Le Partenariat euro méditerranéen, aussi appelé « Processus de Barcelone » fut initié lors du sommet ministériel euro méditerranéen réuni en novembre 1995 dans la capitale catalane. Il fêtera donc en 2005 son dixième anniversaire.
Les ministres des Affaires étrangères des pays impliqués dans le processus, réunis à La Haye en novembre 2004 en comité technique pour préparer le prochain sommet ministériel, prévu à Luxembourg en avril 2005, ont décidé à cette occasion de « renforcer et relancer le partenariat » et de proclamer l’année 2005 « Année de la Méditerranée ».
C’est l’occasion ou jamais pour Attac de faire le point.
1. Objectifs et architecture du partenariat euro méditerranéen
Présenté comme le « principal instrument du partenariat, de la coopération et du dialogue avec la région méditerranéenne » [1], le processus de Barcelone regroupait à l’origine les 15 pays de l’Union Européenne (avant son récent élargissement) et 12 pays du pourtour méditerranéen, dits « Pays Tiers Méditerranéens » (Turquie, Chypre, Malte, Israël, Palestine, Liban, Syrie, Jordanie, Égypte, Tunisie, Algérie, Maroc).
Suite à l’élargissement de l’Union Européenne, deux de ces pays (Malte et Chypre) ont désormais rejoint l’Union, et la candidature de la Turquie a été déclarée recevable. L’Europe compte désormais 25 pays, et les PTM ne sont plus que 10, dont un candidat à l’adhésion à l’UE. Sur les 9 pays restants, 8 sont arabes, le 9e étant Israël. La Libye, bien que jusqu’à présent exclue du processus, a un statut d’observateur depuis 1999, et devrait être incluse dans la « Politique de voisinage » de l’UE, lancée suite à l’élargissement de l’Europe. Visant en premier lieu les pays d’Europe de l’est, cette politique de voisinage, est invoquée dans le cadre du partenariat euro méditerranéen comme devant « renforcer le processus de Barcelone ». Dans ce cadre, un certain nombre de « programmes d’action » euro méditerranéens sont aujourd’hui élargis à l’ensemble des pays limitrophes, à partir d’une « vision très large de la place géostratégique des relations entre nos voisins et l’Europe » [2]
Le Processus de Barcelone a trois objectifs, régulièrement rappelés, dans les documents d’étape, qui fondent les trois volets du partenariat :
• La création d’une aire de paix et de stabilité, grâce au renforcement du dialogue politique et de la sécurité
• La construction d’une zone de prospérité partagée à travers un partenariat économique et l’établissement progressif d’une zone de libre-échange
• le rapprochement entre les peuples grâce à un partenariat social, culturel et humain, visant à la compréhension entre les cultures et le développement des échanges entre les sociétés civiles [3].
Ces trois objectifs se traduisent en trois volets :
– un volet politique et sécuritaire
– un volet économique
– un volet culturel, social et humain.
La partenariat se concrétise par :
– des programmes de coopération multilatérale, dits programmes MEDA
– des accords d’association bilatéraux entre d’un côté l’Union Européenne, de l’autre chacun des pays tiers méditerranéens.
Si l’originalité du processus de Barcelone, qui le différencie d’autres accords régionaux de libre-échange dont l’ALENA est le modèle, est cette articulation entre dimensions politique, économique et sociale, et l’insistance sur le soutien aux processus de démocratisation et à la défense des droits de l’homme, ainsi qu’au dialogue des cultures et à la promotion de la société civile, il n’en reste pas moins qu’il s’inscrit explicitement dans le prolongement des politiques néo-libérales mises en œuvre dans le cadre du consensus de Washington, et plus particulièrement dans le cadre des règles de l’OMC.
La mise en place d’une zone de libre-échange en Méditerranée apparaît comme la colonne vertébrale et l’objectif principal de la politique de coopération. Dès le 19 octobre 1994, dans une communication au Conseil de l’Europe, la Commission estimait que « la création d’une zone euro méditerranéenne de stabilité politique et de sécurité n’a aucune chance de se réaliser si elle n’est pas accompagnée de la création progressive d’un espace euro méditerranéen de libre-échange ».
Pour réaliser l’objectif de « création d’une zone de prospérité partagée », la déclaration de Barcelone affirmait que « les participants (au sommet) s’accordent pour établir un partenariat économique et financier, qui sera basé sur l’établissement progressif d’une zone de libre-échange, la réalisation d’une coopération économique concertée dans les secteurs pertinents, une assistance financière substantielle. L’année 2010 est fixée comme échéance pour l’établissement progressif de cette zone qui couvrira l’essentiel du commerce, en concordance avec les obligations résultant de l’OMC ». Enfin, pour faciliter le processus, il est prévu de procéder à « l’ajustement et à la modernisation des structures économiques et sociales, la priorité étant accordée à la promotion au développement du secteur privé, à la mise à niveau du secteur productif et à la mise en place d’un cadre institutionnel et réglementaire approprié pour une économie de marché ».Dans le cadre de la définition des actions prioritaires en annexe de la déclaration de Barcelone, il est rappelé que « l’établissement d’une zone de libre-échange, en accord avec les principes contenus dans la déclaration, est un élément essentiel du partenariat euro méditerranéen » et que « l’objectif de la coopération sera d’aider à créer un climat favorable à la suppression de tous les obstacles à l’investissement... ».
La plupart des pays du sud et de l’est de la Méditerranée étaient précédemment liés à l’UE par des accords dits de « première génération », qualifiés d’ « Accords de Coopération », qui instauraient des relations asymétriques visant à aider au développement industriel et agricole des pays du sud grâce à des aides, mais aussi en favorisant l’accès au marché européen à un certain nombre de produits industriels et agricoles - avantages il est vrai, limités par le principe de la préférence communautaire et les accords multifibres. La nouveauté du partenariat est donc d’appliquer le principe de la réciprocité commerciale : il s’agit bien de promouvoir le principe du libre-échange tel que défendu par l’OMC. Le respect des règles de l’OMC est d’ailleurs régulièrement rappelé tant dans les accords d’association, que dans les différents programmes de réformes.
Pour comprendre les enjeux du Processus lancé à Barcelone, il suffit d’ailleurs d’en rappeler le contexte géopolitique : effondrement du communisme, 2e guerre du Golfe, accords d’Oslo (dont on oublie trop souvent la dimension économique) accords de Schengen, et bien sûr, la création de l’OMC au début de l’année 1995.
On peut enfin ajouter une dimension manifeste de compétition entre grandes manœuvres américaines au Moyen-Orient et mobilisation européenne pour la préservation de ses intérêts dans un espace faisant historiquement partie de sa sphère d’influence. Dans la foulée de la signature des accords intérimaires d’Oslo en 1993, du protocole de Paris au printemps 1994, qui développe le volet économique de ces accords, et du traité de paix entre la Jordanie et Israël à Wadi Araba en octobre 1994, sont en effet organisés successivement, sous l’égide du Forum de Davos et à l’instigation des Etats-Unis, trois sommets économiques arabes à Casablanca (1994), Amman (1995), Le Caire (1996) et Doha (1997), dans le but de promouvoir une « économie de la paix », qui aurait enfin vu l’intégration d’Israël dans l’économie régionale.
Mais à l’orée du nouveau millénaire, la « paix et la prospérité » sont loin d’être au rendez-vous....
Le fonctionnement du Partenariat se décline à deux niveaux :
– au niveau multilatéral, par le biais de programmes transversaux, qui font l’objet de financements spécifiques, élaborés et évalués à l’occasion de rencontres ministérielles spécialisées (ministres de l’économie, de l’industrie, du commerce, des transports...).
– au niveau bilatéral par les accords d’association.
Des sommets ministériels réunissant les ministres des affaires étrangères font périodiquement le point et définissent les orientations prioritaires : six sommets se sont réunis après celui de Barcelone, à Malte (avril 1997), Stuttgart (avril 1999), Marseille (nov 2000), Bruxelles (nov 2001), Valence (avril 2002), Naples (dec 2003). Le prochain doit se tenir à Luxembourg en mai 2005.
2. Les accords d’association
La Turquie ayant une situation particulière (accord d’association depuis 1963, et union douanière signée en mars 1995 avec l’Europe, entrée en vigueur en décembre de la même année ; aujourd’hui candidature officielle à l’UE), les accords d’association concernent les 8 pays arabes et Israël (voir en annexe le calendrier de signature et de ratification)
L’architecture des accords est similaire pour chacun des pays partenaires, et s’ils diffèrent dans le détail, ils sont tous organisés suivant les trois volets (a) politique, (b) économique, (c) social et humain.
• Tous commencent par prôner le dialogue politique, puis consacrent les trois quart des articles à régler les questions économiques et financières, et enfin n’accordent que quelques articles aux questions de « coopération sociale » (réduites pour l’essentiel au contrôle des migrations illégales, et aux accords de réadmission) et « culturelle ».
• Tous précisent en article deux :
« Les relations entre les parties, comme les mesures de l’accord lui-même, seront basées sur le respect des droit humains et les principes de la démocratie, qui guident leur politique nationale et internationale et constituent un élément essentiel de l’accord »
• Tous comptent un article précisant, en des termes quasiment identiques, la possibilité pour l’une des parties de dénoncer l’accord si elle considère que l’autre partie n’a pas rempli ses engagements.
L’article 2 explique le retard pris par la ratification finale de l’accord avec la Tunisie et avec Israël, mais n’a jamais été utilisé pour les remettre en cause malgré des demandes du Parlement européen sans ambiguïté.
L’accord avec la Syrie introduit un nouvel article, sur l’interdiction des armes de destruction massive (la lutte contre les armes de destruction massive était mentionnée dans la déclaration de Barcelone, mais pas dans les accords d’association) : ce qui a été une ultime occasion de retard, les Syriens rechignant à se voir imposer une clause qui ne l’avait pas été aux autres partenaires.
L’essentiel de ces accords organise en tout état de cause le démantèlement réciproque progressif des barrières douanières visant à libérer l’accès des produits européens au marché du pays avec lequel l’accord est signé, et celui des produits du pays concerné au marché européen. Mais seuls sont censés bénéficier de cet avantage les produits fabriqués localement : d’où l’importance des « règles d’origine », mais aussi du respect de la propriété intellectuelle. La politique d’encouragement des accords de libre-échange sud-sud élargit les règles d’origine à la zone concernée par l’accord (par exemple l’accord d’Agadir, voir plus loin).
Cette politique de libéralisation implique une poursuite de la restructuration des économies souvent amorcée dans le cadre des accords avec la Banque Mondiale et le FMI, en particulier une politique de privatisation, et de promotion du secteur privé, car « le développement du secteur privé est un élément clé de la politique euro méditerranéenne de l’UE ».
Pour faire face aux difficultés découlant de ces restructurations, l’Europe apporte une aide à la mise à niveau des entreprises, mais pour être éligible à recevoir cette aide « le pays concerné doit entreprendre un programme de réformes agréé par les institutions de Bretton Woods » [4].
3. Les instruments financiers du PEM
Pour soutenir les mesures de réformes structurelles dans les pays partenaires, l’Europe apporte une aide financière sous diverses formes. Cette aide s’appuie sur un certain nombre d’instruments financiers, dont le principal est connu sous le nom de programme MEDA (= mesures d’accompagnement financières et techniques à la réforme des structures économiques et sociales). Ce dispositif regroupe et organise les programmes d’interventions de l’UE dans les Pays Tiers Méditerranéens (PTM).
Deux programmes ont été mis en place sur 5 ans :
MEDA I = 1995-1999 = 3 060 M€ (réalisé/engagé)
MEDA II = 2000-2006 = 5 350 M€ (budget prévisionnel)
L’accroissement des sommes mobilisées entre les deux périodes est encore plus net puisque entre temps certains pays ont été sortis de MEDA pour entrer dans le dispositif ÉLARGISSEMENT (CHYPRE, MALTE).
La TURQUIE et ISRAËL se situent pour l’essentiel hors MEDA. Ces 2 pays y sont présents au seul titre du volet régional/multilatéral. La LIBYE en est totalement exclue.
Notons cependant que MEDA ne pèse que pour 1,2% dans le budget de l’UE, contre 44% pour la PAC.
Après 2006, l’instrument européen de voisinage et de partenariat devrait couvrir les pays tiers (hors élargissement) du sud et de l’est du bassin méditerranéen, l’Ukraine, la Moldavie et le Belarus, ainsi que les pays du sud Caucase, remplaçant ainsi MEDA et une partie de TACIS. Cet instrument soutiendrait également le partenariat stratégique communautaire avec la Russie.
Lors de la dernière rencontre ministérielle à La Haye, les ministres se sont félicités de l’amélioration de l’efficacité de MEDA : durant la première période (95-99), les retards de paiements étaient dramatiques, et les dépenses ont atteint seulement 28% des engagements. En 2004, elles atteignent 105% des engagements. Cela serait le résultat d’une meilleure « appropriation du partenariat » par les partenaires.
En sus de MEDA, l’UE mobilise les moyens financiers de la BEI (Banque européenne d’investissement) : une enveloppe de 6 400 M€ est inscrite sur la période 2000-2007 pour les pays MED. La BEI intervient par des prêts, - principalement pour le financement (public) d’infrastructures. Sur la période 1995/2001, la BEI a prêté 7 424 M€ dans la zone MED.
Les modalités d’interventions de la BEI ont été remodelées à partir de 2003 avec la mise en œuvre de l’instrument FEMIP (facilité euro méditerranéenne d’investissement et de partenariat).
La création décidée en 2002 de FEMIP marque l’intention de réorienter la coopération financière euro méditerranéenne vers le financement du secteur privé : « Comme le soulignent la déclaration de Barcelone et les accords d’association bilatéraux, le développement du secteur privé est un élément clé de la politique euro méditerranéenne de l’UE ».
4. Priorités et développements
Parmi les très nombreux points mis en avant dans la politique de coopération euro méditerranéenne, qui peuvent attirer notre attention, et méritent de faire l’objet d’un suivi et d’une analyse plus approfondie :
• La question des migrations, inscrite dans un programme associant la coopération en matière de justice, police, et migration. Les ministres des AE « reconnaissent l’importance de la coopération dans les domaines clefs du fonctionnement de la justice, des migrations, et de la lutte contre les menaces majeures de la drogue, du terrorisme et du crime organisé ». Ils évoquent l’importance d’« une approche intégrée de la migration » et d’un « intérêt commun à combattre la migration illégale » (sic) [5]. Ils réaffirment leur engagement à conclure des accords de réadmission. Un des enjeux des relations avec la Libye est clairement celui des migrations.
• La promotion de l’intégration sud-sud a débouché sur la signature en mars 2003 de l’accord dit d’Agadir entre le Maroc, la Tunisie l’Égypte, la Jordanie, « avancée majeure dans le domaine de l’intégration sud-sud. Les autres partenaires sont invités à s’y associer. Le secrétariat de l’accord est basé à Amman, 4 millions d’Euros ont été débloqués pour le soutenir [6]. Dans le même esprit sont encouragés les accords bilatéraux de libre-échange : un accord entre le Maroc et la Turquie a déjà été signé.
N’est toutefois jamais évoqué la « zone de libre-échange arabe », qui est officiellement entrée en vigueur au 1e janvier 2005 et qui concerne tous les pays de la Ligue arabe [7] : est-ce une tentative de projet sud-sud autonome du type Mercosur ? Les pays arabes ne sont pas ceux de l’Amérique du sud.
• L’encouragement du « processus de modernisation et de réforme » se poursuit de toutes sortes de manières. La libéralisation des services est à l’ordre du jour [8].Mais la question du coût social préoccupe les Européens ( !) et une conférence s’est tenue à Marrakech sur « La gestion des conséquences de la réforme économique », qui a toutefois conclu que « s’il y a toujours un coût social aux réformes, la non application a un coût social encore plus grand sur le long terme » [9]
• Un nouvel intérêt pour le Moyen-orient, au delà de la Méditerranée au sens strict ?
Est-ce une réaction au projet de Grand Moyen-Orient ? En juin 2004 est publié un rapport sur le « Partenariat stratégique entre l’UE et la région Méditerranéenne ainsi que le Moyen-Orient » [10] qui parle de développer les relations avec le monde arabe », évoque la coopération avec le Conseil de Coopération du Golfe (qui rassemble l’Arabie Saoudite et les petits états du Golfe), l’Iran et le Yemen, s’inscrit dans une coopération étroite avec l’ONU, en cohérence avec l’initiative du G8 en faveur du Grand Moyen-Orient.
L’objectif du Partenariat stratégique est « de maintenir des relations étroites fondées sur la coopération et répondant dans la mesure du possible aux demandes émanant de la région méditerranéenne et du Moyen-Orient.
Parmi les orientations, est mentionnée l’idée de consultations plus étroites et plus fréquentes avec la Ligue arabe. Il est question aussi d’un accord de libre-échange entre l’UE et le CCG.
• Le projet d’Assemblée Parlementaire euro méditerranéenne dont la session inaugurale s’est tenue à Athènes et la seconde devrait se tenir... au Caire en 2005 :
“In March 2004, the Euro-Mediterranean Parliamentary Assembly held its inaugural session in Athens, a landmark in joint efforts to promote inter-parliamentary exchanges as a vehicle to foster pluralistic democracy as well as making an additional contribution to the overall implementation of the partnership. Ministers looked forward to the second meeting of the Euro-Mediterranean Parliamentary Assembly to be held in Cairo in 2005.”
[11]
La cerise sur le gâteau de la promotion de la démocratie : ne pas être dupe sans doute, mais prendre tout de même au sérieux en tant que fantastique mode de légitimation.
• Même remarque à propos du Forum civil et du « dialogue des cultures ».
N.B. Mais ces dimensions, qui font la spécificité du PEM, ne sont pas à négliger pour trois raisons :
– elles font partie intégrante de l’opération de séduction de l’Europe à l’égard des pays du sud (et de leurs sociétés civiles et leurs intellectuels)
– elles sont peut-être à comprendre comme reprenant le vieux flambeau du rôle « civilisateur » de la France, qui passe par l’école et la diffusion de la culture et des valeurs
– elles peuvent être, au moins en partie, « récupérées », investies, par les sociétés civiles et les mouvements sociaux.
5. Le Forum civil méditerranéen et le dialogue des cultures
Le Processus de Barcelone encourage le développement et la participation de la « société civile ». Dans cet esprit, la commission européenne soutient et finance largement la tenue de « Forums civils ».Neuf Forums se sont réunis entre 1995 et 2003, le plus souvent en parallèle de la tenue des sommets ministériels (Barcelone 1995, Malte 1997, Stuttgart 1999, Marseille 2000, Bruxelles 2001, Valence 2002, Naples 2003), parfois en dehors (Naples dec 2007, Chania mai 2003).
Ces Forums, largement soutenus et financés par l’UE sont dans une large mesure prisonniers de l’ « agenda » du partenariat, dans la mesure où ils s’inscrivent inévitablement dans le cadre politique défini par l’UE, qui attend des organisations concernées qu’elles contribuent à la mise en œuvre de ses programmes actions (donc les cautionnent).
Pour autant, celles-ci ne sont en aucun cas des marionnettes, et de fait, au fil des forums, des insatisfactions et des critiques de plus en plus nombreuses se sont exprimées sur la fonction et l’impact des forums civils, et plus largement sur les conditions de mise en œuvre du PEM.
Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie avec la formalisation et l’institutionnalisation d’une « Plateforme des ONG Euro méditerranéennes », mise en place lors d’une « rencontre élargie » à Chypre en juin 2004. Cette plate-forme s’est fait largement l’écho des critiques signalées plus haut, et a publié une charte, qui pérennise son existence et se donne pour objectif de renforcer le poids de la société civile et son implication dans le processus de Barcelone.
Le prochain Forum civil est prévu en mars 2005, en même temps que la conférence ministérielle.
• La création de la Fondation Anna Lindt pour le dialogue des cultures
Cette fondation a été créée fin 2003 pour promouvoir le dialogue entre les cultures et contribuer à la visibilité du processus de Barcelone à travers les échanges intellectuels, culturels et de la société civile...
Il faudra voir de quel budget elle disposera, pour faire quoi, et qui va s’en saisir.
Calendrier des évènements en 2005 :
1-3 avril | Forum Civil Euro Méditerranéen | Luxembourg |
30-31 mai | 7e Conférence des Ministres des Affaires Etrangères | Luxembourg |
novembre | 10e anniversaire de la Déclaration de Barcelone | Barcelone |
6. Le cas particulier des accords avec Israël et la Palestine
* L’accord d’association avec Israël,
– contient les deux mêmes articles que l’on trouve dans tous les accords, cités plus haut, qui auraient dû depuis longtemps entraîner leur suspension. L’exportation par Israël des produits des colonies est une infraction caractérisée de l’accord. Le parlement européen a logiquement voté au printemps 2003 en faveur de la suspension de l’accord, tant qu’Israël ne respecterait pas le principe des « règles d’origine ». La commission n’en a jamais tenu compte, se contentant d’exprimer sa préoccupation.
– De part son développement économique, Israel bénéficie d’un statut spécial reflétant « une vision commune de la société basée sur les mêmes valeurs de démocratie, de respect des droits de l’homme et des principes de l’économie de marché ».
En juin 2000, David Levy, Ministre des affaires étrangères d’Israël déclare : « Israël, qui est sur le plan scientifique et technologique rattaché à l’occident et sur le plan géographique au Moyen-Orient, a la capacité de jouer un rôle unique de rapprochement entre ces deux mondes. Ce rapprochement aidera au développement économique chez les partenaires du Moyen-Orient, ainsi qu’à leur intégration rapide dans l’économie européenne et mondiale » (!) [12]
* L’accord avec l’Autorité palestinienne, est en fait un « accord intérimaire relatif aux échanges et à la coopération entre la communauté européenne et l’OLP¨, agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne... »
L’objectif est comme pour les autres accords de « créer les conditions d’une libéralisation progressive des échanges », d’établir une zone de libre-échange... « conformément aux dispositions du GATT... »
Quand bien même la situation ne le rendrait pas inapplicable, en prévoyant l’établissement du libre-échange, non seulement il interdit toute possibilité de construction d’une économie indépendante, mais il prépare le terrain à la ruée des entreprises européennes dès que la situation le permettra.
L’objectif du Partenariat était de réaliser une zone de paix, de sécurité et de prospérité partagée. L’aggravation de la situation en Palestine est une des difficultés majeures auxquelles est confrontée l’UE, qui manifeste régulièrement sa « préoccupation » - et demande des « signes positifs de la part d’Israël et de l’Autorité palestinienne »
Le 5 novembre 2004, le Conseil Européen déclare :
« Le Conseil européen exprime sa solidarité envers le peuple palestinien en ce moment difficile. Il encourage les dirigeants palestiniens à faire preuve d’un grand sens des responsabilités en veillant au bon fonctionnement des institutions palestiniennes. Le Conseil européen estime qu’il est essentiel que des dirigeants légitimes continuent de progresser résolument sur la voie de la paix au Moyen-Orient ».
... Le conseil rappelle son engagement en faveur d’une solution fondée sur la coexistence de deux États, conforme à ce que prévoit la feuille de route,
... soutient le processus électoral dans les territoires palestiniens et engage l’Autorité palestinienne à organiser les élections d’une manière conforme aux normes internationales sous l’autorité d’une commission électorale indépendante, et invite Israël à en faciliter le déroulement.
A La Haye, les ministres se félicitaient de la coopération entre l’Autorité palestinienne et Israël dans le domaine de l’énergie...
Rien sur la « clôture », rien sur la colonisation, rien sur les destructions (qui font pourtant perdre beaucoup d’argent à l’UE)...
7. Annexe
A. Calendrier de la signature et de la ratification des accords d’association
Pays | Date de conclusion des négociations | Date de signature | Date d’entrée en vigueur |
---|---|---|---|
Tunisie | 01/06/1995 | 01/07/1995 | 01/03/1998 |
Israël | 01/09/1995 | 20/11/1995 | 23/06/2000 |
Maroc | 01/11/1995 | 26/02/1996 | 01/03/2000 |
Autorité Palestinienne | 01/12/1996 | 24/2/1997 | 01/07/1997 |
Jordanie | 01/04/1997 | 24/11/1997 | 01/05/2002 |
Égypte | 01/06/1999 | 25/06/2001 | 01/06/2004 |
Algérie | 01/12/2001 | 01/04/2002 | Non précisé |
Liban | 01/01/2002 | 17/06/2002 | Prévue mi 2005 |
Syrie | 19/10/2004 | . | . |
B. MEDA II : les réalisations financières
MEDA II | 2000-2003 | CREDITS ENGAGES | - M€ | |
---|---|---|---|---|
TOTAL | . | 2 383,8 | . | . |
BILATÉRAL | . | 1 793,8 | . | 75% |
MAROC | 525,3 | . | 29% | . |
ALGÉRIE | 181,8 | . | 10% | . |
TUNISIE | 306,6 | . | 17% | . |
ÉGYPTE | 194,5 | . | 11% | . |
TERRITOIRES PALESTINIENS | 277,8 | . | 15% | . |
JORDANIE | 169,4 | . | 9% | . |
LIBAN | 55,7 | . | 3% | . |
SYRIE | 82,7 | . | 5% | . |
RÉGIONAL/MULTILATÉRAL | . | 590,0 | . | 25% |
Sur la période 2000-2003 couverte par MEDA II, le Maroc est de loin le principal “bénéficiaire“ du dispositif, - devant la Tunisie et les Territoires Palestiniens.
Si l’on tient compte de la population, la Jordanie, 6 fois moins peuplée que le Maroc, est aussi un destinataire privilégié de l’aide.
B. Extrait des conclusions de la récente rencontre ministérielle de la Haye
EUROMED REPORT
Produced by the European Commission
n° 84, 30 November 2004
PRESIDENCY CONCLUSIONS FOR THE EURO-MEDITERRANEAN MEETING
OF MINISTERS OF FOREIGN AFFAIRS
(THE HAGUE, 29-30 NOVEMBER)
Introduction
1. The Euro-Mediterranean Meeting of Foreign Ministers in The Hague, 29-30 November, took place at a time of increasing engagement between the EU and the Mediterranean partners. Ministers confirmed that the Barcelona Process, enhanced by the European Neighbourhood Policy, is the main initiative for the Mediterranean in which the EU and the Mediterranean partners jointly participate. The Barcelona Process, enhanced by the European Neighbourhood Policy, is the central instrument for partnership and dialogue for the Mediterranean, which in its turn, will lead to achieving the objectives of the political, social and economic reforms generated from within the societies concerned as also stated in the EU Strategic Partnership with the Mediterranean and the Middle East. The meeting in The Hague was the second Ministerial Meeting between Barcelona VI (Naples) and Barcelona VII (Luxembourg), which underlines the importance given to the Partnership by its Members. It not only conducted the traditional stocktaking of progress, but additionally launched the preparation of the tenth anniversary, which falls in November 2005. In that context, Ministers agreed that a comprehensive review of the process should be put in hand to be submitted to Ministers at Luxembourg for approval, which should provide basis for decisions on the future of the process. In this context Ministers decided that 2005 will be the Year of the Mediterranean.
2. The meeting has sent a strong message of the shared commitment of Europe and the Mediterranean partners to the Barcelona Process, enhanced by the European Neighbourhood Policy, for achieving peace, stability and prosperity in the Euro-Mediterranean neighbourhood. It reiterated that within this partnership the EU will give further focussed support to reform undertaken by partners according to agreed priorities and based on shared values as endorsed by the Barcelona Declaration. Ministers welcomed the Arab League Tunis Declaration on Reform and Modernisation as the Arab Mediterranean Partners’ guiding framework for their cooperation with international partners. In this context, Ministers welcomed the EU willingness to support indigenous programmes for development and reform emanating from within the countries of the Mediterranean....
****
Free Trade Area
23. A successful Euro-Mediterranean Trade Ministerial was held in Istanbul on the 21st of July 2004. On economic issues the first priority is to take further steps towards the creation of the Euro-Mediterranean Free Trade Area by the target date of 2010. Ministers took note that substantial progress has been made on free trade. The network of bilateral EU/Mediterranean partner arrangements has been reinforced by the entry into force of the agreements with Jordan and Egypt and of the interim agreement with Lebanon. The Agadir Agreement between Jordan, Egypt, Tunisia and Morocco has opened new perspectives of integration among southern Mediterranean partners. The Agadir Agreement should enter into force in 2005 with technical assistance from MEDA to its Secretariat in Amman. Agadir represents a promising experience that should be pursued and followed by other partners. The Agadir Process should be extended to other Arab Mediterranean partners, without prejudice to their continuing to establish free trade with other partners, as Ministers noted. The upgrading of the bilateral trade agreements between Jordan and Israel for further liberalisation allowing for further diagonal cumulation of origin is a significant contribution. A significant contribution is also made by Morocco, the PLO and Tunisia through the conclusion of free trade agreements with Turkey ; more countries should express their willingness to conclude free trade agreements with Turkey. Ministers welcomed the agreement reached at Palermo that the pan-Euro-Mediterranean Protocol on cumulation of origin should be adopted in the framework of Association Agreements. Ministers promoted the use of the new framework protocol for the liberalisation of services that can constitute an appropriate basis for future negotiations between the EU and Mediterranean partners. The strategy for accelerating the liberalisation of trade in agriculture has begun to be addressed through a meeting at senior expert level, with a view to Ministers agreeing later on measures for reciprocal agricultural trade liberalisation within a package - containing a specific roadmap - including trade in processed agricultural products and non-trade aspects (rural development, etc.). Furthermore, in line with the European Neighbourhood Action Plans, harmonisation with the EU Single Market should be developed in priority sectors such as customs, environment, industrial standards, health, veterinary and phyto-sanitary regulations. A Ministerial Meeting on textiles was held in Tunis on the 28th of September.
24. ...
25. Free trade needs to be accompanied by regional economic integration. Further steps should be taken towards infrastructure development including interconnection in transport and energy : the new MEDA Neighbourhood Programme for 2005-2006 allocates a considerable share of its € 45 million to promote inter-connections and investments in these two sectors and the European Neighbourhood Action Plans incorporate measures to promote further integration. The development of a regional gas market in the Mashraq region and a regional electricity market in the Maghreb region, with their eventual integration with that of the EU, as well as the development of joint initiatives between Israel and the Palestinian Authority in the energy sector, should continue to be promoted....
Notes
1. Euromed Report 85, dec 2004.
2. R. Weber, directeur de la zone Méditerranée Sud au sein de l’office de coopération, Dossier spécial Euromed, 18 oct 2004.
3. Voir Europe and the Mediterranea : towards a closer partnership : An overview of the Barcelona process in 2002, European Commission, march 2003.
4. Règlement MEDA, Annexe II, point 1
5. Euromed report 84, 30 nov 2004, point 31
6. Euromed Report 76+, 4 juin 2004, point 41
7. http://www.arabicnews.com/ansub/Daily/Day/050101/2005010108.html :
« Greater free Arab trade zone in effect as of today », Regional, Economics, 1/1/2005
8. Euromed Report 76+, 4 juin 2004, point 44
9. Euromed report 84, 30 nov 2004, point 21
10. Euromed Report n°78, 23 juin 2004
11. Euromed report 84, 30 nov 2004, point 40
12. Dossier spécial Euromed, n°15, 18 juillet 2000