Bruxelles, 9 septembre 2009 (CSI En Ligne) : Bien qu’elle ait donné son adhésion à l’idée d’un renforcement des filets sociaux pour protéger des millions de travailleuses et travailleurs ayant perdu leur emploi sous l’effet de la crise économique mondiale, la Banque mondiale, dans la dernière édition de sa publication à plus grand tirage Doing Business (Pratique des affaires), décourage les pays d’adopter des programmes de protection sociale en qualifiant les gouvernements qui le font de « non compétitifs » sur le plan des affaires. Le rapport Doing Business 2010, lancé aujourd’hui par la Banque mondiale, recommande également aux pays de revoir à la baisse les indemnités de licenciement accordées aux salariés congédiés et de réduire ou supprimer les obligations relatives au préavis de licenciement.
En avril 2009, la Banque avait annoncé que l’indicateur Doing Business concernant la flexibilité du marché du travail, qui encourage la réduction de la protection des travailleurs, « ne constitue pas une politique de la Banque mondiale et ne devrait pas être utilisé en tant que base pour les conseils politiques ou dans tout document afférent aux programmes de pays » et que l’indicateur en question serait supprimé du cadre des conditions de prêt la Banque mondiale - CPIA : Cadre d’évaluation de la performance politique et institutionnelle par pays. La Banque mondiale avait également annoncé « l’inclusion, dans « Doing Business 2010 », d’explications complémentaires concernant ces dispositions », or la nouvelle édition de la publication, parue aujourd’hui, passe outre à cet engagement publié sur le site Web de la Banque en avril : http://www.doingbusiness.org/docume...
« Si le président de la Banque mondiale est réellement convaincu, comme il l’a déclaré à maintes occasions, que les pays devraient améliorer la protection sociale pour atténuer l’impact de la récession mondiale, il est grand temps que la publication à plus grand tirage de la Banque mondiale cesse de prôner l’élimination de la protection sociale et des travailleurs », a déclaré Guy Ryder, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI).
La CSI a attiré l’attention sur le fait que Doing Business 2010 classe le Cambodge parmi les pays qui « rendent difficile la pratique des affaires » par l’introduction d’une contribution de sécurité sociale. Par contraste, l’abolition de la taxe sociale à valu à la Georgie d’être citée comme un exemple et d’être mieux classée par Doing Business.
Pendant ce temps, le gouvernement démocratique du Honduras, dont le président a été renversé et expulsé du pays a l’issue d’un coup d’État militaire en juin, est critiqué dans le rapport Doing Business 2010 pour avoir augmenté les indemnités de licenciement et les obligations liées au préavis en réponse à la crise économique (le Honduras est dépourvu d’un système d’assurances de chômage.) Suivant la même logique, Doing Business 2010 déclasse le Portugal pour avoir rallongé de deux semaines la période de préavis de licenciement.
En revanche, l’adoption de politiques facilitant les licenciements sommaires a valu au régime autoritaire de la Biélorussie, récemment privé des préférences commerciales de l’Union européenne pour avoir violé les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), de décrocher un score élevé dans le rapport Doing Business 2010. Cependant, le trophée de la « meilleure réforme » de Doing Business revient cette année au Rwanda, et pour cause : « les employeurs ne sont plus tenus de procéder à des consultations préalables avec les représentants des salariés [concernant les restructurations], ni d’en aviser l’inspection du travail. » Par ailleurs, le rapport de la Banque mondiale couvre de louanges la Macédoine, pour s’être débarrassée de mesures liées au recyclage des travailleuses et travailleurs sans emploi, et Maurice, pour avoir abrogé l’indemnité de licenciement obligatoire.
Guy Ryder a noté l’intention de la Banque mondiale d’amorcer des consultations avec l’OIT, les syndicats et les employeurs concernant l’élaboration d’un nouvel indicateur lié à la protection des travailleurs, lequel favoriserait le respect des normes du travail fondamentales et le renforcement de la protection sociale. Le nouvel indicateur ne sera, toutefois, pas développé avant l’année prochaine.
Ryder a indiqué : « Il est insensé que la Banque, qui a pourtant reconnu la nécessité de revoir son approche régulatoire unilatérale concernant les enjeux du travail, continue à préconiser une révision baissière de la protection sociale et des travailleurs dans Doing Business, et ce, à l’heure où les masses laborieuses subissent de plein fouet les répercussions de la pire crise économique depuis les années 1930. » Par ailleurs, le secrétaire général de la CSI a demandé à la Banque mondiale de rendre publique sa note explicative où il est spécifié que l’indicateur Doing Business relatif à l’embauche des travailleurs ne constitue pas une politique de la Banque et que son personnel devrait promouvoir « des sauvegardes adéquates pour les droits des salariés ». La Banque avait promis de publier cette note explicative en avril.