Que s’est-t-il passé à New Delhi ? Quels sont les enjeux du moment ?
Ce Week End [3 et 4 septembre 2009] se sont rencontrés à New Dehli, les ministres d’une trentaine de pays. Initialement
présentée comme une réunion du G20, cette réunion regroupait aussi les coordinateurs de la plupart
des groupes qui négocient à l’OMC [1]. Les résultats de cette réunion ne sont pas très clairs.
Pas d’avancée significatives mais les pays en voie de développement « acculés »
D’une part, l’agence de presse Reuters, parle du « relancement » du cycle de Doha. Elle s’appuie pour
cela sur le fait que les pays en développement (ACP, pays les moins developpés, économies petites
et vulnérables, CARICOM etc) se sont ralliés au G33 représenté par l’Indonésie et à la position du
G20 mené par le Brésil et la Chine pour accepter la proposition de Décembre 2008 comme base de
discussion. Etranglés par la crise, et n’ayant aucune ressource pour atténuer ses effets (à la différence
des pays du G20), ils s’accrochent au seul modèle de développement qu’ils connaissent. Dicit le
ministre des affaires étrangères de l’île Maurice « nos économies sont dépendantes du commerce
pour leur survie ». Ces pays ont donc réaffirmé New Dehli voir dans la résolution du cycle de Doha
en 2010 une nécessité pour relancer leurs économies.
D’autre part, les impressions de plusieurs délégués, font plutôt écho d’une réunion où « il ne s’est
rien passé ». Le sentiment général est que l’Inde a convoqué cette réunion surtout pour ne plus
passer pour le vilain petit canard des négociations. Elle souhaitait obtenir des Etats Unis et de
l’Europe des avancées dans le domaine des services. Mais ceux-ci se débattent avec leur récession
économique et ne peuvent donc prendre aucun engagement dans le domaine des services. Les pays
développés entendent sortir de la crise en s’appuyant sur l’ouverture des marchés des pays en voie
de développement et inversement ! On comprend que les négociations s’autobloquent. Les points de
discordance habituels (par exemple les mécanismes de sauvegarde en cas de flambée des importations)
n’ont pas été discutés.
Les Etats Unis peu moteurs
Certes, la plupart des parties, s’accordent pour prendre la proposition de Décembre 2008 comme
base de discussion (et la nouveauté de New Delhi c’est le ralliement des pays les plus affectés par la
crise). Mais les Etats Unis ont plutôt insisté sur le caractère non « sacrosaint » du document. A New
Dehli, ils ont essayé d’obtenir des ouvertures de marchés pour différentes cultures (soja, riz, maïs et
coton) mais pour autant proposer de concession particulière en échange.
Du côté de l’administration américaine, Michael Punke a été proposé par Obama pour devenir le
nouvel ambassadeur des Etats Unis à l’OMC. Sa nomination doit encore être approuvée par le sénat
américain, mais viendrait compléter une équipe toujours en cours de constitution. (Obama doit encore
désigner le chef des négociations agricoles). Au delà de ces questions pratiques, le problème de fond
reste l’ambivalence du moment de la ligne politique américaine. En tant que candidat, Barack Obama
a marché sur un fil entre protectionnisme et économie libérale. Aujourd’hui, il n’a pas fait avancer les
négociations en cours des accords de libre échanges avec la Corée du Sud, Panama, et la Colombie
et n’a pas réagi après les déclarations protectionnistes du Canada et du Mexique. On sent que les
choses ne sont pas mûres car Ron Kirk a du publier un démenti après avoir annoncé un peu vite
que Obama expliciterait sa politique commerciale au sommet de Pittsburgh fin septembre. Catherine
Ashton, elle-même, a d’ailleurs reconnu les difficultés auxquelles était confronté Ron Kirk - nouveau
représentant américain aux questions commerciales. Celui-ci est très peu soutenu pour faire avancer
les négociations du cycle de Doha car celui est perçu comme hérité de l’administration précédente.
Les thématiques principales de la nouvelle administration sont les questions climatiques et de santé,
pas tellement les questions commerciales.
Les étapes suivantes pour faire avancer les négociations du cycle de Doha :
– rencontre des hauts fonctionnaires à Genève le 14 septembre
– réunion du G20 les 24 et 25 septembre à Pittsburgh aux Etats Unis
– réunion informelle du groupe des pays Africains membres de l’OMC, à l’initiative de L’Egypte
autour du 27 octobre
Quelles actions et quelles mobilisations ?
Les organisations membres de Via Campesina, ont été très mobilisées contre la tenue de la mini
ministérielle de New Delhi (voir article sur le site internet). D’après les journaux, New Delhi n’avait
pas connu de mobilisation de cette ampleur depuis de nombreuses années (plus de 50,000 manifestants
dans les rues, paysans, ouvriers et étudiants réunis). Déçu par les positions prises par leur ministre
pendant ces deux jours, elles ont promis d’intensifier leurs mobilisations au niveau local, et national
jusqu’à ce que le Ministre du commerce et le premier ministre accomplissent leur promesse de
effectivement prendre des mesures pour protéger l’agriculture indienne.
De son côté, aux Etats Unis, la Via Campesina Amérique du Nord, prépare des actions pour la prochaine réunion du G20 à Pittsburg.