S’affirmer comme LA force de propositions auprès des décideurs en proposant 160 recommandations pour des changements en profondeur pour l’agriculture : la vieille Société des agriculteurs de France (SAF) vient de rendre la copie de ses travaux.
La Pac 2013 est dans le viseur : « avec la crise globale, l’agriculture va devoir fonctionner différemment mais les fondamentaux demeurent : participer aux équilibres alimentaires mondiaux pour neuf milliards de bouches, avec des agriculteurs compétitifs. »
Parce que les vents sont porteurs, l’emballage environnemental est omniprésent mais la SAF revendique son attachement à la libre entreprise dans une économie de compétition. « Le statut du fermage, le contrôle des structures, sont des entraves au développement économique, à la liberté d’entreprendre, et la dernière loi d’orientation n’a pas atteint ses objectifs avec seulement la création de 300 fonds agricoles et 30 baux cessibles (cf. CS n° 240) ».
Pour résoudre l’impasse du l’accumulation du capital, la SAF suggère une transmission dans le temps, voire une location-gérance seulement prévue dans le cadre du commerce.
Les prélèvements sociaux sont aussi dans le collimateur, avec le souhait de déplafonner le système d’attribution de points retraite « par mesure d’équité » et de limiter l’assiette des prélèvements sociaux à la seule rémunération du travail, en sortant les revenus réinvestis ou non prélevés.
Les modes de production ne sont pas oubliés mais les préconisations sont sidérantes : « la consommation de fertilisants est amenée à augmenter, la concentration des élevages, conséquence de l’abandon des quotas, va continuer : il faut envisager le transfert à grande échelle de fertilisants d’origine agricole par des dispositifs attractifs. » Peut-être un oléoduc à lisier ?
La lutte biologique ne sera utilisée que si on est assuré de son efficacité. En attendant, il faut activer un certain nombre de dérogations pour utiliser les phytosanitaires exclus et l’administration doit se montrer moins frileuse dans les autorisations. Il faudra aussi informer le public sur la fonction utilitaire de ces produits…
Les OGM ne sont pas cités mais « il faut produire à des coûts les plus faibles possibles et les nouvelles technologies sont une réponse à l’optimisation économique. » La reconquête du pouvoir économique figure au catalogue : « il faut regrouper l’offre pour renforcer le pouvoir de négociation, développer les politiques contractuelles avec l’agro-industrie ». Enfin, il faut saisir l’opportunité du moment qui, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, passe par la vente de crédits carbone de gré à gré.
Une toute petite place pour les consommateurs : « en achetant des produits transformés, les clients achètent en réalité du temps », les amaps étant « un signal faible qu’il faut observer. »
Chacun aura compris : la question agricole et alimentaire est trop essentielle pour être confisquée par un lobby professionnel coupable de nous avoir menés dans l’impasse. De véritables états généraux de l’agriculture sont seuls capables d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire.
Christian Boisgontier
Une idéologie et une influence certaines
Simple forum de réflexion, la Société des agriculteurs de France (SAF) se présente comme « l’intelligence rassemblée pour imaginer le futur ». Ses adhérents sont des « chefs d’entreprise agricole et rurale », mais aussi des notaires, des avocats, des agroindustriels…
Créée en 1867 dans le prolongement de l’Académie d’Agriculture, elle ne s’impose aucune règle de pluralisme d’idées : on choisit les experts avec qui on partage l’essentiel.
En 1882, la SAF décerne déjà un prix à l’agriculteur qui a obtenu le prix le moins élevé pour produire un quintal de blé. Aucune dérive idéologique n’a été constatée à ce jour.
Le rapport « 160 recommandations pour une nouvelle orientation de l’agriculture » sur : www.agriculteursdefrance.com
* Article de Campagnes solidaires (septembre 2009) de la Confédération paysanne.
Bilan de santé : derrière les remèdes annoncés ; le goût amer de la purge !
Communiqué de presse - 6 août 2009
Confédération paysanne
Le ministre de l’agriculture Bruno Le Maire vient de notifier à Bruxelles les mesures retenues pour l’application en France du « bilan de santé » de la Politique Agricole Commune.
Après des mois de discussions, les paysans savent aujourd’hui quels remèdes leurs seront appliqués dès 2010.
La Confédération Paysanne salue favorablement l’inflexion pour mieux prendre en compte l’élevage des animaux à l’herbe, avec valorisation des 50 premiers hectares - principe qu’elle a fortement défendu - ainsi que l’aide conséquente aux cultures protéagineuses.
Mais elle s’étonne que l’aide au maintien de l’agriculture biologique ne soit en revanche pas plafonnée par exploitation, ce qui, avec un budget plafonné, risque de nuire au soutien de projets d’installation paysans face à des conversions opportunistes.
Par ailleurs, le Bilan de santé entérine un dispositif pervers : le système assurantiel privé. Financé en partie par l’Etat, et compte tenu du budget alloué, ce dispositif ne concernera au mieux que 45 % des surfaces en grandes cultures et moins encore en productions fruits et légumes et viticulture, des terres dans les régions les plus productives et déjà les mieux loties.
Malgré nos demandes réitérées, le ministère n’a pas répondu à la question du sort réservé aux agriculteurs non-assurés alors que parallèlement, le fond destiné aux calamités et qui s’adressait à tous est supprimé. Mais le plus grave du Bilan de santé est ce dont on ne parle même plus, à savoir l’orientation libérale de la réforme et l’abandon ou l’affaiblissement des outils publics de régulation des marchés (comme la fin des quotas laitiers) voulus par Marian Fisher Boel ! Des choix calamiteux dont on ressent déjà les conséquences dans la fluctuation dramatique des prix et la multiplication des crises !
Alors, face aux crises dévastatrices que traversent de nombreux producteurs et filières, la Commission n’a qu’une réponse : restructurer, c’est-à-dire éliminer chaque jour un peu plus de paysans et d’entreprises en Europe.
A ce niveau, il ne s’agit plus de remède : c’est une purge.
Au nom de la Souveraineté alimentaire de l’Europe, la Confédération Paysanne demande au Ministre et à la future Commission Européenne un changement radical pour une politique agricole européenne ambitieuse et innovante qui crée des emplois, assure un revenu équitable aux paysans, protège l’environnement et permette l’accès à une alimentation saine à tous.
Contact :
Philippe Collin, porte-parole : 06 76 41 07 18
Geneviève Savigny, secrétaire nationale : 06 25 55 16 87