Eric Raoult, député UMP, rapporteur de la mission André Gérin sur la burqa et l’identité nationale, demande au ministre de la culture de rappeler à Marie NDiaye, qui avait osé critiquer la « France de Sarkozy », « le devoir de réserve dû aux lauréats du prix Goncourt (...) prix littéraire français le plus prestigieux ».
Il trouve les propos de Marie NDiaye « peu respectueux (...) à l’égard de ministres de la République et plus encore du chef de l’Etat », et précise qu’« une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions, plus de respecter le rôle et le symbole qu’elle représente », et suggère « de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d’une plus grande exemplarité et responsabilité ».
Ainsi le « devoir de réserve » ne concerne-t-il plus seulement les fonctionnaires soumis au pouvoir hiérarchique du ministre dont ils dépendent, mais aussi les écrivains. Pour M. Raoult, Marie NDiaye « défend les couleurs littéraires de la France », donc elle « se doit de respecter la cohésion nationale et l’image de notre pays ». Faudrait-il donc classer les candidats au prix Goncourt par équipes nationales et leur faire chanter La Marseillaise en cas de victoire des « couleurs littéraires de la France » ?
Au cas où ce député si proche du président de la République serait tenté d’appliquer à Marie NDiaye la formule empruntée par Nicolas Sarkozy à Jean-Marie Le Pen : « La France, on l’aime ou on la quitte », il n’est peut-être pas inutile de lui rappeler que si les ancêtres de Marie NDiaye sont rangés par le discours de Dakar dans la catégorie de « l’homme africain incapable de s’élever vers le progrès », elle n’a besoin ni de carte de séjour pour être notre concitoyenne ni de conseils en docilité pour « s’intégrer ».
Dérive éthique
Reste à savoir quelle sanction le député souhaite que le ministre de la culture lui applique : interdiction d’accorder des interviews avec sursis et mise à l’épreuve ? de publier ? de faire partie de l’« équipe de France » littéraire pour le prochain prix du président de la République ? Jusqu’où ira la dérive éthique qui traverse, depuis de longues semaines, le gouvernement actuel et sa majorité parlementaire ?
Marie NDiaye expliquait, dans l’entretien qu’elle a accordé aux Inrockuptibles et qui a suscité l’injonction identitaire du député du Raincy, pourquoi elle avait choisi de vivre à Berlin depuis 2007 : « Si Angela Merkel est une femme de droite, elle n’a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n’a plus. » On saura gré à M. Raoult d’en avoir apporté une nouvelle preuve particulièrement éclatante.