TEGUCIGALPA, 27 août (IPS) - Le Honduras a adhéré à l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) malgré les critiques du monde des affaires et des politiciens de droite. Le président du Honduras Manuel Zelaya, qui a pris ses fonctions en 2006, et le président vénézuélien Hugo Chávez ont signé le document d’adhésion ce lundi 25 août en présence des présidents Evo Morales de Bolivie et de Daniel Ortega du Nicaragua et du vice-président cubain Carlos Lage.
L’ALBA compte maintenant six membres - Bolivie, Cuba, Dominique, Honduras, Nicaragua et Venezuela et est une initiative du président Chávez visant à contrecarrer les États-Unis dans leur projet de création d’une zone de libre-échange des Amériques (FTAA en anglais pour Free Trade Area of the Americas), un projet totalement mort aujourd’hui.
L’ALBA a été lancé lors du Sommet des Peuples qui s’est tenue parallèlement à la réunion officielle des chefs d’Etat lors du quatrième Sommet des Amériques à Mar del Plata (Argentine) en 2005. Elle se présente comme une alternative au modèle néo-libérale de libre marché et se veut l’expression de la coopération, de la solidarité et de la complémentarité engagées dans la lutte contre la pauvreté, l’inégalité entre les personnes et l’inégalité des termes de l’échange, d’après le texte fondateur.
Chávez a souligné le courage du président Zelaya car « en dépit de la diabolisation de l’ALBA, il n’a pas hésité à se joindre à ce projet d’intégration de l’Amérique latine basé sur la réflexion et l’esprit de nos héros avant tout. » « Aujourd’hui, nous ne signons pas seulement un pacte de solidarité entre frères, mais aussi un projet d’intégration pour l’Amérique latine qui se démarque comme une alternative à l’hégémonie impériale et vise à intégrer progressivement les gouvernements qui proposent une solution pour sortir de l’oppression impérialiste », a déclaré Chávez.
L’adhésion du Honduras à l’ALBA est "un acte de liberté, parce que nous sommes libres et nous sommes un peuple souverain », a déclaré M. Zelaya. « Il s’agit d’un acte héroïque d’indépendance et nous n’avons pas besoin de permission pour signer un tel engagement. Aujourd’hui, nous faisons un pas de plus vers un gouvernement de centre-gauche, et si quelqu’un n’aime pas cela, qu’il supprime tout simplement le mot ’centre’ pour s’en tenir au second terme. »
Parmi les avantages de l’adhésion à l’ALBA, il existe des projets visant à améliorer la santé, la nutrition, l’éducation et la culture donc « merci, Monsieur le président Chávez, pour nous ouvrir ces chemins vers la liberté pour les Latino-Américains, parce que nous ne sommes pas nés ni pour être des esclaves, ni pour avoir des maîtres », a déclaré le président Zelaya. « Quand je me suis entretenu avec [le président américain] George W. Bush, nul ne m’a appelé un anti-impérialiste et le monde des affaires m’a même applaudi. Maintenant que je suis en réunion avec les peuples pauvres du monde, ils me critiquent. J’espère qu’ils rétracteront leurs déclarations durant les prochaines heures. Qui a dit qu’ils avaient un droit absolu à la privatisation ? Je les invite à participer au dialogue et à signer un véritable pacte national avec une vision pour le pays », a déclaré M. Zelaya. Aucun des présidents n’a évoqué la signification et la portée concrète de l’ALBA.
Les plans d’adhésion du Honduras à l’ALBA a déclenché des affrontements durs entre la gauche et la droite dans ce pays d’Amérique centrale au cours des deux dernières semaines, le tout se terminant par le retrait des représentants du secteur privé de toutes les instances officielles, y compris de la cérémonie de signature de ce lundi, au motif que le nouvel accord nuit à la libre entreprise et met en danger l’Accord de libre-échange de l’Amérique centrale (CAFTA en anglais pour Central American Free Trade Agreement) avec les États-Unis.
La parole du monde des affaires a été dictée l’aile la plus conservatrice du monde politique en Honduras parmi laquelle l’ancien président Ricardo Maduro (2002-2006) était l’un des principaux porte-paroles. « L’adhésion à l’ALBA augmentera l’expulsion des migrants du Honduras aux États-Unis », a déclaré Maduro qui a mis en garde le pays afin de « ne pas mordre la main qui vous nourrit » faisant ainsi allusion à Washington. Le Parti libéral au pouvoir a réagi en mobilisant 30.000 personnes pour assister à la cérémonie publique et en offrant même des rétributions aux participants variant entre 5 et 23 dollars (15 euros). La cheffe du Parti libéral Patricia Rodas a justifié ces paiements quatre jours auparavant en déclarant que « si la droite peut financer les pires choses, pourquoi ne pourrions nous pas mobiliser notre peuple ? »
Manque de transparence
Le Forum social non-gouvernemental sur la dette extérieure et le développement du Honduras (FOSDEH) a plaidé pour la transparence dans l’utilisation des ressources que le pays recevra comme membre de l’ALBA, ainsi qu’en ce qui concerne sa portée et ses limites. Le Forum demande aussi l’accès du public à l’information vu que le texte officiel signé ce lundi n’a pas été publié.
Mauricio Díaz, le chef de FOSDEH, a déclaré à IPS que « le contenu financier du pacte d’ALBA est toujours inconnue à ce jour. Personne n’en parle, il n’y a aucune information à ce sujet, seulement quelques déclarations politiques. Mais les gens méritent de savoir ce dans quoi le pays s’engage en termes de dette et de perspectives d’avenir. »
« Le principal objectif de l’adhésion du Honduras à l’ALBA est que le gouvernement a besoin d’argent à court terme mais les besoins du gouvernement coïncident rarement avec les besoins de la population. Cela crée une situation délicate, car en fin de compte c’est le peuple qui paie pour l’inadéquation des dépenses engagées par son gouvernement », estime Mauricio Díaz.
Le manque d’informations a été le principal argument avancé par le Parlement qui a refusé de ratifier l’adhésion du Honduras à l’ALBA, une procédure qui est pourtant requise par la Constitution du pays. Il y a deux semaines, des membres du Parlement ont indiqué qu’un groupe de législateurs aligné au pouvoir exécutif aurait accepté de recevoir environ 52.000 dollars (35.000 euros) en échange du vote pour la ratification de l’adhésion. Cet épisode fut rapidement nommé le scandale des « petrosubsides » en référence à la présumée source d’argent riche en pétrole qu’est le Venezuela.
Le porte-parole du président Enrique Flores a déclaré à IPS qu’"il y a eu beaucoup de spéculations sur l’ALBA, mais la vérité est qu’il s’agit d’une bonne alliance pour le pays. En temps voulu, les mesures de transparence seront dévoilées mais tout ne peut pas se faire en un jour, il est nécessaire d’être patient. »
En janvier de cette année, le Honduras avait déjà rejoint Petrocaribe, une initiative du Venezuela en vertu de laquelle ce pays se voit livré 20.000 barils de brut par jour pendant un an pour faire marcher les centrales thermiques d’électricité à des conditions favorables : 60 % du projet doit être payé dans les 90 jours et le solde des 40 % est étalé sur 25 ans avec une période de grâce de deux ans avec un taux d’intérêt annuel de 1 %. Le Honduras espère ainsi réduire son déficit commercial avec les autres pays membres de l’ALBA. En 2007, il a exporté un total de 110 millions de dollars (75 millions d’euros) de biens et de services vers les pays de l’ALBA pays et en a importé pour près de 170 millions de dollars (116 millions d’euros).
Le pays connaît actuellement de graves difficultés économiques. Le Fonds monétaire international (FMI) a gelé les nouveaux prêts car il estime que le Honduras n’a pas respecté les restrictions financières qui faisaient partie des conditions de prêts du FMI. L’inflation a augmenté et les subventions publiques à plusieurs secteurs aussi. (FIN/IPS/2008)