Après trente-deux jours de grève de la faim, Aminatou Haidar a gagné son épreuve de force avec le Maroc : elle a pu regagner son domicile d’El Ayoun, capitale administrative du Sahara occidental (territoire annexé par le royaume), sans conditions et sans présenter d’excuses.
Il était une heure du matin, vendredi 18 décembre, quand un avion médicalisé espagnol, transportant la plus célèbre des militantes sahraouies, s’est posé sur l’aéroport d’El Ayoun, en provenance de Lanzarote, aux Canaries. C’est alors qu’Aminatou Haidar s’est vu remettre son passeport marocain qui lui avait été confisqué un mois plus tôt par les autorités marocaines, avant son expulsion vers l’Espagne.
Pour mettre fin à l’épreuve de force que se livraient, depuis le 15 novembre, cette Sahraouie de 42 ans, mère de deux enfants, et les autorités marocaines, il aura fallu que Paris, Madrid et Washington conjuguent leurs efforts diplomatiques et leurs pressions sur Rabat. L’intervention de la France, alliée de toujours du royaume chérifien, aurait été décisive.
C’est le 14 décembre que le ministre marocain des affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri, est arrivé à Paris, en provenance de New York où ses entretiens avec le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, n’avaient rien donné. Reçu par Bernard Kouchner, puis Nicolas Sarkozy, M. Fassi Fihri a fini par se laisser convaincre que le Maroc était en train de faire d’Aminatou Haidar « une martyre », et qu’en cas de décès de la jeune femme, des manifestations étaient à craindre au Sahara occidental.
Bref, qu’il valait mieux désamorcer cette affaire et remettre un passeport à la militante sahraouie « dans une tradition d’ouverture et de générosité ». Tout en effectuant cette démarche, l’Elysée et le Quai d’Orsay veillaient à saluer « la large autonomie » proposée par le Maroc au Sahara occidental.
Deux jours plus tard, le roi Mohammed VI adressait un message au président Sarkozy pour lui dire qu’il acceptait le retour d’Aminatou Haidar à El Ayoun.
Grand Maghreb
Alors que l’activiste sahraouie quittait les Canaries dans la nuit de jeudi à vendredi, Rabat publiait un communiqué indiquant avoir accédé à la demande « de pays amis et partenaires », pour des raisons « strictement humanitaires », tout en fustigeant Aminatou Haidar, « dont les agissements ne sont pas liés à la promotion des droits de l’homme », ainsi que le Front Polisario et l’Algérie.
Voilà presque trente-cinq ans que le conflit du Sahara occidental, en attisant la rivalité ancienne entre Rabat et Alger, empêche la construction d’un Grand Maghreb et le décollage économique de la région. Avec sa grève de la faim, Aminatou Haidar l’aura brusquement ramené sur le devant de la scène internationale.
Florence Beaugé