À quelques mois de la conférence sur le changement climatique, qui se tiendra à Copenhague sous l’égide de l’ONU, l’OMC rappelle à la communauté internationale qu’aucun accord ne saurait être conclu qui ne soit compatible avec les règles du libre-échange. Pour que les choses soient claires, l’OMC prévoit de réunir une conférence ministérielle pendant la semaine précédant la conférence de Copenhague, et elle publie aujourd’hui, en collaboration avec le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement), un rapport : « Commerce et changement climatique ». Celui-ci envisage une éventuelle « autorisation » pour la mise en place d’une taxe carbone aux frontières des pays qui auraient pris des mesures contraignantes pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre et qui pourraient être désavantagés dans la concurrence internationale. Face aux échecs manifestes des politiques radicales de libéralisation des échanges qui ont eu cours depuis trente ans et à leur impact avéré sur l’accélération de la crise climatique, les discours sont brouillés et la fuite en avant dans les mêmes politiques se pare des vertus du changement.
En bonne gardienne de l’ordre, l’OMC réaffirme sa vigilance à l’encontre de tout protectionnisme, et donc à l’encontre de normes et de réglementations qui altéreraient la concurrence internationale : il s’agit bien de promouvoir « l’élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires visant les biens et services environnementaux ». Or, en matière environnementale, les normes contraignantes et réglementations strictes, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à la source, devraient s’appliquer aux firmes transnationales qui ont fait de l’exploitation des ressources naturelles leur nouvel eldorado et du marché du carbone un nouveau compartiment de la finance mondiale. Au contraire, l’OMC privilégie la mise en place de marchés du carbone pour réguler la crise climatique et fixer un prix du carbone. Les « exceptions » annoncées en matière de taxes aux frontières, présentées comme changements importants, ne sont en fait que des mesures d’accompagnement pour permettre la mise en place de tels marchés, sans nuire à la compétitivité des firmes. Rien de bien nouveau sous le ciel du néolibéralisme, si ce n’est le rappel que les marchés ne sont pas des institutions naturelles !
Le rapport s’échine à montrer que l’objectif de croissance qui nécessite le libre-échange et l’intensification des échanges internationaux ne nuit pas finalement au climat, notamment parce que les transports se réalisent par voie maritime (sic) et à condition de permettre des innovations techniques et des transferts de technologie « propres ». D’où l’utilité réaffirmée du renforcement des droits de propriété intellectuelle sur les nouvelles techniques, qui sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion de l’OMC et que dénoncent les pays du Sud, privés d’accès à ces technologies brevetées par les grandes firmes.
Attac-France préconise fermement l’établissement, au niveau international, de taxes globales qui doivent compter parmi les instruments de régulation publique et permettre les transferts de richesse nécessaires au financement de l’adaptation au changement climatique et à la transition vers des économies pauvres en carbone. L’ONU est le cadre d’un nouvel accord international sur le changement climatique, qui doit être conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Charte des Nations unies et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et non au dogme libre-échangiste de l’OMC.
Tout se tient donc : au moment où le système se lézarde de tous côtés, les grandes puissances se sont efforcées de museler l’ONU, lors de la dernière conférence de son Assemblée générale, dans sa tentative de proposer une nouvelle régulation mondiale, tandis que l’OMC tente de verrouiller à l’avance les possibilités d’action contre le changement climatique par une nouvelle fuite en avant libérale.
Attac France,
Montreuil, le 29 juin 2009