Est-ce que tu peux nous raconter comment
vous vous êtes organisés, au début et au
cours de votre combat ?
Didier Bernard – Alors, au tout début, quand on appris la
nouvelle, je peux te dire que ça a été un coup
de massue terrible. Parce que là on rentrait
dans une chose innommable et irréversible.
C’était une fermeture d’une usine gérée par
des patrons voyous qui font du bénéfice. Dans
une incompréhension la plus totale pour les
ouvriers qui pensaient qu’avec le dernier accord
de 40 heures signés, très récemment, qu’un avenir
à Continental Clairoix était assuré. Quand il y a
eu cette annonce de cette fermeture toute le
monde est tombé sur le cul.
La chance quand on a eu c’est que quelques un
n’ont pas perdu l’esprit, n’ont pas perdu la tête et
ils n’ont posé aucun genou à terre. Nous avons
pris contact avec un mec en référence au rapport
au combat des Chaussons à Creil dans les années
quatre-vingt dix , mi-quatre-vingt dix. Ce Monsieur
a répondu présent dés le départ. Il a jugé, il a jaugé,
il a vu très vite comment ça se passait, comment
ça s’est fait élaborer. Et tout de suite il a pris des
choses en main.
On a élaboré un stratégie avec une ligne de
conduite qui tendait à dire : aujourd’hui on
décide de ça. Si vous l’adoptez en assemblée
générale, il ne faudra absolument pas, à aucun
moment, déroger d’un iota de cette ligne de
conduite. Cette ligne de conduite, elle est
comme ça, si vous faites en biseau, en travers,
si vous vous sous-estimez, vous allez voir des
problèmes. Si vous adhérez à l’idée qu’il faut
aller d’un point A à un point B pour aller au
plus court, jusqu’au bout, alors, en face, ils vont
avoir des souci.
C’était très dur à faire admettre aux gens. Parce
que pendant ce temps-là, en plus, d’arriver à
admettre et faire admettre aux gens que des
mauvaises choses se préparaient, et aussi bien
des opérations de combat pour montrer à
l’état et la direction de ce que l’ont été capable,
malgré avoir pris une grande claque dans la
gueule, on était capable de relever un genou,
voire les deux, et puis on est rentré en lutte.
Cette chose-là a été relativement facile. Les
gens étaient tellement écœuré. Ils ont voulu,
pas se venger, mais ont voulu de se battre,
combattre, tout de suite.
Le deuxième problème, c’est par rapport à
l’arrivée de ce conseiller, ex de Chausson, proche
de LO, c’est qu’on a eu plein de détracteurs
qui, par rapport à son appartenance politique,
ont tout fait, fait en sor te, de discréditer le
mouvement. Les six premiers semaines, malgré
l’intersyndicale, ont été géré par la CGT. On ne
peux pas, en disant ça, tirer la couverture plus
sur une étiquette que sur une autre. Sauf que
pendant six semaines il a fallu aussi, en plus de
la bataille contre l’état et la direction allemande,
il a aussi fallu batailler avec les syndicats au sein
de l’intersyndicale. Quand certains syndicats au
sein de l’intersyndicale ont aperçu et ont compris
l’importance, le bien-fondé de sa présence, de
la ligne de conduite qu’il avait insufflé, à ce
moment-la les portes se sont ouvertes pour
nous et le travail s’en est mieux ressenti.
Sauf que c’était pas toujours rose, c’était
compliqué, ça a été long et ça n’a pas été
vrai pour le tout le monde, ce que je viens
de dire. Mais néanmoins, une fois qu’on a
occulté toutes ces saloperies, tous ces petits
problèmes conditionnels, politiciens, une fois
que tout a été réglé, nous sommes rentré
dans la vraie lutte. Parce qu’en face il n’y avait
plus un ou deux mecs récupérés par une
secte ou par l’extrême gauche, mais il y avait
un front commun y compris les cadres. Il y
avait les gens de la CFDT, de FO, qui nous
suivaient depuis le début. Je dirais frileusement,
timidement, avec leurs moyens à eux, avec
leurs caractères à eux. Mais un moment il y
avait un front commun, plus fort, plus uni, alors,
tout le monde s’est lâché et on est rentré en
vraie bataille. Et en face ils ont commencé a
nous prendre au sérieux. Ça a été long, mais
on y est arrivé.
Contre la fermeture
Oui. Syndicalement parlant, on a été au
départ contre la fermeture. Les soucis avec
les allemands c’est que l’usine était déjà fermé
pour eux. De façon irrémédiable ils nous ont
dit très vite, parce qu’il y avait quatre projets
de fermeture qu’ils ne reculeront pas et que
cette usine fermerait.
Nous, on s’est dit … le plan social venait de
démarrer on ne va pas perdre de temps pour
la non-fermeture, parce que le plan social sera
légalement terminé et on ne pourra plus rien
négocier. Alors, on change le fusil de l’épaule,
… et on décide de discuter et de négocier.
Mais en dehors du plan social. On discute plus
de la non-fermeture, ok, on voulait discuter,
mais on discute de nos revendications, pas les
leurs, pas dans les livres 3 et 4. On s’en foutait.
On a mis deux mois pour y arriver …
La fermeture était irrémédiable, irrémédiable.
Si on avait été en France, peut-être on aurait
pu encore faire cer taines choses, mais j’en
suis pas persuadé, quant à Allemagne, vue la
distance et le fait que c’est un autre pays, on
n’aurait pas pu faire grande chose. On n’a pas
été appuyé par la politique de droite, avec ce
gouvernement de droite qui a instauré des
lois pour que les patrons puissent faire des
bénéfices. C’était pas la peine de perdre du
temps. … Donc, on s’est battu pour obtenir
des garanties, des droits et des primes à nos
camarades. Eux aussi, ils ont adopté cette idée.
Maintenant, nous sommes quasiment à l’aube
d’un accord final.
Ce qu’on a obtenu
Par rapport à l’accord de 40 heures dont on
a été floué, haut les mains, puisque cet accord
stipulait un avenir radieux jusqu’en 2012. Donc,
la première revendication, parce qu’on s’est fait
avoir, c’était le maintien de contrats de travail,
jusqu’à fin 2011, début 2012. Le respect de leur
engagement par rapport à leur accord de 40
heures signé en 2007. Cette revendication du
maintien de contrats de travail sous quelque
forme que ce soit, on l’a obtenu. Il y a quelques
mois de chômage partiel, il y a quelques mois
de travail Conti payé par Conti, effectué chez
nous. C’est-à-dire, on remettra plus jamais le
pied dans l’entreprise. Et surtout il y a 23 mois
de congé de reclassement, alors que légalement
parlant, c’est 9 mois. Là on a réussi à discuter
avec l’état, de façon très difficile, et surtout des
fois très âprement. On a réussi à faire sauter le
verrou légal de 9 mois. ... L’état leur a permis de
faire sauter le verrou de la légalité de 9 mois.
C’est continental qui paie tout ça. Au début
ils ne voulaient pas parce que l’état en France
prévoit un congé de reclassement de 9 mois.
Dès l’instant où notre interlocuteur de l’état
leur a dit : Vous pouvez franchir la barrière. La
direction de Continental a dit : ok, on vous paie
le congé de reclassement. Ce sont quatre vingt
pourcent du salaire net jusqu’à 2012 et on ne
tombera pas dans la précarité ou le chômage.
La deuxième revendication. La prime de départ
de 50.000 net de toute imposition. Pour tout
le monde. L’avantage de cette revendication
c’est que on a chez nous des gens de trois
ou quatre ans d’ancienneté. S’ils étaient partis
…sans prime, ils seraient partis avec 2400 ou
3000 Euros . C’est-à-dire : Que dalle. Rien.
L’avantage de cette revendication c’est que
les plus jeunes vont partir avec 50.000 Euros.
Pour les anciens, forcément, c’est un bonus
parce que c’est un prime non-prévu, qui …,de
fait, double quasiment leur prime de départ.
Mais surtout pour les jeunes, par rapport à
leur ancienneté, qui dès leur embauche, ont
acheté des maisons, qu’ils seront incapable
de payer. Cette prime substitue un salaire de
remplacement pour leur permettre de voir un
avenir légèrement meilleur que tomber dans la
précarité tout de suite.
La troisième revendication : c’est la mesure
d’age, qu’on appelle la mesure de portage
pour les plus anciens. On a réussi à faire en
sorte, qu’avec les mesures légales maximales,...,
aujourd’hui, il y a 116 personnes de 51 ans et
demi qui sont en quasi retraite. Aves des mesures
de portage quasiment payé intégralement par
Continental. Les trois revendications majeures
que nous avions depuis trois mois, depuis le
début sont quasiment arrivés à terme, est
obtenu à 100 %.
Et maintenant ?
Alors, aujourd’hui on a toujours un gros souci.
Pour arriver à faire venir autour de la table
l’état et la direction allemande de Continental,
il a fallu, malheureusement, dans un grand
moment de grand désarroi, de désespoir, de
détresse profonde parce que des gens ont
pensé d’être lâché par l’état, par la direction
allemande, qui pourrissait le mouvement, par
la justice,… quand ces gens se sentent lâchés
par tout le système, qui pourtant auraient dû
être là pour les aider plûtot que être complice
les uns vers les autres, quand les gens sont
rentré dans cette période de désarroi, quand
ils se sont dit on ne doit que compter sur
nous-mêmes il y a eu une sous-préfecture
quasiment rayée de la car te. C’était pas
volontaire, prémédité, motivé, sauf que à ce
moment-la, les gens n’ont plus rien a perdre.
Si on se retrouve dans la merde, le chômage,
la misère, la précarité, tout de suite, mort pour
mort, comme on pourrait dire. dans ce cas-là.
Tant pis, foutu pour foutu.
Face les problèmes judiciaires.
Maintenant par rapport à cette affaire-là il s’est
passé deux choses. Deux heures après on nous
a annoncé par l’état qu’on a enfin obtenu
une réunion tripar tite officielle, avec l’état
et la direction Continental AG. La deuxième
chose par rapport à cette affaire ce qui est
un point noir : Il y a sept de nos camarades
qui sont poursuivis pour le saccage de la
sous-préfecture. Aujourd’hui, notre lutte, elle
réside en priorité dans l’arrêt de la poursuite
contre nos sept camarades. Ce sont pas des
criminels, ce sont des travailleurs, qui ont, pour
la plupart, travaillé depuis trente ans, vingt ans
qui se sont senti lâché et trahi, une première
fois, par Continental, qui leur a promis un
avenir radieux, la deuxième fois par l’état et la
justice complice des patrons voyous qui font
des bénéfices en France et ferment des boîtes,
qui ne protège pas les salariés, la population,
leur citoyens.
Un appel des continental à l’ensemble de
salariés victimes de plans de licenciements
rencontrerait un écho important ?
J’en suis persuadé. Durant de notre combat
on a été soutenu et suivi par la France, dans
des différentes boîtes, qui ont été maltraitées,
de localisées, licenciées, fermées. J’espère qu’au
travers de ce qu’on a fait, même si au final il
y a une fermeture chez nous et nous sommes
des anciens salariés licenciés malgré tout ça, le
fait d’avoir obtenu des garanties et des moyens
de nous permettre peut-être de traverser la
crise, peut-être d’être reclassé, de peut-être
retrouver du travail. J’espère que tout ça aura
insufflé quelque part l’idée de se battre et de
combattre. Des gens, qui pensait que tout cela
était inutile, sans espoir, et forcément sans cause.
Non seulement on a prouvé le contraire, même
désespéré, on peut arriver à quelque chose. Il
n’ y a aucune cause inutile. Tout combat est
bon à prendre. Tout combat est bon à faire.
Au bout selon le conviction, le courage et la
détermination on peut arriver à tout .
Est-ce que vous allez continuer à rencontrer
les travailleurs de Goodyear ou les travailleurs
de Lear ?
Oui, oui, en effet, nous allons continuer. Le
simple fait de ne plus être payé et de ne
plus rentré dans l’usine, de ne plus rien faire.
Nous avons quelques mois devant nous
avant le congé de reclassement. UTI, Lear,
Smile, Goodyear et alentours, tout ceux qui
ont besoin de nous, pourront compter sur
nous. On l’avait dit, répété et stipulé à tous
ceux qui voulaient nous entendre. Ils peuvent
compter sur nous .Et ça, ce n’est pas un mot.
Les copains, les camarades, tous ceux qui sont
dans la détresse ou dans une merde patronale,
ils pourront compter sur nous. Ils pourront
compter sur nous.
Pour en savoir plus :
http://continentalweb.free.fr/