Qu’est-ce que le G20 et quelles sont les raisons pour lesquelles le sommet de Pittsburgh a été organisé ?
Paul LeBlanc – Le G20 réunit les principaux responsables économiques et politiques de la planète, qui entendent s’assurer que l’économie mondiale fonctionne sans heurts dans l’intérêt des dominants. Fréquemment, cet objectif va directement à l’encontre des besoins et des intérêts de la majorité de la population mondiale.
Le G20 va se réunir à Pittsburgh, mais les sujets qui seront discutés n’ont pas encore été divulgués. En fait, le G20 n’est pas connu pour sa transparence. Bien évidemment, la crise économique sera au centre des débats. Je suppose que la question environnementale, sujet cardinal pour la population, mais aussi l’économie mondiale, seront évoquées. On peut également présumer que les problèmes de la guerre et de la paix seront discutés.
La majorité de la population mondiale n’a cependant pas été appelée à se prononcer ni sur les raisons pour lesquelles les principaux dirigeants mondiaux se rencontrent ni sur les sujets qui seront abordés. C’est pourquoi nous devons élever nos voix pour défendre le type de monde que nous voulons.
Initialement le G20 devait se réunir à New York, pourquoi a-t-il été transféré à Pittsburgh ?
L’administration Obama n’a pas donné de réponses claires à cette question […]. Pittsburgh est plus petite et moins complexe que New York. Le mouvement progressiste y est palpitant, mais moins important qu’à New York. Sans doute, l’administration Obama et les autorités locales espèrent-elles ainsi minimiser et contenir les manifestations et les protestations contre le G20.
Comment ont réagi les militant·e·s de Pittsburgh, lorsqu’ils/elles ont compris que le G20 aurait lieu dans cette ville ?
La réponse de la communauté a été étonnante. Trois campements ont été prévus. Un premier consacré à l’environnement a été monté par des organisations environnementales. Un autre a été organisé par des militantes de Code Pink [organisation initialement créée par un groupe de femmes américaines pour combattre la guerre en Irak, ndt.] et de Women’s International League for Peace and Freedom [organisation créée en 1915 pour lutter pour le désarmement, la pleine égalité des droits entre femmes et hommes et une justice sans discrimination, ndt.]. Enfin, un troisième, consacré à la pauvreté dans le monde a été échafaudé par Bail Out the People-Not the Banks [Sauvez les gens, pas les banques. Ce mouvement rassemble et organise les chômeurs-euses et tous ceux et toutes celles qui ont perdu leur toit suite à la crise économique, ndt.] et l’Eglise Baptiste.
Au moins trois activités questionnent et critiquent le G20. Le Sommet des Peuples est celle dans laquelle je suis le plus intimement impliqué. Il y aura également un Sommet international pour la Paix, la Justice et le droit des peuples, organisé par la communauté afro-américaine. Le Sommet des Peuples et le Sommet International coordonnent leurs efforts. Une troisième activité a été initiée par United Electrical Workers Union [Syndicat des travailleurs du secteur de l’électricité, ndt.] en collaboration avec Institute for Policy studies [Institut interdisciplinaire fondé en 1963 ; il rassemble des chercheur·e·s qui lutte pour la paix et la justice sociale en produisant des études fondées sur la nécessité de proposer une alternative, ndt.]. […]
Les médias font état d’un très important déploiement policier à Pittsburgh ; nous avons également entendu dire que le gouvernement fédéral et la ville n’autoriseraient peut-être pas les manifestations. Où réside aujourd’hui le combat pour les libertés civiles et le droit de protester à Pittsburgh ?
Tout d’abord, et dès le début, la plupart des médias ont joué sur la peur et la violence, et ça continue. La presse et les autorités mêlent tous les types de protestations et les salissent en suggérant que les activistes s’apprêtent à commettre des actes horribles et à générer de la violence. Ce faisant, ils instillent la peur au sein de la population. Les autorités sont en train d’utiliser cette situation pour justifier une série de mesures potentiellement très répressives. Ils ont préparé un ordre destiné aux départements de police des zones attenantes pour qu’ils déploient 4000 policiers de plus.
Il ne s’agit pas simplement d’un problème de police locale ; c’est une question de sécurité nationale. Les services secrets et d’autres agences gouvernementales sont directement impliqués ; ils coordonnent et entraînent la police autour de toutes sortes de tactiques pour gérer ce grand danger présumé. Il existe de réelles possibilités que se déchaîne une violence policière significative à l’encontre des manifestant·e·s, comme cela a été le cas ailleurs dans le monde. […]
Beaucoup de militant·e·s ont subi ce genre de restrictions et de violences policières sous l’administration Bush. Ils-elles s’attendaient mieux du gouvernement Obama. Comment évaluer ce qui est en train de se produire à Pittsburgh ?
Durant toute sa campagne électorale, Obama n’a cessé de rappeler que tout ce qui a changé politiquement, économiquement et socialement dans ce pays a été gagné par les luttes des mouvements de travailleurs·euses, des droits civils et des femmes. Des mouvements, a-t-il souligné, qui ont organisé la protestation dans les rues et sur les lieux de travail. On aurait pu penser, de ce fait, que sa réponse et les réponses de son administration auraient été d’accueillir favorablement la protestation de celles et ceux qui désirent s’exprimer sur le monde qu’ils·elles veulent, en soulevant des questions sur le G20. Or, c’est le contraire qui s’est produit. De fait, il n’y a pas tant de différence entre les politiques de Bush et d’Obama face à ce genre de protestation. Il me semble qu’Obama aurait gagné à adhérer au discours de sa campagne électorale, s’il croyait réellement à ce qu’il disait. Mais n’y a pas de preuves jusqu’ici qu’il y ait vraiment cru.
Qu’avez-vous prévu pour le sommet des Peuples ?
Le sommet des Peuples se tiendra du 19 au 22 septembre. Il a été promu par un large panel d’organisations et de forces. Récemment, des syndicats comme le National Organization of Legal Services Workers (UAW Local 2310) [Service juridique des travailleurs-euses de l’Etat, ndt.], le United Steel Workers [travailleurs de la sidérurgie, ndt.] et le Pittsburgh Federation of Teachers [enseignant·e·s de Pittsburgh, ndt.] ont décidé de s’y joindre.
Des responsables locaux de Pittsburgh prendront la parole […]. Nous avons invité également des intervenants étrangers comme Walden Bello, l’un des principaux leaders du Global Justice Movement [composé de nombreuses organisations prônant la distribution équitable des ressources économiques, ndt.]. […] Jeremy Scahill, un journaliste engagé qui écrit entre autres pour The Nation, Anthony Arnove, qui travaille étroitement avec Howard Zinn et vient d’écrire un ouvrage très intéressant (Irak : la logique du retrait), participeront également au Sommet. […] Il y aura également quelques activités culturelles : notamment un groupe de danse africain ; Son of Nun, un groupe de hip hop très connu aux Etats-Unis et une représentation de la pièce de théâtre en un acte d’Howard Zinn, intitulée Marx in Soho et interprétée par Brian Jones.
Tout au long de la conférence, nous avons mélangé des préoccupations locales et globales pour souligner les problèmes communs auxquels nous devons faire face. C’est un panel riche et intense d’intervenant·e·s, d’activités et de discussions sur le monde que nous voudrions. Il n’y a pas un accord total parmi les organisateurs-trices sur le rôle que joue le G20 dans la solution des problèmes mondiaux. Certain·e·s pensent qu’il fait organiquement partie de ce qui va mal.
Mais nous avons pris l’engagement d’en discuter autour d’un certain nombre de principes : les décisions qui concernent l’ensemble de nos vie devraient être prises par tout le monde ; la liberté et la justice pour toutes et tous devraient exister partout dans le monde ; la liberté d’expression, de croyance devraient être des droits inaliénables. Toutes et tous devraient avoir le droit d’être à l’abri de la peur et du besoin. Voilà le monde que nous voulons. […]
Tout le battage sur la répression policière et la bataille sur les droits de manifester peut donner l’impression aux militant·e·s qu’ils-elles feraient mieux de rester chez eux. Que dites-vous à celles et ceux qui se demandent s’ils doivent ou non venir à la manifestation ?
Personne ne doit avoir de doute : il y aura une manifestation pacifique et légale le vendredi 25 septembre. Le Thomas Merton Center est à la tête d’une large coalition qui s’est engagée à ce qu’elle ait lieu. Je suis confiant sur le fait que le gouvernement n’essaiera pas de violer nos droits constitutionnels. Il peut vouloir choisir le tracé de la manifestation. Mais notre groupe va combattre très âprement pour gagner le droit de marcher selon un tracé qui nous conduise proche du lieu où se réunit le G20. […] Quoiqu’il en soit, il n’y aura de confrontations que si nos droits démocratiques sont violés. Dans ce cas, je pense qu’un nombre significatif de personnes suivra l’exemple de Martin Luther King Jr. et organisera une désobéissance non-violente. King disait : « Nous devons avoir le droit de manifester pour nos droits ». […]
Quel rapport selon vous entre le Sommet des Peuples, les manifestations anti-G20, la frustration montante face aux limites de l’administration Obama et le fait, de plus en plus évident, que nous devons nous battre pour le monde que nous voulons ?
[…] Nous devons créer une pression populaire qui oblige les gouvernements à répondre aux besoins de la majorité de la population mondiale. […] Mais même si l’administration Obama, d’autres gouvernements ou le G20 décidaient d’entrer en matière sur certains problèmes, il demeurerait nécessaire de maintenir une telle force, car il existe des contre-pressions puissantes émanant des plus riches pour que le monde aille dans leur sens aux dépens du reste d’entre nous. Or, nous devons amener le monde dans notre direction.
[…] Nous croyons qu’un autre monde est possible, un monde dans lequel des femmes et des hommes peuvent prendre démocratiquement des décisions, contrôler les ressources économiques dont nous dépendons toutes et tous.Nous avons besoin d’un monde meilleur, un monde différent dans lequel ces idées imprègnent toutes choses.
Jusqu’à ce que nous soyons capable de réaliser un tel monde, nous devons exercer une pression populaire pour gagner des réformes qui appuient la démocratie, les droits humains, la justice sociale et économique.[…] Comment faire apparaître un monde basé non sur le profit d’une minorité, mais sur les besoins de l’humanité ? Voilà de quoi nous devons débattre […].