Berlin Correspondante
Le communiqué - lapidaire, trois phrases seulement -, a fait l’effet d’une petite bombe en Allemagne. Oskar Lafontaine, chef de file du parti de la gauche radicale Die Linke, a révélé, mardi 17 novembre, être atteint d’un cancer. Il devait subir, jeudi, une intervention chirurgicale. L’ancien patron du Parti social-démocrate (SPD), âgé de 66 ans, décidera début 2010 de la suite à donner à sa carrière politique, « en fonction de mon état de santé et de l’avis des médecins », a-t-il précisé.
Début octobre, M. Lafontaine avait indiqué, à la surprise générale, renoncer à la direction du groupe parlementaire Die Linke. Il disait vouloir se concentrer sur ses autres mandats, à la présidence du parti et au Parlement régional de Sarre. Mais, depuis, les spéculations allaient bon train. Lui, le brillant tribun, se privait volontairement de l’arène du Bundestag ? Et cela, juste après avoir permis à Die Linke de triompher aux élections législatives fin septembre, avec un score de près de 12 % ?
La nouvelle de sa maladie lève donc le voile sur une énigme. Elle annonce peut-être aussi la fin d’une époque.
Qu’on le déteste ou qu’on l’admire, « Oskar » laisse rarement indifférent outre-Rhin. Son visage s’affichait, mercredi, en « une » du Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne. Car depuis son entrée sur la scène politique, le charismatique Lafontaine a toujours été l’homme de tous les superlatifs : le plus jeune maire d’Allemagne, élu à Sarrebruck à 33 ans ; le plus prometteur des « petits-fils de Willy Brandt » ; l’orateur politique le plus doué ; mais aussi le pire des traîtres, quand il abandonna, en 1999, la présidence du SPD et le portefeuille des finances au sein du gouvernement Schröder.
Il a réussi une étonnante reconversion en organisant avec efficacité une nouvelle force à la gauche de l’échiquier politique allemand. C’est sous sa férule, et en tandem avec l’avocat de l’Est Gregor Gysi, qu’est née Die Linke, improbable union entre d’anciens communistes d’ex-RDA et des déçus de la social-démocratie.
Nul doute que son départ laisserait la gauche radicale orpheline. Les caciques du parti ont bien tenté de tuer les débats dans l’oeuf en se disant persuadés qu’Oskar Lafontaine allait revenir très vite à son poste. Peine perdue. Ici et là, des voix réclament de commencer à réfléchir à un renouvellement. La question est délicate : Die Linke ne compte dans ses rangs aucune personnalité de l’envergure du duo Lafontaine-Gysi.
Le principal concerné se garde bien d’intervenir. Celui qui fut victime d’un attentat en 1990 - un coup à la gorge porté par une déséquilibrée - n’a donné aucun détail précis sur sa maladie. Mercredi, à la veille de son opération, il a participé aux débats du Parlement de Sarre, comme si de rien n’était.
Marie de Vergès