Après les blocages des centrales d’achats de la grande distribution un peu partout en France ces derniers jours, quelques 2000 agriculteurs, en provenance de France, de Belgique et d’Allemagne ont manifesté à Bruxelles le 17 juin dernier pour réclamer auprès des dirigeants européens des solutions concrètes à la crise du lait. Confrontés à une chute brutale des prix, ils réclament une baisse des quotas et un prix du lait à 400 euros la tonne, contre 200 euros actuellement. Selon un projet de texte, les dirigeants européens devraient réclamer ce vendredi à la Commission européenne de proposer d’ici septembre des « formules pour stabiliser » les prix du lait.
Tout comme les propositions de transparence sur les prix et les marges obtenues par la FNSEA auprès du gouvernement français le matin même, ces propositions se limitent à de bonnes intentions sans lendemains quant à la remise en cause de ces marges et à une juste répartition du profit tout au long de la filière, ni à la juste rémunération du travail des paysans. Avec des niveaux de prix qui ne garantissent même pas un revenu au dessus du seuil de pauvreté, des cessations d’activité et une restructuration terrible s’annoncent, avec toutes les conséquences négatives qu’un agrandissement des structures restantes pourra avoir sur les conditions de travail des paysans, la vie dans les campagnes, l’intensification des productions fourragères, le zéro pâturage et les problèmes de pollution de l’eau et d’émissions de gaz à effets de serre qui en découlent.
Une grève du lait unitaire dans toute l’Europe pourrait être aujourd’hui un des moyens de faire échec à ces politiques libérales. Le puissant syndicat allemand BVD, qui l’avait expérimentée l’an passé avec succès, menace de recourir à cette ultime solution à nouveau, si les revendications des producteurs n’aboutissent pas.
* Mise en ligne sur le site du NPA.
Crise du lait : le prix de la dérégulation
Entre 260 et 280 euros la tonne, c’est le prix autour duquel les producteurs laitiers et les industriels sont tombés d’accord. Largement insuffisant.
Jean-FrançoisL’accord honteux a été signé sous la pression du gouvernement et du ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, candidat aux élections européennes, à un niveau bien inférieur à celui réclamé initialement par les éleveurs, qui ont multiplié des manifestations un peu partout en France. C’est un prix véritablement insoutenable pour les éleveurs de plaine en filière industrielle, dont les coûts de production, hors rémunération du travail, s’élèvent aujourd’hui, au mieux, à 330 euros la tonne. Même avec les revenus complémentaires de la viande et les aides, un prix de 220 euros annule toute rémunération du travail. Avec 260 à 280 euros, le niveau de revenu risque de descendre en dessous des 1000 euros par mois pour la majorité des éleveurs. Dans les zones plus difficiles, comme le massif Central, où les coûts de fonctionnement sont plus importants du fait des conditions d’exploitation difficiles de la montagne et d’une moindre productivité du travail, le revenu risque de chuter à moins de 500 euros par mois. Pourtant, le consommateur paie son litre de lait aussi cher qu’en 2008. Sur les sites Internet d’Auchan, Carrefour et Intermarché, le litre de lait « marque de distributeur » coûte entre 700 et 1005 euros la tonne ! L’opacité la plus totale règne sur les marges des transformateurs et des distributeurs, pour le plus grand malheur des producteurs et des consommateurs.
Cette situation catastrophique résulte des politiques libérales mondiales, européennes et nationales, avec la conjonction entre la surproduction causée principalement par les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande et la suppression progressive de tous les mécanismes de régulation et de protection des marchés. Avec la crise économique et financière et l’augmentation de la précarité partout dans le monde, la situation s’annonce morose à court terme. Ce phénomène pourrait accélérer la diminution du nombre d’éleveurs en France. Les prévisions étaient pourtant déjà alarmistes (30000 fermes en 2035 contre un peu moins de 90000 aujourd’hui). Entre 2000 et 2005, 36000 paysans ont jeté l’éponge.
Une réorientation est nécessaire et des mesures d’urgence sont à adopter : maintien du régime des quotas ; plafonnement des volumes autorisés par actif, en les ajustant à la demande et arrêt des exportations européennes en parallèle ; intervention de l’Etat dans la répartition des marges et la fixation du prix payé aux producteurs, en tenant compte des coûts de production ; restauration de barrières douanières et de taxes à l’entrée de l’Europe pour empêcher l’entrée des produits soumis aux dumpings social et environnemental ; taxation des transactions financières et lutte contre la spéculation sur les matières premières. Mais, pour en arriver là, deux préalables sont nécessaires : la suppression du principe de « concurrence libre et non faussée » de l’Union européenne et la sortie de l’agriculture des négociations de l’OMC.
La commission « Pêche et agriculture » du NPA.
* Paru dans « Tout est à nous » n°12 du 11 juin 2009.
Crise du lait
Quelque 2000 agriculteurs français, belges et allemands, ont manifesté à Bruxelles, mercredi 17 juin, pour résoudre la crise du lait.
Confrontés à une chute brutale des prix, ils réclament une baisse des quotas et un prix du lait à 400 euros la tonne, contre 200 actuellement.
Selon un projet de texte, les dirigeants européens devraient réclamer à la Commission européenne de proposer, d’ici septembre, des « formules pour stabiliser » les prix. Tout comme les propositions de transparence sur les prix et les marges obtenues par la FNSEA auprès du gouvernement français, ces propositions se limitent à de bonnes intentions sans lendemains quant à la remise en cause des marges de la grande distribution et à la juste rémunération du travail des paysans.
Seule une grève du lait unitaire dans toute l’Europe semble être aujourd’hui le moyen de faire échec à ces politiques libérales. Le puissant syndicat allemand BVD, qui l’avait expérimentée l’an passé avec succès, menace de nouveau de recourir à cette ultime solution, si les revendications des producteurs n’aboutissent pas.
Mardi 23 juin 2009
Soupe au lait
30% de baisse du prix du lait payé aux producteurs en l’espace de trois mois, soit 20000 euros de perte nette de revenu par travailleur en moyenne par rapport à la décennie précédente, si ce niveau se maintient sur l’ensemble de la campagne 2009-2010 !
C’est la conjonction des mêmes éléments incontrôlés qui a provoqué la disparition de 130000 fermes depuis 1991 ! Cette fois, les effets se retrouvent décuplés par l’indexation du prix payé aux producteurs sur les cours mondiaux du beurre et de la poudre de lait. Dans une conjoncture internationale de surproduction, de dégonflement de la bulle spéculative des matières premières et de ralentissement de la consommation, cette mesure très libérale, encouragée par le Parti populaire européen, que rejoindra sans doute Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et candidat UMP en Ile-de-France, est un véritable coup de grâce pour les petits producteurs. Combien seront-ils, après cette lame de fond, à ne pas se relever ? Combien en profiteront pour s’agrandir, et substituer la chimie et le machinisme au travail pour augmenter leur productivité et rester « compétitifs » par rapport au reste du monde ?
Ce véritable saccage social et environnemental est inacceptable et les producteurs de lait n’ont pas à payer cette crise. Il faut plus que jamais changer de PAC, pour changer de cap, aller dans le sens de la souveraineté alimentaire pour tous les peuples de la planète ; de la planification démocratique et de la décroissance des volumes de production pour l’ajustement à la demande intérieure ; du contrôle des marges de la grande distribution et des industriels ; et de la protection contre toutes les formes de spéculation et de dumping social et environnemental.
Nous n’avons pas besoin d’agrimanagers, d’OGM ni de technologies de pointe pour résoudre le problème de la faim dans le monde, mais de paysans travaillant la terre sur des structures à taille humaine et ayant le temps de pratiquer une agriculture respectueuse de l’eau, de l’air, de la biodiversité et des paysages.
La commission « Agriculture » du NPA
* Paru en éditorial dans « Tout est à nous » n°10 du 28 mai 2009.