Au Honduras, dès le coup d’Etat du 28 juin, le scénario actuel était déjà bien connu : le gouvernement usurpateur allait tout faire pour gagner du temps en vue de la légitimation du putsch par la tenue des élections de novembre. Ce fut l’alerte donnée dès le début par le Frente nacional, ce large front d’opposition au régime de facto.
Durant près de cinq mois, cette résistance s’est mobilisée inlassablement, en dépit de la violence de la répression, de la violation systématique des droits humains et de la liberté d’expression, pour susciter l’implication de la communauté internationale.
Cette dernière, par la tiédeur, la lenteur, l’ambivalence de ses réactions, et surtout l’absence ou la faiblesse d’actions concrètes, a finalement joué le jeu des putschistes – de leur tromperie pour gagner du temps – pour finalement renforcer ce régime.[…]
C’est pourquoi aujourd’hui, on n’est pas réellement surpris que le gouvernement des Etats-Unis annonce qu’il reconnaîtra les élections et qu’il accepte la décision de Monsieur Michelleti de repousser au 2 décembre, soit après les élections, la discussion au Congrès en vue de la réinstallation de Zelaya.
Il reste que la plupart des pays, en particulier en Amérique latine, et différents organismes internationaux, ont annoncé qu’ils ne reconnaîtront pas le scrutin. Le moment est crucial pour faire preuve enfin d’une attitude claire en faveur de la démocratie et de la justice au Honduras.
Pas de reconnaissance des élections de novembre
Nous appelons le gouvernement suisse à se manifester dans ce sens. Nous n’accepterons pas que Berne reconnaisse les élections au Honduras. C’est pourtant ce que le DFAE a laissé entendre, à savoir que la Suisse s’alignerait sur la position étasunienne. La Suisse, comme le reste de la communauté internationale, a une responsabilité dans le basculement de ce pays vers un régime autoritaire et anticonstitutionnel, pour n’avoir pas agi dans le sens d’un soutien fort et concret à l’opposition pacifiste et démocratique, mais maintenu un profil bas, une attitude ambivalente, sans couper radicalement, à tous les niveaux, les relations avec un gouvernement usurpateur, violent et assassin.
Nous appelons donc aujourd’hui le gouvernement suisse à se positionner de manière déterminée contre le jeu de tromperie du régime de facto au Honduras, qui prétend blanchir un processus électoral illégal par des manœuvres telles que son retrait du pouvoir durant les élections, la tenue d’un gouvernement d’union nationale sous direction putschiste, et la mascarade de la réinstallation du président constitutionnel après le scrutin.
La Suisse doit faire preuve de fermeté en soutenant les forces populaires et démocratiques de la société civile, qui rejettent de manière unanime ces élections illégitimes et se mobilisent depuis des mois, au péril de leur vie, pour une société digne, juste, égalitaire et démocratique.
La Suisse ne peut légitimer un processus électoral illégal et frauduleux, dans un contexte où fait défaut toute garantie d’égalité et de liberté de participation citoyenne.
Si elle le fait, alors elle légitimera :
* une manœuvre électorale antidémocratique qui vise à couvrir les auteurs matériels et intellectuels du coup d’Etat
* la répression à laquelle est soumise le peuple par les forces armée et la police, la violation systématique des droits humains, la torture, la vingtaine de morts et les centaines de blessés
* la très probable fraude qui se déroulera dans les urnes, sous le contrôle des forces armées.
Si la Suisse et la communauté internationale entérinent ce scrutin illégal, cela donnera force et légitimité à l’oligarchie non seulement hondurienne, mais ce sera un message clair à toute l’oligarchie latino-américaine et ses alliés au Nord pour continuer leur offensive antidémocratique et antisociale sur le continent.
Nous exigeons donc de la Suisse qu’elle ne se rende pas complice de ce recul des droits en Amérique latine, et soutienne, par ses différentes implications dans la région, et en particulier dans ses programmes de coopération, le peuple qui agit pour la refondation de l’Etat et de la société dans le sens de la justice sociale et de la démocratie.
Sabine Masson
membre de la Mission internationale d’observation et d’accompagnement des organisations sociales en lutte contre le putsch au Honduras.
La Suisse doit être « cohérente »
Récapitulant les échos de la crise hondurienne durant ces cinq derniers mois, Gérald Fioretta (Assoc. de solidarité Nicaragua-El Salvador, Genève) constate que « la résistance du peuple hondurien a été totalement ignorée par les médias helvétiques, la classe politique et par le gouvernement ». […]
Pour Dieter Drüssel (coordinateur du Secrétariat Amérique centrale, l’une des associations les plus actives dans la dénonciation et la mobilisation contre le coup d’Etat), « il est essentiel de rejeter les élections convoquées pour le dimanche 29 novembre au Honduras par le régime de facto ».
A son avis, l’attitude de la Suisse et de l’Europe à propos de ces élections « illégitimes » est préoccupante. « La Suisse et l’Europe reconnaîtront probablement le nouveau gouvernement issu de ces élections blindées et truquées dans un cadre répressif. Si tel est le cas, cela serait une complicité de fait avec le coup d’Etat de juin et les événements postérieurs ».
Drüssel souligne en outre « l’ambiguïté du gouvernement étatsunien à propos du Honduras, ce qui constitue l’une des causes essentielles d’une non-solution de la crise dans ce pays centraméricain ». Cette ambiguïté s’exprime par « l’appui rhétorique de Washington au retour du président Zelaya et, en même temps, par l’acceptation de fait des putschistes et de leur appel aux élections... »
Propos recueillis par Sergio Ferrari
(swissinfo, Berne)