COLLECTIF DE DEFENSE DES TRAVAILLEURS ETRANGERS DANS L’AGRICULTURE
A.S.T.I de Berre, Association de coopération Nafadji Pays d’Arles, Cimade, Comité local ATTAC - Pays salonais, Confédération Paysanne, CREOPS, Droit Paysan 13, Espace-Accueil aux étrangers, Fédération du MRAP 13, FGA CFDT, Forum Civique Européen, FSU 13, Ligue des Droits de l’Homme.
COMMUNIQUÉ
ESCLAVAGE MODERNE
M. Baloua Aït Baloua a été ouvrier saisonnier d’un verger de pommiers à Charleval (13)
pendant 23 ans. Chaque année, il a fourni autant de travail en 8 mois qu’un salarié
ordinaire en année pleine.
Cette « performance » résulte de son asservissement à des conditions d’emploi
moyenâgeuses : des mois de plus de 250 heures, des volumes hebdomadaires de travail
crevant le plafond légal de 48 heures, souvent sans journée de repos hebdomadaire ; tout
cela pour remplir des tâches d’ouvrier hautement qualifié en conservant un statut de
manœuvre payé en dessous du minimum légal.
Après un quart de siècle à travailler comme un serf, près de 6300 heures supplémentaires
ont été effectuées peu ou prou gratuitement par M. Aït Baloua et la rémunération de son
travail a été amputée d’au moins 100 000 euros.
Aucune revendication possible pour ce saisonnier qui venait travailler en France chaque
année - selon la procédure OMI (Office des Migrations Internationales) - aux termes de
contrats passés avec un seul et unique employeur. Celui-ci utilisait la menace de ne pas
les renouveler, afin d’obtenir la soumission totale de ses ouvriers. M. Aït Baloua a décidé
de rompre la loi du silence qui règne dans les exploitations agricoles des Bouches-du-
Rhône.
Le 26 juillet 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France dans
une affaire d’esclavage domestique. Dans son arrêt de principe, les notions d’esclavage et
de servitude ont été évaluées « à la lumière des conditions de vie actuelles, et [du] niveau
d’exigence croissant en matière de protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ».
Tirant les conséquences juridiques de cet arrêt, le CODETRAS soutient M. Aït Baloua dans
sa demande à la Préfecture des Bouches-du-Rhône d’appliquer les instructions données
par le Ministre de l’Intérieur dans une circulaire du 31 octobre 2005, où il « demande de
prêter une attention particulière à toutes les victimes d’esclavage moderne qui sollicitent
une admission au séjour, seules ou soutenues par une association... ».
La situation de M. Aït Baloua a atteint un degré d’exploitation extrême. Toutefois, elle
n’est pas isolée et surtout, elle révèle un phénomène qui touche l’ensemble des
travailleurs saisonniers étrangers sans contrat de travail ni titre de séjour stables : des
infractions graves à la législation du travail, entre exploitation banale et esclavage, qui
aboutissent fréquemment à des formes de travail forcé dans l’agriculture des Bouches-du-
Rhône.
CODETRAS
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