Le sommet rassemblant l’Union européenne (UE) et le Pakistan, qui devait se tenir mercredi 17 juin à Bruxelles, serait presque passé inaperçu, même s’il s’agit du premier de son histoire, si les principales nations européennes engagées militairement et financièrement dans la région n’avaient pas pris ombrage d’en être exclues.
Le président pakistanais, Asif Ali Zardari, devait ainsi seulement rencontrer, mercredi, une troïka européenne composée du premier ministre tchèque, actuel représentant de la présidence tournante européenne, du haut représentant pour les affaires extérieures, Javier Solana, et d’un représentant de la Commission.
« La France ou la Grande-Bretagne n’ont rien à faire ici, elles n’y ont aucun rôle à jouer, l’organisation de ce type de sommet est fixée par les traités, c’est l’Union européenne qui parle au nom des Vingt-Sept », assure, au Monde, Christiane Hohmann, porte-parole de la Commission pour les relations extérieures.
Une position qui a déclenché l’ire du représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan, le député (UMP) Pierre Lellouche. « Je trouve invraisemblable, a-t-il indiqué au Monde, que les nations européennes engagées dans la région afghano-pakistanaise ne soient pas invitées ; quand on a une guerre civile au Pakistan et une guerre en Afghanistan, il y a un vrai problème à ce que la France, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni soient en quelque sorte interdits de séjour à ce sommet. »
Nommé pour un mandat de six mois, début mars, par le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, M. Lellouche s’est vu confier la tâche de « renforcer le rôle de la France dans la définition et la mise en œuvre de l’engagement international ». Il dispose, à l’instar de ses homologues, représentants spéciaux américain, britannique et allemand, d’une équipe interministérielle et a déjà effectué de nombreux déplacements, notamment en Afghanistan, en Inde et au Pakistan.
« L’Europe peut être un multiplicateur de puissance, mais en l’absence actuelle de traité européen et de véritable pilotage politique, l’inertie des institutions européennes conduit la Commission à vivre sa vie de son côté sans prendre en compte l’avis des Etats et le Conseil européen en est paralysé », affirme-t-il.
La Commission européenne, par la voix de Mme Hohmann, récuse le reproche « d’absence de stratégie » notamment formulé à son égard par M. Lellouche. « Nous aborderons, dit-elle, tous les sujets, le renforcement de la démocratie comme les relations commerciales avec le Pakistan. » Les échanges devaient, enfin, porter sur la situation politique du pays et sur les réfugiés fuyant la zone de combats entre l’armée et les talibans dans le nord-ouest du Pakistan.
L’UE et le Pakistan ne sont liés, à ce jour, que par un accord de coopération entré en vigueur en 2004 visant, pour la période 2007-2013, « à réduire la pauvreté ». Une enveloppe de 398 millions d’euros avait alors été débloquée pour ce programme qui évoque, en annexe, les questions des droits de l’homme et de la gouvernance.
L’essentiel des relations économiques existant entre le Pakistan et la zone Europe passe en réalité par le biais de relations bilatérales. La France était ainsi, en 2008, le sixième fournisseur européen du Pakistan avec 542,7 millions d’euros de biens exportés.
De plus, l’UE intervient dans la région afghano-pakistanaise grâce à des financements de chaque Etat. « La France contribue à hauteur de 18 % de ces fonds et on nous interdit même toute évocation de leur utilisation alors que l’argent européen n’est pas coordonné avec celui investi dans la région par chaque nation », s’indigne M. Lellouche.