Le prix du lait industriel est passé de 0.76 Fr/kg à environ 0.55 Fr/kg aujourd’hui. Les coûts de production n’ont par contre pas évolué. Ils se situent entre 0.98 Fr/kg et 1.17 Fr/kg. Les producteurs sont donc loin d’obtenir un prix du lait équitable. Certains paysans, aujourd’hui, parlent d’une rémunération par heure de travail d’environ 6.-/heure… Comment, dans ces conditions, rémunérer correctement l’ensemble des membres de la famille paysanne et les travailleurs·euses agricoles qui représentent 20% de la main-d’œuvre sur les exploitations agricoles ?
En Europe, la situation n’est guère plus réjouissante. Les prix du lait n’ont jamais été aussi bas. Les prix se situent entre 18 et 22 cts d’euro/kg alors qu’ils devraient atteindre plus de 40 cts d’euro. La révolte des producteurs de lait européens a donc commencé le 10 septembre en France.
Non à la spéculation laitière !
Aujourd’hui, 40% des producteurs en France ne livrent plus leur lait. L’action fait tache d’huile en Belgique, en Allemagne, en Autriche, en Italie, au Pays-Bas, au Luxembourg et en Espagne. Alors, au vu de la situation de nos collègues des pays voisins, on voit mal comment un accord de libre-échange avec l’Union européenne pourrait être alléchant pour la filière.
En Suisse, 300 producteurs se sont retrouvés le 14 septembre 2009 et ont décidé de lancer une « révolte paysanne » afin d’obtenir à terme un prix du lait qui couvre les coûts de production (cela devrait être d’ailleurs la règle pour l’ensemble des productions agricoles). Ils exigent de l’industrie laitière qu’elle communique de manière transparente les quantités de lait dont elle a besoin pour l’année, afin que les spéculations et les jeux poussant à la surproduction cessent. Ils veulent obtenir de la part des politiques une base légale qui permettrait aux producteurs exclusivement d’obtenir la « force obligatoire » dans le but de gérer les quantités. Cette gestion devrait ainsi permettre à court ou moyen terme, d’atteindre un prix qui couvre les coûts de production et de garantir une répartition de la production sur l’ensemble du territoire.
Pour une solidarité citoyenne
Jusqu’à ce jour, tant les politiques que les acheteurs ne souhaitent donner suite à ces revendications pourtant claires. Ils repoussent les décisions à des dates ultérieures alors qu’il y a urgence. Ils ne proposent pour l’instant que des réductions de stocks par des subventions à l’exportation qui ne sont éthiquement pas acceptable, car elles détruisent les marchés locaux d’autres pays.
Le problème est structurel et c’est un changement profond qu’il faut opérer, non proposer des ajustements légers. Parties le 14 septembre par le déversement de 1000 litres de lait dans le caniveau, les actions ont pris de l’ampleur. Manifestations en tracteur, actions dans les supermarchés Coop et Migros, ventes de lait équitable, blocages etc. Depuis le 19 septembre, les Suisse allemands ont également rejoint la révolte. Plusieurs milliers de producteurs sont impliqués dans le mouvement.
Uniterre et BIG-M, les deux organisations à la pointe de la révolte, appellent les citoyen-ne-s à faire preuve de solidarité en se rendant sur les fermes pour acheter du lait, en faisant pression sur Coop et Migros en interpellant les gérants ou en collant des étiquettes en faveur du mouvement (téléchargeables sur le site www.uniterre.ch).
En Europe, quelques politiciens en Autriche, en France ou en Belgique, commencent à sentir le vent du boulet et sont prêts à entamer une négociation avec les organisations agricoles pour trouver une solution satisfaisante. Il faudra voir si celle-ci pourra se concrétiser dans les prochains jours. En tous les cas, les Français, initiateurs cette année du mouvement, sont partis pour plusieurs semaines de révolte ou de grève du lait qui compte aujourd’hui 50% des producteurs de lait. Des inquiétudes se font sentir chez les acheteurs qui commencent à manquer de stocks.
Tant en Europe qu’en Suisse, les organisations paysannes en révolte ont depuis plusieurs années proposé des mesures efficaces. Mais elles dérangent indéniablement certains lobbies qui font des profits depuis de nombreuses années sur le dos des paysans et des consommateurs·trices. Du coup, les politiques refusent de mettre en place ces propositions.
Un choix écologique et social
Aujourd’hui, vu la situation du secteur, c’est un véritable choix de société qu’il faut faire : souhaitons-nous encore une agriculture en Suisse et une filière agro-alimentaire qui soit pourvoyeuse d’emplois rémunérateurs ? Du paysan, en passant par le travailleur agricole, l’ouvrier de l’usine de transformation et le vendeur du magasin jusqu’au consommateur final, nous sommes toutes et tous concernés ! Rappelons que la filière agro-alimentaire représente 10% des places de travail en Suisse… Ce n’est pas un détail !
Nous devons sérieusement nous demander si ce massacre en règle de la filière pourra avantageusement être compensé par des importations de produits bons marché, produits dans des conditions sociales et environnementales moins sévères et moins contrôlables ? Les quelques centimes économisés font-ils le poids contre les milliers d’emplois sacrifiés ?
Pour Uniterre, la réponse est clairement non. Nous voulons une agriculture paysanne rémunératrice pour toutes et tous, ancrée dans l’économie de proximité et qui répond aux attentes écologiques et sociales de la société !
Valentina Hemmeler Maïga
Uniterre