Quarante ans exactement après Stonewall [1], nous nous trouvons enfin au beau milieu d’une révolution des droits civiques des gays. Aujourd’hui, une grande majorité d’Américains peut se vanter de connaître des gays, lesbiennes, transsexuels, ou bisexuels. Le coming out, adopté dans les années 1970, est une pratique si répandue que l’opinion publique soutient désormais la fin des discriminations basées sur l’orientation sexuelle y compris dans les bastions, jusque-là imprenables, du mariage et du service militaire.
Tournant homophobe
Cette évolution progressiste de la conscience états-unienne semble si puissante que, même durant la présidence Bush, la Cour Suprême des Etats-Unis brisait la dernière loi contre la sodomie, alors que le Sénat rejetait un amendement visant à définir le mariage comme une institution exclusivement hétérosexuelle. Ce mouvement émancipateur semblait désormais irréversible. Or, les votes de l’an passé ont démenti cette illusion. Même après l’élection de Barak Obama, premier président afro-Américain de l’histoire des Etats-Unis, les électeurs-trices de quatre Etats ont refusé d’accepter les droits des gays et lesbiennes. En Arkansas, le droit à l’adoption pour les couples de même sexe a été refusé ; en Floride et en Arizona, leur mariage a été rejeté, alors que la Californie inscrivait dans sa constitution une clause définissant le mariage comme exclusivement hétérosexuel. En 2008, ce tournant homophobe a clairement démontré que l’orientation sexuelle demeure le dernier vrai bastion de la bigoterie de jure.
Le plus gay des Oscars
Cependant, cette défaite a amené gays, lesbiennes et leurs alliés dans la rue, réactivant l’organisation par en bas. En 2009, comme un fait exprès, le film de Gus Van Sant, centré sur la figure d’Harvey Milk [2] obtient l’Oscar du meilleur acteur masculin (Sean Penn) et du meilleur scénario. Une consécration pour un film mettant en scène un activiste hors pair de la cause gay aux Etats-Unis. En 2009, en outre, la Cour suprême de l’Iowa et les assemblées législatives du Vermont, du New Hampshire et du Maine ont accepté le mariage des couples de même sexe.
Cependant, malgré une douzaine de tentatives, ces forces n’ont, jusqu’à présent, jamais obtenu de victoire dans les urnes pour légaliser le mariage des couples de même sexe. […] Ce mois-ci, le Maine votera sur le mariage des couples de même sexe et les électeurs-trices de l’Etat de Washington pourront aussi se prononcer sur le partenariat. Que la défaite ne soit pas certaine est un maigre réconfort. Nous avons besoin d’un clair rejet de la bigoterie, similaire au succès que Milk a remporté contre l’initiative de [John] Briggs en 1978 [3]. Sans ce type de validation populaire, la révolution des droits civiques des gays et lesbiennes pourrait être hypothéquée.
Christopher Phelps