On appelle « savane » le centre de la « zone naturelle » du parc des Beaumonts, à Montreuil (93), c’est-à-dire la friche (au sens noble du terme) qui se trouve à l’intérieur du « chemin de ronde » créé lors de « l’aménagement doux » de 1998.
La savane constitue l’un des plus importants éléments qui assurent au parc des Beaumonts sa richesse biodiversitaire et sa variété paysagère comprenant : friche du talus, mares, boisements en bordure de plateau et sur les coteaux, pelouses… Mais, avec les mares, c’est aussi l’un des plus fragiles. Milieu instable, elle est périodiquement en danger de se dégrader et de perdre ce qui fait son intérêt. Des mesures trop temporaires ont été prises jusqu’à maintenant pour la protéger ; malheureusement, nous atteignons à nouveau un point critique dans son évolution.
Cette note a pour but de présenter à quels choix nous sommes confrontés en matière de protection de la savane, en retraçant (partiellement) à cette fin l’historique des politiques antérieures et en concluant sur quelques propositions. Vu la question traitée, la marie, qui a la responsabilité de la gestion du parc municipal et, en particulier, de sa « zone naturelle », en est évidemment la première destinataire. Mais cette note s’adresse aussi à toutes celles et à tous ceux à qui l’avenir de parc importe.
Importance et fragilité de la savane
La savane (ainsi que la friche qui s’étend plus au nord sur le talus) présente une végétation que l’on trouve rarement dans des parcs urbains, combinant arbustes, buissons et ronciers ; graminées, herbes hautes, courtes ou rases… Elle ne devrait en principe pas contenir d’arbres, ou très peu, et devrait présenter un aspect en « damier » : celui d’un puzzle de niveaux variés de végétation offrant des habitats à des espèces qui ont besoin de terrains dénudés, de prairie ou d’un espace « aéré » mais foisonnant pour nicher ou se nourrir... Comme toute la « zone naturelle », elle doit être traitée sans les intrants chimiques habituels et permettre à une riche population d’insectes et d’araignées de se développer – pour leur propre bien et, aussi, au bénéfice de leurs prédateurs naturels : oiseaux insectivores, petits mammifères (de la chauve-souris au hérisson)…
Grâce à ce type de couverture végétale et à sa position centrale dans la « zone naturelle », la savane a de multiples fonctions. Elle offre un magnifique garde-manger particulièrement précieux en hiver. A l’automne et au printemps, elle est recherchée par des migrateurs en quête d’un endroit où se reposer et reprendre des forces pour poursuivre leur long périple. A l’heure de la nidification, elle accueille une bonne partie des espèces les plus originales, les plus « campagnardes » des Beaumonts – c’est vrai pour les oiseaux, mais aussi pour les insectes et (encore imparfaitement) pour les plantes. Elle sert de refuge, « d’arrière-pays », et de réserve de nourriture à des espèces plus usuelles venues du parc classique ou du voisinage, ainsi qu’à d’autres espèces, elles aussi rares en milieu urbain et venues cette fois de la zone humide : des libellules aux batraciens en passant par des oiseaux de roselières. Elle permet l’installation des plus gros mammifères apprenant à fréquenter les espaces urbanisés (une famille de renards…).
Sur le plan paysager, la savane offre au regard un « horizon interne », « bucolique », qui donne à la « zone naturelle » sa « profondeur de champ », effaçant à la vue ou faisant oublier les immeubles alentour. Elle constitue un « pôle de calme » qui irradie et qui explique que l’on puisse entendre la nature aux Beaumonts : chants d’oiseaux, vent dans les roseaux, bruissement des feuilles…
La savane est un cœur du site. La protéger, ce n’est pas « l’exclure » du bien commun (comme une réserve hors d’atteinte). C’est au contraire lui permettre de continuer à jouer durablement son rôle : on peut jouir d’un espace sans y entraîner son chien, sans l’occuper en famille des heures durant ou sans y faire un tour en vélo ! Or, la savane est en danger permanent, sous la pression de deux tendances lourdes.
La première tendance lourde qui menace la savane (et plus généralement la friche), c’est l’évolution spontanée de la couverture végétale. Elle tend d’une part à se boucher, les espaces de végétation rase étant occupés par broussailles et ronciers. Elle est aussi progressivement envahie par les arbres – en particulier le robinier ou l’érable, deux essences exotiques et très « coloniales », expansives.
La seconde tendance lourde concerne l’occupation humaine. Sans protection, explications et prise de conscience, elle ne cesse d’augmenter jusqu’à devenir omniprésente et permanente. Il ne s’agit pas que de pique-niques, mais aussi de moto-cross (qui opèrent déjà au parc Mabille), de Quads (on en a vu), de groupes de VTT, de flots de joggers, de construction de cabanes, de tentes, de bivouacs, de feux mal éteints…
Compte tenu de ces deux tendances spontanées, le « laisser-faire » aboutit nécessairement à une modification radicale du milieu et à sa banalisation : un boisement dominé par des essences par ailleurs peu intéressantes, avec quelques clairières à pique-nique et un réseau de pistes de moto-cross. La disparition de la savane réduirait considérablement l’attrait de la zone humide pour les espèces rares en milieu urbain et affecterait tout son pourtour. Adieu la biodiversité, le mystère et la poésie, le puit de silence…
Etant plus sensibles au dérangement que les insectes (ces derniers pouvant affectionner les espaces piétinés), les oiseaux sont de bons indicateurs de l’évolution de la biodiversité des Beaumonts. Il y a matière a satisfaction, avec le maintien de la nidification des fauvettes des jardins ou grisettes, le retour semble-t-il du pouillot fitis, la présence de la fauvette effarvatte et la poule d’eau dans la zone humide. Le bruant des roseaux a manifesté un intérêt nouveau pour le site, sans malheureusement conclure encore… Mais on a perdu les espèces nichant à terre (alouette des champs et pipit farlouse) et même, pour l’heure du moins, notre oiseau emblématique : le tarier (traquet) pâtre. La présence du Bruant zizi est très réduite par rapport à ce qu’elle fut. Le serin cini (qui se nourrit à terre) est lui aussi beaucoup moins nombreux qu’hier. Il n’est pas toujours facile de déterminer ce qui relève de facteurs locaux ou de tendances régionales, mais la densification de la végétation et l’augmentation des dérangements humains et canins (sans oublier la pression féline des chats…) sont certainement en cause.
Des situations critiques sont apparues à plusieurs reprises depuis la création de la « zone naturelle » voilà quinze ans. C’est à nouveau le cas aujourd’hui, malgré des efforts notables et louables consentis ces deux dernières années par le service des espaces verts pour bloquer la « fermeture » et l’emboisement de la friche. Pour discuter des choix en matière de protection de la friche, il faut partir de ce constat : un point d’équilibre satisfaisant n’a pas été atteint malgré des mesures qui furent, parfois, importantes.
On peut choisir une protection entièrement « naturelle » de la friche (le projet initial) ou s’aider d’une rambarde (le projet actuel). La vraie question n’est pas ce que nous – association Beaumonts-Nature en ville (BNeV), usagers du site…– souhaitons, mais les moyens que la mairie est prête à mettre. Il est en effet important de mesurer l’écart entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible. Seule la mairie peut répondre à cette question.
Le choix de la protection « naturelle »
Le choix de la protection « naturelle » de la savane n’a rien d’une idée neuve ! C’était la conception initiale. Nous étions toutes et tous (moi le premier), avec le Cepage (le cabinet écologue qui suivit la création de la « zone naturelle »), contre les barrières artificielles et pour le choix d’une protection « naturelles ». Elle a donc été mise en œuvre avec notre soutien plein et entier. Elle se solde aujourd’hui par un échec. Pourquoi ? Et à quelles conditions cette politique aurait-elle pu réussir ?
Cette politique a été initialement mise en œuvre en grand. En plus d’une haie composite, le périmètre de la savane devait être protégé par le Ru reliant les mares le long du chemin des orchidées en constituant un fossé humide difficile à franchir. Des boisements denses faisaient barrière côté rue des 4-Ruelles. Trois emplois-jeunes (le statut précaire de l’époque) de « gardiens-animateurs » se relayaient, y compris les week-ends, pour suivre le site, « jardiner », communiquer avec les usagers, animer des visites…
Le projet a effectivement pris forme. Il a convaincu une bonne partie des habitués du parc, dont un certain nombre se sont activement impliqués pour limiter la pénétration humaine de la savane, etc. C’est important de le noter : l’option initiale était à la fois souhaitable, populaire et viable. Mais à quelles conditions pouvaient-elle durablement réussir ? On peut aisément répondre à cette question en décrivant l’échec de l’expérience.
1. La nécessité de moyens et d’un entretien permanent des défenses naturelles
Le Ru devait relier les trois mares et une pompe devait même permettre de rapporter de l’eau de la mare de Brie à la mare perchée. Il n’y a jamais eu assez d’eau pour maintenir le circuit en circulation. La zone humide n’a pas été entretenue et s’est bouchée en divers endroits ; elle a été envahie par une végétation « banale ». Elle a cessé de constituer un obstacle naturel à la pénétration de la savane. [Soit dit en passant, il serait bon de rediscuter de la zone humide : veut-on reprendre le projet initial de mares reliées par un ru ? Si oui, on sait qu’il faut un entretien actif…]
La haie était « trouée » de passages en divers endroits. On a essayé de boucher les trouées les plus menaçantes avec des branches et ronces, voire des pierriers. Pour ma part, je me suis particulièrement attaché à clore par un enchevêtrement de bois mort le sentier qui partait de la butte aux pâtres vers la mare perchée. Pour le plus grand ravissement de ceux qui faisaient le soir du feu sur le flanc de la butte : grâce à moi, ils avaient une réserve de bois à portée de main, régulièrement reconstituée durant la journée ! Tout cela n’a donc pas suffi.
L’incendie de 2002 a détruit la haie, qu’il a fallu replanter. Mais la pousse prend plusieurs années… et laisse beaucoup de trouées. Des barrières artisanales ont été installées en quelques endroits stratégiques, mais elles étaient trop fragiles. Il n’y a pas de dégradations systématiques, mais des destructions « perlées ». Le « balcon » de la mare de Brie semble avoir été brisé par des ivrognes. Les autres ont été « rognées » ou contournées. D’autres encore ont été à leur tour utilisée comme bois de chauffe (ce qui vient d’arriver à l’enclos du compost… où poussaient de sympathiques champignons de bois qu’André Lantz venait de photographier). Il faut donc construire solide et être prêt à remplacer régulièrement (parfois aussi préférer la pierre : voir l’autre enclos à compost).
Au final, la savane s’est surtout protégé elle-même, en poussant densément, rébarbativement, avec des broussailles, épineux et ronciers peu accueillants. Mais cela s’est fait aux dépens de la variété de la couverture végétale et du maintien d’espaces de végétation rase indispensables à la biodiversité.
Dans la situation actuelle, on est face à une contradiction permanente. Soit, on « ouvre » la friche pour éviter son étouffement et son uniformisation, et on crée un redoutable appel d’air pour l’occupation humaine et canine. Soit, on la laisse être aussi rébarbative que possible pour réduire la pénétration, et elle perd une grande part de sa richesse...
Pour jouer sa fonction protectrice, une haie circulaire exige une intervention régulière (planter là où des trouées se forment…) et n’évite pas la nécessité de barrières aux endroits les plus stratégiques (butte, mare perchée…) solidement construites.
2. La nécessité d’un personnel qualifié agissant dans la durée
La présence humaine est essentielle à la réussite d’une politique de protection naturelle. Elle peut s’appuyer sur la participation des habitués les plus actifs du parc. Mais ce sont les employés de la mairie qui en constituent le pivot.
Premier problème : le nombre d’employés. Au début, trois « gardiens-animateurs » étaient sur le site. Ce n’était pas vraiment suffisant pour assurer une présence 7 jours sur 7, peut-être à cause de leur statut (les emplois jeunes avaient droits à des stages de formation…). Mais on peut dire qu’à moins de trois (et si possible quatre), il est inenvisageable d’assurer une présence active et continue.
Deuxième problème : la tension psychologique. Intervenir pour protéger la friche demande de la psychologie et du calme. Cela se passe souvent bien, beaucoup de gens étant prêts à entendre les arguments. Mais il y a toujours des récalcitrants grossiers et provocateurs – qui souvent posent la question d’autorité : « en quel nom intervenez-vous » (pour des gens comme moi qui ne sont en rien « officiels »)... Moi-même je m’abstiens d’intervenir quand je suis trop fatigué ou irrité, de peur que cela ne se termine en prise de bec.
Il faut savoir parler au père de famille à l’écart des enfants pour qu’il ne se sente pas obligé de faire le fanfaron devant sa progéniture. Autant il peut être facile de discuter individuellement avec un ado, autant en groupe, cela peut être problématique. Il y a la figure du Viril Insécure (« c’est pas une meuf qui va me dire ce que je dois faire… ») ou du Rebel sur le retour, celle du Grand Persécuté, de l’Intrépide Explorateur qui se doit de pénétrer aux tréfonds de la brousse, de l’Asocial Rébarbatif, du Raisonneur qui aligne une impressionnante succession de mauvaises raisons autojustificatives… A la longue, c’est usant, malgré les encouragements reçus de beaucoup d’autres personnes. Il faut une équipe pour durer…
Troisième problème, la multi-qualification. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, le travail à accomplir sur le site est complexe et demande pas mal de qualités. Il faut des qualités psychologiques (voir le point précédent) et pédagogiques, envers les enfants en particulier. Il ne s’agit pas avant tout de « policer » les déplacements, mais d’animer. Plus on apprend aux gens à « voir » les richesses du site et plus ils comprennent les restrictions. Le versant pédagogique est d’ailleurs l’une des composantes essentielles du projet initial, avec les versants « biodiversité » et « paysager »… Il faut apprendre à connaître les lieux dans le détail, mais aussi rencontrer les professeurs ou animateurs des quartiers environnants…
Le suivi d’un site comme celui-ci doit aussi être très réactif : Qu’est-ce qui pousse, qui doit être favorisé ou au contraire contenu, voire éradiqué ? Comment la faune évolue-t-elle et quelles questions cela soulève-t-il ? Etc. Quels projets intégrer et micro-espaces organiser ? Comment agir sans utiliser intrants chimiques habituels ? (C’est loin d’être toujours évidemment comme en témoigne la difficulté qu’il y a à bloquer l’extension des robiniers.) Quelles nouvelles initiatives prendre (créer des pierriers-habitats pour micro-mammifères, actuellement trop peu nombreux ? préparer des panneaux explicatifs ? se préoccuper de la prochaine journée municipale environnement ?…)
Enfin, il y a une routine physiquement fatigante, des poubelles aux travaux d’entretien ou d’aménagement (murets…).
Quatrième problème : former une équipe durable. Vu la diversité des tâches et savoirs en jeux, il faut constituer une équipe complémentaire dans ses formations et qui apprend pour une part sur le tas. Elle doit travailler dans la durée, pour apprendre à connaître le site et suivre son évolution au fil des ans (les rythmes de la nature…).
Cinquième problème : le statut et la stabilisation de l’équipe. Le travail sur le site, s’il est effectué dans de bonnes conditions, est passionnant (du moins, il le serait à mes yeux) : suivre tout un biotope complexe et son évolution, lier des liens avec les usagers et transmettre.... Mais il y a un gouffre entre la nature du travail et sa reconnaissance professionnelle, sociale et financière. Même si on en est plus aux emplois jeunes, jamais il me semble la mairie n’a valorisé cette activité comme elle le devrait. Résultat : les employés fichent le camp vers des emplois mieux rémunérés et mieux reconnus. Le site devient le lieu d’un travail temporaire… On construit alors sur du sable. Même la mémoire de ce qui s’est fait depuis l’aménagement initial de l’espace naturel n’existe pas à la mairie, comme s’il cela n’était pas important.
3. La viabilité du choix préférentiel dépend de la mairie…
Une politique de protection « douce » et « naturelle » de la savane est souhaitable. Elle est virtuellement possible. L’est-elle concrètement ? Cela ne dépend pas pour l’essentiel d’une opinion des associations ou des usagers, mais des moyens que la mairie est prête à mettre dans ce projet.
Le projet vaut le coup. Mais le nombre d’emplois spécifiques effectivement occupés est tombé de trois à un (déjà sous l’ancienne équipe municipale) – et même à moins d’une quand Nathalie était sollicitée sur Montreau ou autres lieux... La nouvelle équipe municipale nous dit qu’il est hors de question d’embaucher, mais rappelons que quand elle a été élue, il restait deux postes, dont un vacant. Maintenant, les deux postes sont vacants ! La question immédiate n’est malheureusement pas celle de la création de nouveaux postes, mais d’éviter la suppression des postes actuellement vacants !
On en est au point où depuis trois mois, l’alimentation de la mare en eau n’est plus gérée : c’est David Thorns et moi qui devons nous en préoccuper. Mais notre présence sur le site n’est pas assez fréquente pour que nous puissions le faire bien ; du coup, soit le niveau de la mare baisse trop, soit il déborde épisodiquement...
Une solution envisagée est d’intégrer plus les jardiniers au suivi du site. Cela ne coule déjà pas de source (c’est un travail assez différent de l’habituel qui demande un vrai investissement en terme d’intérêt). Mais même dans le meilleur des cas, on ne va pas demander aux jardiniers d’assurer les relations avec les usagers, la présence constante, l’action pédagogique, etc.
Certains disent que la mairie va devenir riche avec le déblocage de nombreuses taxes professionnelles. Peut-être, si cela est vrai, deviendra-t-il possible d’embaucher une équipe pour porter le projet des Beaumonts. Sinon, ce n’est pas la peine de proposer la politique de protection « purement naturelle » : il n’y aura pas les moyens de la mettre en œuvre…
Notons en passant que le manque d’argent (bien que réel) n’explique pas tout. Il y en a eu pour construire un espace de loisirs « acrobranchage » au parc Montreau. La question des priorités se pose donc.
Utilité et limites de la rambarde
La construction d’une rambarde n’est pas une panacée, mais permet de répondre en partie à des problèmes notés ci-dessus : elle serait beaucoup plus « consistante » que la seule haie et beaucoup plus solide que des barrières artisanales et bricolées ; son entretien s’imposerait mieux dans le cahier des charges du site ; elle réduirait effectivement considérablement la pénétration humaine de la savane ; elle permettrait de « visualiser » le périmètre le plus protégé que les usagers ne « voient » pas actuellement ; ce faisant, elle servirait de point d’appui à l’explication des mesures de protection et aussi de support à l’animation pédagogique ; elle permettrait à une équipe même trop réduite de « gestionnaires-animateurs » d’être efficace (avec notre aide).
Bien entendu, elle suscitera des rejets. Mais le site est assez grand pour offrir des espaces diversifiés en dehors de la savane centrale. De nombreux usagers sont déjà convaincus de sa valeur biodiversitaire. Sa construction peut et doit s’accompagner d’une intervention collective (mairie, associations…) qui valorise le site et aide les usagers à en percevoir la richesse…
Je ne connais pas le détail du projet de rambarde et certains aspects méritent probablement d’être discutés (conception et emplacement des observatoires, comment la « fondre » dans la végétation, hauteur suivant les lieux…). Mais, sauf à mettre réellement en œuvre l’option discutée ci-dessus, elle apparaît indispensable.
Sans une mesure « forte », comme la rambarde, la savane va continuer à évoluer dans deux directions très dommageables décrites plus haut : elle va se boucher se boucher encore plus (emboisement…) au point que la friche totalement disparaître et les espaces ouverts qui malgré tout se pérenniseront seront envahis, et pas seulement par des pique-niqueurs.
Les multiples fonctions de la « savane », évoquées plus haut, doivent être rendues « visibles » à l’occasion de la construction de la rambarde. Elle doit devenir le support (avec les observatoires) d’une action pédagogique. Il y a maintenant de nombreuses photos prises aux Beaumonts d’oiseaux, de papillons et autres insectes, de plantes et champignons, que ce soit par du personnel de la mairie (Vincent en a fait de magnifiques !), des membres de BNeV (André, Thierry, Laurent, David…) ou d’autres que nous côtoyons (Alain Bloquet…). Il y a de quoi faire des panneaux passionnants, renouvelés suivant les saisons, sur ce que l’on peut voir – en s’attachant à montrer ce qui est le plus fréquent, le plus visible, et pas le plus rare !
Nous pouvons aussi « animer » la rambarde avec des panneaux sur lesquels on pourrait annoncer les « nouveautés » : apparition d’une espèce de papillon ou d’araignée, arrivée d’un oiseau estivant ou passage de migrants, naissances… Outre le détail du tracé et de la conception, voici ce qui mériterait d’être discuté entre association (BNeV) et mairie : comment la rambarde peut devenir une introduction au site autant qu’une protection de la savane. Cependant, les modalités de cette « animation » doivent être discutées, certains jugeant qu’il ne faut pas « décrypter » la « savane » sur place pour lui laisser son mystère et sa libre découverte. C’est un peu l’opposition du regard poétique au regard scientifique. On peut certainement permettre les deux.
Une rambarde est construite en matériaux périssables et doit être entretenue. Mais si tout se passe bien (consildation des défenses naturelles – haies... – et d’une « culture de respect » du site), il sera possible de la laisser dépérire pour en revenir à la première option, préférentielle. Si...
Une urgence
Un courriel avait été envoyé à la mairie le 19 mars 2009 et une première version de cette note avait été écrite peu après, qui concluait que certaines mesures ne pouvaient pas attendre, notamment le cas du côté de la mare perchée. Je soulignais qu’avec « les travaux d’entretien sur la savane, un véritable boulevard de pénétration a été créé, des espaces sont offerts et un chemin s’est à nouveau creusé en direction de la butte aux pâtres. Il est important de refermer ce passage rapidement, avec un beau panneau explicatif, côté mare perchée et butte aux pâtres.
Il faudrait en profiter pour fermer les deux extrémités de l’ilot de la mare perchée (en plantant des ronciers ?) et ajouter un panneau expliquant que chacun ne doit pas venir avec son bocal pour ramasser à la pelle (si j’ose dire) les têtards – il y a même des instits et animateurs qui emmènent des groupes d’enfants pour cette moisson aquatique. »
Aucune mesure d’urgence n’a été prise, malgré une rencontre (dans une ambiance fort positive) avec l’équipe municipale (à part un renforcement si fragile de la rambarde, côté mare perchée qu’il n’a pas tenu longtemps). De ce fait, la situation n’a pas cessé de s’aggraver. La rambarde côté butte aux pâtres s’est couchée et n’a pas été redressée. Durant tout le printemps, des milliers de têtards ont été ramassés (je reviendrai sur cette question dans un prochain article). La première nichée de cannetons que la mare perchée ait connue a été braconnée ! La seule personne qui restait, employée au nom de l’animation sur le site, a demandé à changer de poste. On a évité de peu des incendies dans la friche…
La décision de construire la rambarde a été confirmée, ce qui est une bonne chose. D’intéressants projets de gestion de la « savane » existent (introduction d’ânes…) et ont été présentés aux élus. On essaie donc de rester optimiste. Mais force est de constater que pour l’heure, la dégradation se poursuit.
Insistons en guise de conclusion, sur l’importance de la présence humaine : rambarde ou pas, le rôle des « gestionnaires-animateurs » sur le site est irremplaçable – il faut pérenniser ce type d’emploi.
Notons enfin qu’après un point focal sur la mare (ma précédente note [1]) et maintenant sur la savane, il faudra essayer de (re)passer en revue ce qui pourrait et devrait être fait sur l’ensemble du site.