Amnesty International a rendu public, jeudi 9 février, son rapport sur les violences faites aux femmes. Les carences du dispositif judiciaire et législatif français sont patentes.
Trop souvent considérée comme relevant de la vie privée, la violence contre les femmes ne peut pourtant prendre fin sans une prise en charge collective, publique. C’est en effet de la place des femmes dans la société qu’il s’agit : à la maison, au travail, dans le bus ou en boîte de nuit, les violences qu’elles subissent limitent leur liberté d’aller et venir, de penser, de travailler.
C’est pourquoi le récent rapport d’Amnesty International sur les violences faites aux femmes en France interpelle l’État français sur ses responsabilités. Il porte sur les violences conjugales - qui touchent une femme sur dix et en tuent une tous les quatre jours -, sur la traite des femmes aux fins de prostitution, mais aussi sur les mariages forcés et les mutilations sexuelles féminines. Il dresse un état des lieux, non de la violence, mais de la réponse que lui apportent les autorités françaises. Amnesty pointe ainsi l’hétérogénéité des pratiques au sein du système judiciaire, la baisse des subventions aux associations d’aide aux victimes, le risque de perte du titre de séjour pour les femmes étrangères qui dénoncent un conjoint violent, le manque criant de lieux d’hébergement d’urgence, la limitation aux couples mariés de la mesure d’éviction du conjoint violent (loi du 26 mars 2004), ou encore le fait que les violences faites aux femmes n’apparaissent pas au programme de l’École de la magistrature. La mauvaise articulation entre procédures civile et pénale est critiquée, à juste titre, car elle permet au juge aux affaires familiales de conduire une procédure de divorce indépendamment d’éventuelles poursuites au pénal pour violences conjugales.
Le rapport dénonce également la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 : elle traite les prostituée non comme des victimes mais comme des délinquantes, puisqu’elle réintroduit le délit de racolage passif, qui peut être accompagné d’une mesure d’éloignement du territoire français. D’autre part, cette loi, que l’on doit à Sarkozy, conditionne le droit de séjour des prostituées à la dénonciation du proxénète, les mettant ainsi à la merci de représailles.
Quant au délai de prescription concernant les mutilations sexuelles féminines, la loi du 9 mars 2004 l’a ramené à dix ans après l’infraction, alors que la loi de 1998 le portait à dix ans après la majorité de la victime. Amnesty pointe du doigt ce recul : comment une petite fille, excisée à deux ans, pourrait-elle porter plainte avant ses douze ans ?
S’appuyant sur ce constat - et surestimant un peu le pouvoir des textes internationaux -, Amnesty avance des revendications pour que l’État français remplisse ses obligations au regard du droit international en matière de droits humains. Toutes ces revendications seraient satisfaites par une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, telle que celle élaborée par le Collectif national pour les droits des femmes (lire Rouge n° 2139). Le rapport d’Amnesty, très médiatisé, est un élément important pour mobiliser en faveur d’une telle loi.
* Le rapport intégral d’Amnesty International se trouve dans la rubrique « patriarcat » (dans « Théorie ») :
Les violences faites aux femmes en France : une affaire d’État