Dans les coulisses diplomatiques, on parle de plus en plus de la
possibilité pour Israël de lancer une nouvelle attaque contre le Liban.
Apparemment, le gouvernement israélien aurait renoncé à tenter une
opération militaire contre l’Iran à la demande pressante de
l’administration américaine qui souhaite laisser toutes ses chances au
processus de dialogue entamé avec Téhéran ; et surtout qui ne peut se
permettre un nouveau bourbier en Iran, alors que les dossiers sanglants en
Irak et en Afghanistan n’ont toujours pas été réglés. Des sources
diplomatiques révèlent ainsi que face à l’impasse dans laquelle se trouve
actuellement l’ensemble de la région, toutes les parties concernées
attendent un événement qui pourrait être générateur de déblocage. L’Irak
est en pleine campagne électorale et guette la formule qui sera adoptée
pour le retrait des troupes américaines de son territoire, l’Afghanistan
s’enlise dans un conflit qui englobe aussi le Pakistan, les négociations
israélo-palestiniennes sont au point mort... et bien sûr, dans la foulée
de ce blocage général, le Liban n’a toujours pas de gouvernement.
Dans cette période « grise » et incertaine, les Israéliens songeraient à
entreprendre une action qui faciliterait une relance du processus de
négociations, à leurs conditions... L’option de l’action militaire contre
l’Iran ayant été écartée, il lui reste le choix entre une opération à Gaza
ou une autre au Liban. L’attaque contre Gaza étant considérée comme une
réédition de celle de décembre dernier et ne pouvant pas aboutir à un
changement stratégique dans la situation régionale, c’est l’option
libanaise qui serait ainsi retenue, d’autant qu’elle toucherait par la
même occasion la Syrie et l’Iran et devrait en principe porter un coup
important à l’alliance « démoniaque » pour Israël entre le Hamas, le
Hezbollah, la Syrie et l’Iran.
L’écrivain et expert en questions militaires Richard Labévière rapporte
qu’une rencontre plus ou moins discrète a eu lieu au début du mois
d’octobre entre le chef d’état-major israélien Gabi Ashkénazi et ses
homologues américain et français, l’amiral Michael Mullen et Jean-Louis
Georgelin, dans le cadre d’une visite-éclair de l’officier israélien en
France. Avec son homologue américain, le chef d’état-major israélien a
évoqué les préparatifs des manœuvres militaires conjointes
américano-israéliennes, qui se sont déroulées à la fin d’octobre et qui
sont destinées à renforcer le dispositif de défense israélienne en testant
les systèmes antimissiles, impliquant la marine et l’aéronavale ainsi
qu’un nouveau système de radar. Avec son homologue français, Ashkénazi a
évoqué la situation au Liban, puisque la France y a engagé une force
importante dans le cadre de la Finul. Les dossiers syrien et iranien ont
aussi été abordés et l’officier israélien aurait assuré à son
interlocuteur qu’Israël a renoncé à attaquer l’Iran au moins pour les six
prochains mois. Mais il n’a donné aucune assurance du même genre au sujet
du Liban. Par contre, les réservistes de l’armée israélienne en France et
dans d’autres pays européens comme l’Espagne et l’Italie auraient été
rappelés en Israël, selon un calendrier s’étalant de novembre jusqu’à la
fin de décembre. À elle seule, cette information pourrait constituer un
indice sur la préparation d’une opération militaire d’envergure. Labévière
estime à ce sujet que l’option serait sérieusement envisagée, d’autant que
l’armée israélienne a une revanche à prendre sur le Hezbollah, après
l’échec de l’attaque de 2006, qui visait initialement à affaiblir la
formation et à porter un coup fatal à son arsenal. L’expert en questions
militaires précise qu’Israël pourrait tenter cette fois une opération par
la Békaa-Est, dans la zone considérée comme le ventre mou du Hezbollah et
qui en même temps est suffisamment proche de la frontière syrienne pour
adresser un message fort aux autorités de Damas. Il s’agirait d’une
opération terrestre qui engagerait sur le terrain 120 000 fantassins et
nécessiterait un grand déploiement d’artillerie ainsi qu’un millier de
blindés. Le plan ne consisterait pas à s’installer dans cette partie du
territoire libanais, mais aurait pour objectif d’empêcher le Hezbollah de
déployer sa force militaire à proximité de la frontière israélienne.
L’opération serait aussi de nature à modifier la donne interne au Liban en
affaiblissant l’opposition, modifiant ainsi le rapport de forces entre les
deux camps qui ne parviennent pas à s’entendre pour la formation d’un
nouveau gouvernement. Labévière révèle aussi que les forces spéciales
israéliennes ont été réorganisées et sont engagées dans des programmes
d’entraînement intensif dans le secteur des fermes de Chebaa.
Pour les sources diplomatiques, une telle opération pourrait servir de
catalyseur pour débloquer toutes les crises en suspens dans la région et
pourrait même servir la politique du président Obama qui, pour l’instant,
continue de piétiner dans la région et qui a plus que jamais besoin d’une
relance du processus de négociation israélo-palestinien. De plus, Israël
sait parfaitement qu’en attaquant le Hezbollah, il provoquera, au pire, un
tollé diplomatique, alors que les autres options risqueraient d’entraîner
des conséquences bien plus graves.
Officiellement, le Hezbollah n’accorde pas beaucoup de crédit à la
possibilité d’une nouvelle agression israélienne dans un proche avenir, et
ses cadres répètent à l’envi que l’organisation est prête à toutes les
éventualités et que le résultat d’une nouvelle agression sera pire pour
Israël que celle de 2006. Mais en douce, certaines sources proches du
parti se demandent si, quelque part, il ne faudrait pas chercher de ce
côté l’explication du retard dans la formation du gouvernement...