Basile Karlinsky est mort le 6 février, dans sa 81e année, demeuré actif jusqu’à il y a peu de mois, avant qu’une longue et pénible maladie ne réussisse à le terrasser. Avec lui disparaît un des vétérans du trotskysme, entré dans l’Internationale voici plus de 50 ans. Comme Victor Serge, fils d’un Russe blanc, il était, via la Résistance et un bref passage au PCF, entré au PCI à la fin des années 1940. Membre de la majorité française, lors de la scission de 1952, il fut de la tendance Bleibtreu - exclue par Lambert en 1955 - puis, successivement, du Groupe bolchevik-léniniste, de la rédaction de Tribune marxiste, de l’UGS puis du PSU dans la tendance socialiste révolutionnaire.
En 1962, il alla en Algérie participer à ce qu’on espérait un essor vers le socialisme. Il rejoignit alors la tendance de Pablo. Il dut fuir après le coup d’État de Boumedienne, comme tous les « pieds-rouges », et allait, peu après, devenir politiquement un électron libre. En 1974, il entra à Libération, et en devint le soviétologue. Il en sortit en 1995. Il n’adhéra plus qu’à Attac, qu’il finit aussi par quitter l’an dernier. Il était du petit groupe des anciens, à la fois proches et critiques de la LCR.
Son lien originel à la Russie, et sa parfaite connaissance de sa langue fit de lui un des meilleurs spécialistes de l’URSS. Avant de l’être professionnellement à Libération, il avait été le nôtre à La Vérité où, décortiquant minutieusement et lisant entre les lignes de la presse stalinienne, il réalisa, avec la collaboration de Marcel Bleibtreu, le directeur du journal, les meilleures analyses de ces années qui précèdent et suivent la mort de Staline. On ne peut donc que regretter qu’il n’ait pas donné forme de livre à ses travaux, en particulier sur l’armée, passée de rouge à soviétique, puis russe.
Sa chaude vitalité se manifestait dans tout ce qu’il faisait, non sans humour, et dans l’amitié fidèle qu’il provoquait en tous ceux qui l’approchaient. Il était de ceux sur qui l’on sait que l’on peut toujours compter. Nous devons la plus vive reconnaissance à Antoinette, la compagne et le soutien de toute sa vie.