profondes ».
Nouvelle guerre préventive ?
Mais le sommet à trois du 7 mai visait aussi l’autre pilier de la politique d’Obama, l’extension du conflit au Pakistan voisin. Il s’est en effet conclu sur un double constat : si d’une part on a reconnu le rôle décisif de Washington dans le conflit, de l’autre, les trois chefs d’Etat ont admis la transformation de la guerre afghane en une AfPak war, une guerre afghano-pakistanaise. Définie par Obama comme une « menace mortelle pour la patrie » et par Richard Holbrooke, l’envoyé d’Hillary Clinton dans la région, comme « un enjeu pour la sécurité nationale » des Etats-Unis, la situation au Pakistan inquiète
Washington.
David Kilcullen, consultant australien du Pentagone la définit ainsi : « un pays de 173 millions d’habitants avec cent bombes atomiques, une armée aussi nombreuse que celle des Etats-Unis et l’état-major de Al-Qaida installé dans les deux tiers du pays que le gouvernement ne contrôle pas ». D’où l’injonction faite dans un pur rapport colonial au président pakistanais Zardari de déclencher une offensive majeure dans les régions tribales. Les résultats sont déjà là : c’est par centaines de milliers que les gens fuient les bombardements de l’armée pakistanaise pour venir s’entasser dans les camps de réfugiés dont les télévisions nous rapportent les images dramatiques.
Loin de combattre le terrorisme d’Al-Qaida, puisqu’une telle politique le renforce, l’extension de la guerre au Pakistan a aussi une fonction préventive contre ce que les observateurs estiment comme une possible et, par certains aspects, probable explosion sociale et qui ne présentera pas nécessairement les traits de l’islamisme…