Franchement, cela ne vous dirait pas d’assister à un débat parlementaire sur la fessée ? De savoir quel député a des souvenirs cuisants, comment tous ces élus élèvent leurs enfants et laquelle ou lequel d’entre eux n’a jamais levé la main pour se faire obéir ? On se moque beaucoup de la proposition de loi déposée par Edwige Antier visant à interdire les châtiments corporels sur les enfants.
Parce que, en cette période de crise économique, on a d’autres chats à fouetter, parce que la loi n’aurait pas à s’immiscer dans la sphère privée et l’autorité parentale, et que l’on a coutume de dire qu’une fessée n’a jamais tué personne, l’initiative de la pédiatre et députée UMP de Paris suscite davantage de sourires ou d’exaspération que de réflexion ou d’approbation.
Les mauvaises langues diront que Mme Antier profite du vingtième anniversaire de la Convention des droits de l’enfant pour revenir à la « une » des médias, d’autres se souviendront que la défenseure des enfants a présenté, en février, devant les Nations unies, à Genève, une proposition similaire. Nadine Morano n’a pas réagi. Pourtant, la secrétaire d’Etat à la famille a signé, le 10 septembre 2008, l’appel du Conseil de l’Europe intitulé « Levez la main sur la fessée ». Il est vrai que ce fut une signature très discrète...
Dix-huit Etats membres du Conseil de l’Europe ont imposé l’interdiction des châtiments corporels aux enfants ; dès 1979 en Suède, plus récemment en Espagne et en Grèce. Faut-il s’en moquer ? Lundi 16 novembre, un psychothérapeute, qui prend régulièrement en charge des enfants, m’a appelée. Ce fut comme un appel d’urgence. Il voulait que l’on sache que « l’idée d’interdire la violence éducative ordinaire est absolument nécessaire ».
Peu importe que ce soit Mme Antier qui relance le débat ; l’important, à ses yeux, était de faire savoir que le sujet n’est pas anecdotique, qu’il fallait relire les ouvrages d’Alice Miller et d’Olivier Maurel pour comprendre qu’il n’y a pas de « bonne » fessée, que ne pas taper ne signifie pas tout accepter et que bannir toute forme de violence contribue à construire un monde meilleur.
« En trente-huit ans de pratique dans mon cabinet, je vous assure que les enfants qui n’ont jamais reçu de fessée sont les mieux élevés, plus à l’écoute des adultes et de leur autorité », témoigne Mme Antier. Facile à dire, rétorqueront ceux qui s’exaspèrent de ces « prises de tête » sur l’éducation des enfants et pour qui la fessée a le mérite d’être simple et claire.
Les livres de spécialistes de l’enfance consacrés au casse-tête parental de la punition ont envahi les librairies. La majorité bannit les punitions corporelles, faisant valoir que la violence physique ne peut pas être une réponse éducative et que d’autres sanctions - la réparation, la privation, les excuses - ont fait leur preuve. L’autorité n’a pas besoin de coups pour être incarnée. Mais, alors, que fait-on des fessées qui se perdent ?