Istanbul Correspondance
Il y a un an, jour pour jour, le 7 octobre 2008, un jeune militant d’extrême gauche, Engin Ceber, mourait à la suite de tortures subies dans la prison de Metris, à Istanbul. Depuis le 5 octobre, l’affaire est plaidée devant les tribunaux.
Dans ce dossier emblématique dont se sont emparées les organisations de défense des droits de l’homme, une soixantaine de personnes - policiers, directeur et gardiens de la prison, médecins - sont jugées devant une cour d’Istanbul.
Arrêté fin septembre 2008, avec trois de ses amis, alors qu’il manifestait dans la rue et vendait un journal militant, Yürüyüs, Engin Ceber, 29 ans, avait été violemment frappé dans un commissariat puis dans le centre de détention. Hospitalisé pour une hémorragie cérébrale, après une semaine de sévices couverts par un médecin, il décédera quelques jours plus tard.
Selon le rapport officiel comme les enquêtes indépendantes qui ont suivi, les circonstances de sa mort sont claires : Engin Ceber est mort de coups reçus à la tête portés par des bâtons et des barres de fer. Le tollé suscité par cette bavure avait poussé à l’époque le ministre de la justice, Mehmet Ali Sahin, à suspendre 19 fonctionnaires et à présenter officiellement les excuses de l’Etat et du gouvernement. Une première dans une affaire de ce type.
Paralysé à vie
Lors de leur arrestation, les trois militants d’extrême gauche manifestaient en faveur d’un de leurs camarades, Ferhat Gençer, victime l’année précédente de la police turque.
En 2007, ce vendeur de journaux avait reçu une balle dans le dos, après une altercation avec les forces de sécurité. Le jeune homme de 20 ans est paralysé à vie. Mais les policiers impliqués pourraient échapper à la justice, selon un avocat de la défense, Taylan Tanay. Aucun d’entre eux n’était d’ailleurs présent, vendredi, à l’audience du procès de Ferhat Gençer. En revanche, la victime, qui comparaissait en fauteuil roulant, demeure sous la menace d’une condamnation. Il risque 15 ans de prison pour propagande terroriste.
Le gouvernement turc garde un oeil attentif sur cette double affaire, qui pourrait figurer sur le rapport de suivi annuel de la candidature turque à l’Union européenne, qui rendu public la semaine prochaine à Bruxelles.
Malgré des progrès spectaculaires depuis 2002 sous l’effet des réformes pro-européennes et de la refonte du code pénal, la Turquie ne parvient pas à éradiquer la torture et les traitements inhumains des commissariats et des prisons. Les cas de morts suspectes restent fréquents, constatent les organisations non gouvernementales. Et sur plus de 6 000 plaintes déposées contre des policiers ou des militaires en 2006 et 2007, seules 223 ont abouti à un procès et 79 à une condamnation, d’après l’étude de la Fondation turque des droits de l’homme (TIHV).