Alors que les sondages prédisaient déjà que le Pasok allait remporter les élections, journalistes et commentateurs se demandaient jusqu’au dernier moment si Georges Papandréou obtiendrait la majorité absolue, ce qui lui permettrait de former immédiatement son gouvernement sans passer par des transactions avec d’autres forces politiques : pari réussi, avec 53 % des députés au parlement.
Malgré leur défaite cuisante, les néolibéraux de la Nea Dimokratia de Kostas Karamanlis reste, avec leur 33,4 % de voix, le deuxième parti du pays, suivi du Parti communiste grec avec 7,5 % et du Laos, l’extrême droite populiste ayant progressé de près de 2 % depuis 2007, à 5,6 % des voix. La « gauche de la gauche », Syriza, avait déjà fait un meilleur résultat par le passé, mais avec ses 4,6 %, elle franchit la barre du quorum et entre au parlement, ce qui n’est pas le cas des Verts avec leur 2,5 %.
Les six années passées dans l’opposition ont été pour le Pasok une cure de jouvence. Papandréou a très bien su jouer le rôle de leader oppositionnel dénonçant à chaque occasion les mauvais choix de Karamanlis, et fustigeant tantôt l’inertie de son gouvernement, tantôt son implication dans des scandales financiers.
La Nea Demokratia a montré son incapacité totale à gouverner. Pour la deuxième fois depuis 2007, Karamanlis a recouru à des élections anticipées, sans compter les innombrables remaniements de gouvernement, par lesquels il cherchait à épurer l’équipe gouvernementale des éléments les plus incapables, les plus impopulaires ou les plus lourdement soupçonnés de corruption. Vu son score électoral, Karamanlis a annoncé sa décision de se retirer de la direction du parti.
Extrême droite en embuscade
L’extrême droite, Laos, exploite adroitement le mécontentement de la population, la peur du lendemain, l’insécurité due au chômage ou à la précarisation de l’emploi. Le bouc émissaire est vite trouvé : l’étranger. Le discours xénophobe fait des adeptes dans ce pays de transit pour les réfugié·e·s et les demandeur·euse·s d’emploi venant non seulement de pays asiatiques et africains, mais également des Balkans ou de l’ancienne URSS. Critiquant la corruption de la Nea Dimokratia, le Laos essaie de s’attribuer le label « mains propres ». Il est en outre ultranationaliste et très proche des milieux religieux ultraconservateurs.
Le parti communiste grec subit une perte minime, probablement grâce au réflexe du « vote utile ». C’est un parti écouté, dont les consignes sont suivies. Il est en outre présent dans les syndicats et dans les luttes. Mais il fait preuve d’un sectarisme extrême. Sa secrétaire générale, Aleka Papariga, perd autant de salive à dénoncer la Nea Dimokratia, la droite et le capitalisme, que l’organisation de la gauche radicale Synaspismos.
Syriza est une jonction de plusieurs composantes, qui s’affichent comme telles (Synaspismos, les « Citoyens actifs », les trotskistes de la DEA entre autres et des « inorganisés »), et forment un front commun de luttes tant électorales qu’extra-parlementaires. Le groupe parlementaire de Syriza compte 13 députés (dont seulement deux femmes hélas). Une composante de Syriza, le Synaspismos (coalition de la gauche, des mouvements sociaux et de l’écologie) existe dans sa forme actuelle depuis 2003. Ce parti, qui s’engage pour le socialisme démocratique, le féminisme, l’écologie et l’antimilitarisme, est actuellement présidé par le jeune mais très compétent Alexis Tsipras (35 ans).
Et maintenant ?
La première échéance pour Papandréou tombera le 24 octobre, à Bruxelles. La Grèce présente aux yeux des autorités européennes un déficit excessif. Lors de cette réunion des 27, Papandréou demandera à ses partenaires un délai de trois ans pour pouvoir présenter un déficit budgétaire conforme au traité de Maastricht, soit 3 % du PNB. Comment y parvenir ? Là où Karamanlis préconisait un gel des salaires du secteur public et des pensions des retraité·e·s, ainsi qu’une accélération des privatisations pour limiter les dépenses publiques, Papandréou a pris des mesures un peu différentes : dès son élection, il a lancé un « plan immédiat de cent jours », un programme de relance comprenant, entre autres, une hausse des salaires et des retraites supérieure à l’inflation, et un gel des tarifs des prestations publiques. De surcroît, il entend taxer plus fortement les grandes fortunes et, chose nouvelle, taxer la fortune ecclésiastique. Parviendra-t-il à redresser les finances du pays sans que les salarié·e·s et les petits revenus en fassent les frais ? Avec un parlement à gauche, il le pourrait potentiellement. Dans une Assemblée de 300 élu·e·s, le Pasok dispose de 160 sièges, grâce à la loi électorale qui bonifie le premier parti de 40 sièges. Le PC en a 21 et Syriza 13. S’il le voulait vraiment, Papandréou aurait la possibilité de faire voter des lois progressistes. Il y a de nombreuses écuries d’Augias à nettoyer.
Mais l’histoire politique récente de la Grèce a montré qu’il y avait souvent loin des promesses électorales aux mesures concrètes. Que le Pasok tienne ou non ses promesses, cela dépendra surtout de l’évolution des rapports de force sociaux dans le pays. Le mouvement social a montré ces derniers mois une vigueur encourageante : révolte des jeunes, des paysans, grandes grèves dans le secteur du textile, etc. Juste avant les élections, Karamanlis a été contraint de retirer son projet de réforme des universités de peur d’une explosion dans la jeunesse en période électorale. Preuve que l’agenda politique et social est avant tout dans les mains de la population travailleuse…
Anna Spillmann