Quelles solutions proposez-vous à la crise climatique ?
J’espère que les solutions au changement climatique viendront d’en bas, qu’elles seront construites à partir de l’expériences du mouvement global des exclus et des victimes du changement climatique. Je n’attends rien de Copenhague, mais du mouvement international qui se bat pour de vraies solutions.
Dans nos communautés, nous n’avons pas une consommation d’énergie très élevée, et ça ne signifie pas que nous ne vivons mal, parce que nous vivons bien. Donc tous ces appels à augmenter la production d’énergies sont mauvais. Bien sûr, il est nécessaire de trouver de nouvelles sources d’énergies renouvelables, comme l’éolien, mais nous devons nous assurer que cela soit basé sur les besoins des peuples, et non imposé par les besoins du marché et des multinationales. Nous avons été accusés de ne pas vouloir nous développer, sans comprendre que ce que nous voulons, c’est un mode de développement qui diffère de celui qui nous est imposé.
Que pensez-vous des solutions basées sur le marché, présentées comme pouvant résoudre la crise climatique ?
Les fermes éoliennes du Mexique ont été présenté comme s’intégrant dans les soi-disant « mécanismes de développement propre » et reçoivent des subventions dans le cadre de ce programme. Cependant, le combat contre le changement climatique ne pourra être gagné en marchandisant nos vies, puisque c’est cela même qui a été l’une des plus grandes racines du changement climatique. Pour résoudre la crise climatique, les projets d’énergie renouvelable, qu’il s’agisse, entre autres, de l’éolien, du solaire ou de la géothermie, ne peuvent être vues que comme du business.
Pour trouver de vraies solutions à la crise climatique, il ne suffit pas de commencer à produire de l’énergie renouvelable. Nous avons également besoin de nous attaquer à la consommation d’énergie excessive, particulièrement dans le Nord. Nous ne pouvons pas continuer à produire de l’énergie pour faire face à ces excès, en payant pour prix l’utilisation de terres destinées à produire notre nourriture.
Pourquoi résistez-vous à ces projets d’énergie renouvelable ?
Prenant le prétexte de développer les énergies renouvelables, les grandes entreprises occupent notre terre avec des éoliennes. L’agriculture, particulièrement les cultures de maïs, c’est l’essence de notre région, et elle va complètement être déplacée par ces projets de fermes éoliennes.
Le gouvernement, tout comme les entreprises, expliquait à l’époque que ces projets nous apporteraient du travail, et du développement pour toute la région. En lieu de quoi les gens perdent leurs terres, et l’énergie produite ne bénéficie pas au peuple mexicain. Qui plus est, aucun investissement ne reste dans le pays. Ces firmes annoncent qu’elles vont investir trois milliards de US dollars. 78% de ce montant sera investit dans l’achat de turbines en Allemagne, en Espagne ou au Danemark. Les 22% restants seront utilisés pour installer les turbines. Seul un petit pourcent sera alloué au développement de la région.
Qui plus est, le développement de l’éolien ne signifie pas que les autres sources d’énergie polluantes seront bannies, comme les barrages hydroélectriques. En fait, il se passe juste l’inverse, puisqu’il y a des discussions autour de l’installation d’une nouvelle centrale nucléaire au Mexique.
Voilà les raisons pour lesquelles nous demandons un moratoire immédiat sur les projets de fermes éoliennes. Nous n’avons pas été consulté convenablement, et les projets de fermes éoliennes ont été réalisés à travers des contrats des baux abusifs, obtenus par des multinationales qui ont violé les accords qui exigent une consultation locale pour de tels projets.
Ces expériences nous ont amené à penser que nous devons analyser avec attention ce sont les énergies alternatives, de même pour les solutions au changement climatique. Les vraies solutions doivent être pensées de manière globale. Nous ne pouvons pas boucher un trou pendant que nous en creusons trois autres au même moment.
À quelle situation votre communauté fait-elle face ?
Les multinationales ont saisi l’opportunité de produire de l’énergie éolienne sur notre terre. La plupart des firmes qui viennent sont d’origine espagnole : Endesa, Endesa, Union Fenosa, Preneal, Iberdrola, Acciona and Gamesa, mais il y a aussi des firmes Françaises, Suisses, Allemandes et Italiennes. Ces parcs éoliens font partie du plan « Pueba Panama » lancé en 2001.
Les entreprises, en collusion avec le gouvernement mexicain, manipulent les pauvres, pour la plupart des Indiens non-hispanophones de ma communauté, pour qu’ils signent des contrats de location qui signifie en réalité l’abandon de leurs terres pour 30 ans, compensé par des sommes ridiculement basses. Les propriétaires Indiens reçoivent 150 pesos (environ huit Euros) par hectare et par an. Ils reçoivent également un versement unique de 1000 pesos (environ 50 euros) s’ils signent le contrat. Ces accords ont été présentés à notre peuple en espagnol, alors que dans la plupart des cas, ils ne parlent que le zapoteco et ne savent pas lire l’espagnol.
Ces accords sont également trompeurs parce que les firmes ont promis que les propriétaires pourraient continuer à cultiver leurs terres. Mais le contract inclut, entre autres, la restriction que les cultures de plus de deux mètres ne peuvent être plantées (le maïs peuvent pousser plus haut). En revanche, les firmes n’ont aucune restrictions dans leur utilisation de la terre. Les baux sont de 30 ans, mais ils peuvent être automatiquement renouvelés pour 30 autres années, et seule les firmes peuvent mettre fin au contrat.
Ces locations représentent une nouvelle forme de féodalisme. Les entreprises contrôlent des milliers d’hectares. Par exemple, dans la ville de San Mateo del Mar, elles entendaient parvenir à louer 4000 hectares, alors que la superficie totale de la commune est de 7000 hectares. C’est un manque complet de respect à notre mode de vie. Les firmes se comportent comme si nous étions des marchandisent qui pourraient être achetées.
Quelles sont vos stratégies de résistance ?
Face à cette menace, nous nous sommes organisés. Dans ma ville, Juchitán, nous avons créé une Assemblée de Défense des Terres et du Territoire. Ensuite, nous avons rejoins d’autres groupes qui rejettent eux aussi ce genre de projets de fermes éoliennes et nous avons créé le Front Populaire de l’Isthme en Défense de la Terre (Frente de Pueblos del Istmo en Defensa de la Tierra (Front of Peoples of the Isthmus in Defence of the Land). Ensemble, nous avons commencé une campagne de conscientisation dans les zones où les fermes sont basées.
Dans le cadre de notre campagne, nous avons organisé des occupations de terres et des recours pour annuler les contrats de location de la terre. Jusqu’à présent, nous avons gagné environ 200 procès. Grâce à la mobilisation, les firmes ont accepté de révoquer les contrats des propriétaires qui avaient entamé des recours contre les investisseurs, libérant ainsi les gens des contrats draconiens.
Nous avons hérité nos terres, et nous les considérons comme communales. Elles ne peuvent donc pas être sujettes à des contrats privés. Pour le moment nous commençons à faire appel auprès du Tribunal Agraire, pour demander le respect des terres communales et exiger que les firmes quittent nos territoires. Ce sera une bataille rude, puisque le gouvernement de Oaxaca est connu pour défendre les entreprises et terroriser les communautés.
Comment avez-vous commencé à vous impliquer dans les luttes sociales ?
Je viens d’une communauté zapoteca, dont la population est majoritairement indienne. Nos vies s’organisent autour du maïs. Pour nous, le maïs est la principale ressource alimentaire, et il est aussi présent dans la plupart de nos rites quotidiens. Sans le maïs, nous mourrions. J’ai rejoins la lutte pour défendre notre droit à cultiver quand les multinationales ont commencé à s’intéresser à notre terre. Je fais maintenant partie de l’Assemblée de Défense des Terres et du Territoire de Juchitán.