Il s’agit d’un retour aux pages les plus sombres du 20e siècle, où le Honduras avait subi plusieurs dictatures, entrecoupées d’intermèdes démocratiques : ainsi, en 1963, l’armée avait renversé le président Ramon Villeda, auteur d’une réforme agraire (pourtant inspirée de l’« Alliance pour le progrès », mise en place par les USA pour contrer l’influence de la révolution cubaine).
Aujourd’hui, les USA disposent d’une importante base, à Palmerola. Si le Honduras n’a pas connu de conflit armé interne, il a cependant été impliqué dans les guerres d’Amérique centrale des années 80 : de 1980 à 1989, il a abrité les « contras » en lutte contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua. Les armées hondurienne et salvadorienne ont aussi coopéré pour lutter contre la guérilla du FMLN. Des dizaines de militant·e·s de gauche, syndicalistes et dirigeants paysans ont été assassinés par des « escadrons de la mort », et 184 disparitions restent non élucidées. Récemment encore, un syndicaliste a été abattu, alors qu’il venait de s’exprimer à la radio en faveur d’une Assemblée constituante.
Un libéral trop à gauche…
Elu président en 2006, Manuel Zelaya avait fait adhérer son pays à l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples d’Amérique). Cette politique insolite pour un libéral issu de l’oligarchie lui a valu l’animosité des classes dominantes et de l’administration Bush.
« J’ai pensé faire les changements à l’intérieur du système néolibéral lui-même. Mais les riches ne veulent pas céder un kopek. (…) Ils veulent tout pour eux. Alors, logiquement pour faire des changements, il faut incorporer le peuple » (Manuel Zelaya, cité par El Pais). Une opinion partagée par le syndicaliste Carlos H. Reyes : « Avant 1970, l’Etat recevait 25 % du PIB sous forme de revenus fiscaux et aujourd’hui seulement 14 %. Une Constitution qui détermine une politique fiscale redistributive des revenus est un autre sujet de préoccupation pour les patrons. Ils ne veulent même pas en entendre parler. Ils ne veulent pas perdre le moindre de leurs privilèges, alors que 80 % de la population vit dans la pauvreté » [1].
Désinformation massive
Nous sommes confrontés aujourd’hui – notamment de la part du Monde, de Libération et d’El Pais – à une importante campagne de désinformation [2]. On nous dit que le scrutin du 28 juin aurait porté sur la réélection de Zelaya. Or, la question exacte était la suivante : « Etes-vous d’accord pour que, lors des élections générales de novembre 2009, soit installée une quatrième urne pour décider de la convocation d’une Assemblée nationale constituante destinée à élaborer une nouvelle Constitution politique ? ».
Les putschistes ont fait brouiller plusieurs radios honduriennes, ainsi que Telesur (chaîne de TV latino-américaine). Mais ce blocus de l’information n’a pas empêché la résistance populaire de se manifester durant toute la semaine écoulée à Tegucigalpa et dans le reste du pays. Le 5 juillet, des dizaines de milliers de Honduriens – 40 000 selon la presse officielle, 250 000 selon Tele-sur – manifestaient à l’aéroport de Tegucigalpa, pour accueillir Manuel Zelaya (dont l’avion a été finalement empêché d’atterrir). Fidèle à sa tradition répressive, l’armée a ouvert le feu, faisant au moins deux morts et plusieurs dizaines de blessés. Pourtant, une nouvelle manifestation s’est déroulée le 6 juillet dans la capitale [3].
Putschistes isolés, mais déterminés
Sur le plan international, le régime de Roberto Micheletti (promptement rebaptisé « Goriletti » par plusieurs sites militants) est isolé. L’Organisation des Etats américains (OEA) a exclu le Honduras de ses rangs ; l’Union européenne a retiré ses diplomates ; l’ONU se prononce pour le retour du président légalement élu. Un bilan positif à première vue, par rapport aux coups d’Etat des années 1960 et 1970. Or, la situation actuelle présente plusieurs inconnues :
1) La discrétion des USA (dont on peut douter qu’ils aient ignoré les préparatifs du putsch, vu les contacts prolongés, depuis des décennies, entre militaires US et honduriens) : s’il ne reconnaît pas le régime actuel, le président Barak Hussein Obama demande « un dialogue entre toutes les parties pour une issue pacifique » : en clair, un marchandage qui impliquerait le retour de Zelaya contre la renonciation au processus constituant.
2) Jusqu’où les putschistes sont-ils prêts à aller ? Contrairement au Venezuela, en avril 2002, il n’y a pas de fracture au sein de l’armée hondurienne. Les putschistes peuvent donc jouer sur la répression et sur le temps, jusqu’aux élections de novembre 2009. A ce moment-là, la situation institutionnelle redeviendrait « normale » avec un nouveau président, donnant un coup de barre « droite toute ! », au plus grand bonheur des classes dominantes.
3) Troisième inconnue, décisive : la résistance des organisations populaires du Honduras, auxquelles nous devons apporter notre solidarité active.