Etonnante semaine de congrès ! Pendant quatre jours, de nombreuses interventions dénonçant les dérives, échecs et renoncements de la direction confédérale : critiques de la tactique des grèves saute-moutons du début 2009, de l’insistance à privilégier les négociations plutôt que les luttes, exigence de repères revendicatifs précis sur les salaires, les retraites, le temps de travail.
Pour tenter de convaincre de la justesse de son orientation la direction en était réduite à appeler à la rescousse la (un peu lointaine) victoire contre le CPE (à mettre à l’actif, pour l’essentiel, de la mobilisation des jeunes), les résultats des élections prud’homales et la lutte des sans-papiers. Un peu maigre au regard de l’ampleur des attaques portées par le patronat et le gouvernement, surfant sur la crise pour justifier tous les reculs.
Les interventions de Jean-Pierre Delannoy de la métallurgie du Nord-Pas-de-Calais appelant à revoir la « stratégie confédérale d’accompagnement du capitalisme » et à revenir à la lutte de classe, celle d’Alexis Antoine de Molex mêlant dénonciation des attaques du patronat et de l’État et appel à la lutte et à la solidarité de toute la CGT avec ceux qui se battent et notamment les Conti, ont recueilli un large soutien des congressistes.
De fait, les luttes étaient grandement absentes du congrès. La direction, sous la pression des interventions critiques, fut obligée d’accepter de nombreux amendements, tant sur le débat général que sur les revendications. Mais, sans revenir aux 37,5 annuités de cotisations sur les retraites ou à un chiffrage des augmentations de salaires comme point de départ des luttes futures.
La direction s’est arc-boutée sur ce qui était, pour elle, les enjeux essentiels de ce congrès : validation de la sécurité sociale professionnelle et du nouveau statut du travail salarié comme réponses immédiates et horizon indépassable des luttes contre les licenciements ; refus de toute revendication chiffrée sur les salaires ou les retraites ; poursuite de la modification de l’organisation de la Confédération avec regroupement des fédérations, suppression des unions locales voire des unions départementales, structures géographiques appelées à être remplacées par des unions régionales plus dociles, concentration de la direction dans un comité exécutif et un bureau confédéral réduits et entièrement à la main du secrétaire général et d’une équipe de conseillers proches de la social-démocratie libéralisée.
Les votes semblent traduire un soutien massif à la direction. Le nombre significatif de « contre » le rapport d’activité (7,7 % d’abstention, 77,2 % pour, 22,7 % contre soit +6 % par rapport au 48e congrès) ne saurait masquer les 76 % (sur les structures) à 86 % (sur les jeunes) sur les différentes parties du document d’orientation. Sans parler du score quasi historique (90 %) pour la direction confédérale.
Tout se joue d’abord en amont (désignations téléguidées des délégués, votes « contre » devant seuls être recensés, toutes les autres voix étant considérées comme « pour » et les abstentions sorties des pourcentages), puis, pendant le congrès, pressions permanentes exercées sur les délégués exprimant des désaccords et dénonciations des « dissidents » avec une grossièreté et une violence toutes staliniennes.
Au total, malgré les résultats des votes, c’est plutôt un sentiment d’interrogation voire d’inquiétude qu’expriment les délégués : le mouvement syndical en général et la CGT en particulier seront-ils capables d’impulser les mobilisations nécessaires dans les mois qui viennent sur les retraites, les licenciements, les conditions de travail ou les salaires.
Ce n’est pas avec, comme seule échéance, la journée internationale de mobilisation du 24 mars ou l’alliance avec la CFDT d’un Chérèque que la direction confédérale n’a même pas osé faire entrer dans la salle du congrès, que les militants se sentent armés pour les batailles à venir.
Correspondant
* Paru dans Hebdo TEAN # 35 (17/12/09).
CGT : contestations
Le 49e congrès CGT s’est ouvert dans un climat d’interrogations profondes. Ce mardi soir, seul le bilan d’activités a été débattu : le nombre des voix Contre est passé, depuis le 48e congrès, de 16,8% à 22,7%. Mais ces chiffres ne reflètent qu’imparfaitement le malaise.
Bernard Thibault s’est efforcé de répondre aux interpellations. Il a voulu faire de la grève des 6000 sans papiers le symbole d’une CGT de lutte, et d’un premier « engagement » du congrès. Il a continué en revendiquant une organisation où les « opinions contradictoiresont droit de cité ». Mais la suite manquait totalement de perspectives.
Plus de la moitié des interventions avaient une tonalité critique, soulignant un « décalage entre dirigeants et attentes sur le terrain ». La Haute-Loire a défendu la nécessité de revendications salariales générales (200 euros, comme en Guadeloupe). Jean-Pierre Delannoy, qui présente sa candidature en alternative à celle de Thibault, appelle la CGT à « sortir de la démarche institutionnelle » et à redevenir un outil de lutte, même si « la grève générale ne se décrète pas », elle se construit. Il est très applaudi lorsqu’il propose des objectifs d’action « clairs et précis : 300 euros, arrêt de tous les licenciements, retour aux 37,5 annuités, renationalisation des services publics ».
Bien d’autres prises de parole reflètent des préoccupations convergentes, comme cette déléguée STX (Saint-Nazaire), s’inquiétant que la CGT « n*futilise pas le rapport des forces ». Elle est d’accord pour l’unité, mais « à condition de rendre publiques les propositions » CGT. Gérard (chimie), s’étonne que tout n’ait pas été fait pour la « jonction des luttes », ou que la CGT fasse la « fine bouche » lorsque les luttes contre les licenciements débouchent sur les primes.
D’autres expriment l’exigence d’une « continuité du salaire et du contrat de travail », une façon « d*finterdire les licenciements ». Jo (organismes sociaux), s’interroge sur la stratégie car « nous n*favons pas su nous donner une perspective globale » Il demande une « résolution d*factualité » pour la défense des retraites. Et conclut : « Osons camarades ! ».
Le délégué des Molex soulève l’enthousiasme en évoquant leur lutte mais surtout en réclamant que la CGT toute entière s’engage dans la lutte contre les licenciements et pour la solidarité inconditionnelle avec ceux qui subissent la répression.
* Paru dans Hebdo TEAN # 34 (10/12/09).