TOKYO CORRESPONDANT
A quelques semaines d’élections législatives qui prennent la tournure d’un référendum sur la capacité des libéraux démocrates, au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle, à continuer de gouverner le Japon, leur parti (le PLD) est secoué d’âpres luttes internes. Un mouvement se renforce visant à contraindre le premier ministre, Taro Aso, à démissionner dans l’espoir qu’une personnalité moins impopulaire à la tête de la majorité évitera qu’une défaite annoncée ne tourne à la déroute.
A en croire les analystes et les sondages, le PLD risque de perdre ces élections, prévues pour le 30 août, et de devoir céder le pouvoir à la principale formation d’opposition, le Parti démocrate du Japon (PDJ). A l’exception de quelques mois en 1993-1994, à la suite d’une scission interne, le PLD a gouverné sans interruption depuis sa fondation en 1955. C’est la première fois qu’il est aussi gravement menacé de perdre le pouvoir.
Taro Aso entend dissoudre la chambre basse le 21 juillet. Mais ses adversaires ont lancé, le 15 juillet, une campagne de signatures en vue de convoquer avant cette date un Congrès extraordinaire des parlementaires libéraux démocrates, destiné à réviser les règlements internes d’élection du président. L’objectif est de pouvoir destituer Taro Aso qui occupe actuellement ces fonctions.
Le mouvement « anti-Aso » est mené par des poids lourds du PLD dont l’ancien secrétaire général Hidenao Nakagawa. Le pondéré Kaoru Yosano, ministre des finances, aurait aussi incité M. Aso à se retirer. Ce dernier résiste. Pour lui, le rejet, le 14 juillet, par les députés libéraux démocrates, d’une motion de censure de l’opposition équivaut à un nouveau mandat.
Cette fronde au sein du PLD accentue la confusion sur la scène politique. Serrant les rangs, le PLD a certes rejeté la motion de censure à la chambre basse. Mais la chambre haute, passée à l’opposition en 2007, a voté elle une motion de défiance - moins contraignante qu’une motion de censure qui oblige le cabinet à se démettre si elle est adoptée. Depuis, le PDJ boycotte les débats parlementaires, paralysant les processus législatifs.
Face a une opposition qui a le vent en poupe et remporte depuis décembre la plupart des élections locales, les députés de la majorité sont en plein désarroi. La défaite du PLD dans les élections du conseil général de Tokyo, le 12 juillet, n’a fait qu’aviver les critiques à l’encontre de Taro Aso.
Ce dernier, en chute libre dans les sondages, a perdu le contrôle de son parti. Il aurait voulu des élections immédiates, mais il a dû capituler devant les exigences des caciques du PLD qui espèrent éviter le pire en retardant le plus possible une échéance électorale incontournable (en raison de l’expiration du mandat des députés en septembre). Et il s’est vu imposer la date du 30 août. Convoquer des élections immédiatement aurait été pour Taro Aso un moyen de périr honorablement.
Narquois et mordant, se donnant des airs de fils de famille qui a mal tourné, Taro Aso, héritier de l’une des grandes dynasties politiques de l’après-guerre, a d’abord fait sourire. Puis il a lassé. Et enfin il a agacé par ses gaffes et volte-face. Il n’entend pas démissionner et une partie des libéraux démocrates, sans le soutenir, estiment que ce serait une erreur tactique de changer de cheval au milieu du gué. M. Aso bénéficie toutefois d’un atout. Il n’y a pas de prétendant à la fois fort dans le parti et suffisamment médiatique pour le remplacer à la tête du PLD.