Sur Europe 1, Éric Besson, ministre de la rafle et du drapeau, s’est félicité de « l’immense succès populaire » du débat sur Internet : 40000 contributions, dont seulement « 6 ou 7% de messages racistes ou xénophobes qui sont enlevés ». Il défie quiconque « de trouver un mot, un soupir qui ne soit pas entièrement républicain ».
Relevons ce défi. Parmi les internautes conservés, pas du tout racistes et très républicains, l’un affirme qu’être français « c’est d’abord le respect de l’histoire de France, de nos rois, ne pas chasser Charles Martel de nos livres d’histoire, ne pas avoir honte des croisades, ne pas renier l’ère de la colonisation ». Un autre, plus républicain encore, ajoute qu’être français c’est aimer « la France de Clovis, des Celtes, ne pas nier ses origines [...] Savoir que la France n’est pas née de la révolution [...] C’est nos châteaux et nos rois. C’est nos racines chrétiennes indéniables même si je défends la laïcité ». On pourrait en citer d’autres du même tonneau. Rien d’étonnant, car le « débat » est orienté pour stigmatiser l’étranger et le musulman. Dans sa circulaire aux préfets, Besson présente les personnes sans papiers comme « génératrices » de « délinquance ». Au fond, ce n’est pas seulement l’immigré qui est stigmatisé comme une menace contre la pureté française. C’est aussi, et peut-être surtout, ses enfants ou petits-enfants, ceux qui sont nés en France et ont toujours été français, mais qui sont plus souvent contrôlés au faciès et discriminés devant l’emploi, le logement… Et qui du coup sifflent la Marseillaise.
L’embarras de la droite, après le référendum suisse contre les minarets, en témoigne. Dominique Paillé, porte-parole adjoint de l’UMP, estime que les clochers des églises sont, eux, « un héritage historique », distinguant les « religions qui étaient là avant l’avènement de la République » et « celles qui sont arrivées après ». C’est au nom des « règles d’urbanisme » et de « nos us et coutumes » que Frédéric Lefebvre s’oppose aux minarets et à la burqa. Le prétexte des droits des femmes ne tient pas. Le combat féministe dénonce la burqa, non comme une insulte à « l’identité nationale », mais comme une prison ambulante. Si une loi venait à soustraire la burqa à notre vue, comme le souhaite la droite, elle conforterait l’enfermement familial, nullement la lutte contre toutes les formes d’oppression des femmes.
Pas question pour nous de participer àla mascarade du « débat ». Ce n’est pas à l’État de définir notre identité. Nos cultures, nos expériences sociales, nos itinéraires, nos vies, nos métissages, nous ont forgé des identités multiples. Aucune injonction à s’assimiler à un modèle dominant n’est acceptable. Nos valeurs d’égalité, de fraternité n’ont rien de cocardier. Elles sont par essence universalistes. Boycottons les causeries piégées dans des préfectures où le racisme de comptoir a droit de cité. Les éructations de Besson et du gouvernement reprennent le vieux cri de guerre de la droite nationaliste : dehors les métèques, juifs au début du siècle dernier, musulmans aujourd’hui. Ce « débat », c’est la libération du refoulé.
Des appels ont exprimé la condamnation de cette mascarade1. Des historiens ont réclamé dans Libération la suppression du ministère de l’identité nationale. Nous soutenons toutes ces initiatives. Mais c’est une vaste mobilisation antiraciste qui doit balayer la prétention gouvernementale de diviser le monde du travail et de nous dicter notre identité.
Emmanuel Sieglmann
1. Médiapart et Le Monde du 24 novembre
Le débat sur l’identité nationale n’est pas le nôtre
Communiqué du NPA
A son insu et sans autorisation, Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste se retrouve sur le site du débat sur l’identité nationale, organisé par le ministère de l’immigration, au travers de propos tenus sur France Info le 27 octobre dernier.
En conséquence, nous exigeons du ministère qu’il retire de la rubrique « ils s’expriment » la référence à Olivier Besancenot et à ses propos tenus sur France Info.
Ce procédé indigne est révélateur de la politique de M. Besson, serviteur zélé de N. Sarkozy, qui ne recule devant aucun moyen pour donner l’illusion d’un consensus sur un débat qui a pour fonction de rabattre vers l’UMP les électeurs qui seraient tentés de voter pour le Front national aux prochaines élections régionales.
Après les propos à caractère de raciste de B. Hortefeux, l’expulsion vers l’Afghanistan de trois refugiés qui avaient fui leur pays en guerre, la chasse aux sans-papiers qui perdurent, l’offensive idéologique d’E. Besson vise à faire diversion par rapport aux conséquences de la crise sociale qui voient le chômage frapper de plus en plus le monde du travail, la précarité exploser, les droits sociaux rayés de la carte.
Pour ce qui nous concerne, notre identité , nos valeurs sont celles de la solidarité internationale ; nous sommes du côté des exploités et des opprimés qui quotidiennement luttent contre le gouvernement Sarkozy-Fillon et le Medef à l’image des grèves actuelles de travailleurs sans-papiers pour exiger leur régularisation.
Le 4 novembre 2009.