Fort-de-France Correspondant
Plus de quinze années après son interdiction sur l’île de la Martinique, le chlordécone continue d’y faire des ravages. Mardi 22 septembre, un arrêté préfectoral a interdit « la pêche sous toutes ses formes » dans les rivières martiniquaises. « La pêche et la commercialisation en vue de la consommation humaine » de certaines espèces sont également interdites - par un autre arrêté - dans plusieurs baies semi-fermées, situées en aval de bassins versants contaminés par le chlordécone.
Les autorités préfectorales ont justifié cette mesure par la nécessité de « prévenir les effets sur la santé liés à une exposition aiguë ou chronique résultant d’une consommation de produits de la pêche potentiellement contaminés ».
Les dernières analyses effectuées ont abouti à la conclusion que certains poissons et crustacés présentaient une teneur en chlordécone dépassant largement les normes sanitaires fixées. Sur quarante sites examinés, 96 % des échantillons prélevés étaient contaminés. Plus de deux tiers présentaient une concentration proche de 50 microgrammes (µg) de chlordécone par kilo, alors que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) recommande que, pour les produits frais, cette concentration ne dépasse pas 20 µg par kilo.
Les fonds marins vaseux et sableux constituent un vecteur important de pollution au chlordécone. Les langoustes blanches et brésiliennes, les crevettes, les crabes de mer, le tilapia et le thazard franc, un poisson apparenté au maquereau, sont quelques-unes des espèces concernées par ces mesures.
Thierry Touzet, directeur des services vétérinaires de la Martinique, recommande aux consommateurs de ne pas acheter ces produits n’importe où : « Il vaut mieux acheter les poissons dans des points de débarquement parfaitement identifiés par des professionnels de la pêche. Ce qui donne la garantie que les produits mis sur le marché ne proviennent pas des zones interdites. »
Les deux arrêtés préfectoraux interdisant la pêche dans les rivières et plusieurs baies de l’île ont été reçus par les marins pêcheurs comme des coups de massue assénés à un secteur déjà en grande difficulté. Les professionnels jugent inadmissible de devoir payer pour les pollueurs. Ils craignent aussi que les consommateurs délaissent les étals. Toutes ces mesures de précaution sont en vigueur jusqu’à ce que l’Afssa se prononce sur la question, probablement fin novembre.
Utilisé aux Antilles dans les plantations de bananes jusqu’à son interdiction, en 1993, le chlordécone, un pesticide polluant difficilement dégradable, se retrouve durablement dans les sols ou encore dans les sédiments des rivières.
En 2002, malgré les mesures prises, la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes avait encore découvert d’importantes quantités de chlordécone dans une cargaison d’une tonne et demie de patates douces arrivée à Dunkerque (Nord) en provenance de Martinique. Il avait cependant fallu attendre mars 2003 pour que le préfet de région de l’époque prenne un arrêté imposant l’analyse obligatoire des sols avant toute mise en culture de légumes à racines et interdisant la vente de denrées contenant du chlordécone.