Union syndicale Solidaires
A la direction du NPA
A tous les militant-es
Aux proches de Daniel BENSAID
Paris le 13 janvier
Chers ami-es, cher-es camarades
C’est avec une très grande tristesse que nous venons d’apprendre le décès de Daniel
Bensaïd. Au nom de l’Union syndicale Solidaires, et en mon nom personnel, je tiens à vous
exprimer nos condoléances les plus sincères.
Nous tenons à saluer avec le plus grand respect le militant politique, fidèle à ses
engagements, qui tout au long de sa vie a voulu changer le monde, sans jamais renoncer,
malgré les épreuves de la vie politique et celles liées à son état de santé. Il a été précieux dans
le débat politique au sein des mouvements d’émancipation, notamment par le fait qu’il a
toujours eu le souci de lier réflexion théorique et mouvements sociaux. A travers ses livres,
ses publications, les revues auxquelles il a contribuées, il a ouvert des espaces de débat utiles
à tous ceux et celles qui sont engagé-es dans la transformation sociale, militant-es politiques,
syndicalistes, ou associatifs…
Il répondait toujours présent quand il fallait apporter le soutien à un-e militant-e
victime de répression, une lutte, une cause juste… Nous nous souvenons du rôle important
qu’il a joué pendant l’hiver 95 pour organiser la mobilisation d’intellectuels dans le soutien
aux grévistes au moment où certains se laissaient embrigadés dans le soutien au plan Juppé !
Nous voulons aussi témoigner que rencontrer Daniel, parler avec lui était toujours un
moment de grande intelligence et de grande chaleur humaine.
Dans ce moment difficile, nous vous transmettons toute notre sympathie.
Annick Coupé
Porte parole nationale
144 boulevard de la Villette – 75019 Paris
Tel : + 33 (0) 1 58 39 30 20 – Fax :+ 33 (0) 1 43 67 62 14
www.solidaires.org - contact solidaires.org
Bonjour Camarade Pierre,
C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que nous avons appris la
disparition de notre camarade Daniel Bensaïd.
Les militants de Solidarité Socialiste avec les Travailleurs en Iran
expriment toute leur sympathie et leur soutien à la famille et aux
proches de Daniel, ainsi qu’aux camarades du NPA et de la Quatrième
Internationale.
Nous n’oublierons jamais ses actions et ses prises de positions solidaires
avec le peuple iranien qui lutte pour la liberté, la démocratie et
la justice sociale. Sa disparition constitue une lourde perte pour
toutes et ceux qui luttent pour l’émancipation.
Son apport à un marxisme ouvert et militant est un outil précieux
aux mains de ceux qui veulent changer le monde.
Son combat est le nôtre, nous le poursuivrons !
Pour la S.S.T.I.
Sépéhr
SSTIRAN
Solidarité Socialiste avec les Travailleurs en Iran
http://www.iran-echo.com
Adresse : S.S.T.I, 266, Ave Daumesnil, 75012 Paris
Daniel Bensaïd vient de mourir. Il va me manquer, et je ne suis pas le seul. La même génération, mais le contraire de cet ersatz autocélébrant que furent les « nouveaux philosophes ». Je ne l’ai croisé que quelquefois, nous n’avons eu que des bribes de conversation — la première fois, c’était justement aux obsèques d’une camarade — mais j’ai toujours eu le sentiment d’une vraie cohérence entre la pensée, l’action et tout simplement la manière d’être, pour une fois Telerama a trouvé le mot juste : « tendance radical modeste ». [1]
En tout cas, pour tous ceux qui se demandent à quoi ça rime d’être marxiste aujourd’hui, Daniel n’a jamais cessé de donner des réponses. On va avoir beaucoup de choses à relire et à méditer, et on le remercie de nous les avoir laissées.
Quelquefois strictement philosophique, je pense à la Discordance des Temps, Marx l’intempestif ou Le pari mélancolique ; parfois strictement politique, je pense à ses textes sur Mai 68, ou sur la « deuxième gauche » (Rocard, les haillons de l’utopie) ; parfois essayiste kaléidoscopique, ceux de ses textes qui m’ont fait le plus jubiler intellectuellement et qui ont laissé perplexes marxistes et antimarxistes, comme « Moi la Révolution » (contre le Bicentenaire de 89/enterrement de 93), ou « Jeanne de guerre lasse » (où l’on rencontre une figure de Jeanne d’Arc dans la lignée de Michelet, de Péguy, mais aussi de Delteil). Et, toujours intéressé par les grands hérétiques du marxisme, Bloch, Benjamin, relisant Pascal pour un pari sans garantie transcendante, son « Walter Benjamin », très politique au moment où l’Université le découvrait pour l’aseptiser aussitôt
"Tu comprendras, citoyen-président, que je décline l’invitation à tes festivités étatiques, si tant est que ces mots soient compatibles.
S’il faut à tout prix « faire quelque chose » pour mon bicentenaire, comme on « fait quelque chose » pour le réveillon, par inertie et habitude, je le ferai dans l’intimité, avec chopine et saucisson, des pâtes à l’ail et du boudin antillais, en souvenir d’Ignace et de Moïse… J’écouterai Gal Costa et Paco Ibañez, Fascinação par Elis Regina, le Condamné à Mort de Genet, et Marianne Faithfull, chantant de sa voix déchue le Boulevard of broken dreams.
Ce sera de circonstance." (Moi, la Révolution-1991)
et puis ça aussi :
« il y a des morts subites et des morts lentes, des morts distraites et des morts acharnées, des morts légères comme un enlèvement, des morts lourdes comme un enterrement, des morts annoncées et des morts impromptues, des morts résignées et des morts révoltées, des morts révoltantes et des morts insolentes, des morts en haillons, aux croque-morts pressés, des morts oublieuses et des morts rancuneuses, des morts lisses et des morts noueuses, des morts bâclées et des morts apprêtées, des morts agonisantes et des morts rayonnantes… Tout compte fait, il ne reste pourtant que la mort sans phrases et sans discours, sans façons et sans atours. La mort tout court. Chacun son tour. L’affaire du monde la mieux partagée. Pas de quoi en faire une histoire capitale. On ne devrait même pas lui en vouloir » (Jeanne de guerre lasse-1989)
J’ai appris la triste nouvelle hier, comme tout le monde. S’il est vrai que la science perd un grand intellectuel, la politique un grand théoricien, l’humanité un grand homme (et que de mon côté, je perds quelqu’un auprès de qui j’ai passé les meilleurs moments de mes université d’été), je sais que vous, vous perdez avant tout un grand ami. Je pense donc particulièrement à vous et aux « vieux » de la LCR qui avaient un lien tout particulier avec lui.
Amitiés,
Géraldine
Cher Samuel,
Je suis sous le choc. En décembre, nous avions prévu de déjeuner ensemble entre ces séances à l’hôpital. Par ailleurs, si vous jugez opportun qu’Actuel Marx s’associe à un hommage d’une manière ou d’une autre (Daniel a participé au dernier numéro), nous serons là. Amicalement,
Emmanuel Renault
Les éditions Syllepse ont eu ce jour la tristesse d’apprendre la disparition de leur camarade et ami Daniel Bensaïd. Membre du conseil de lecture et d’orientation des Éditions Syllepse, codirecteur de la collection « Mille Marxismes » et directeur de publication de la revue « ContreTemps », Daniel aura marqué de son empreinte l’existence et les activités de notre maison d’édition, notamment en 2008 à l’occasion du 40e anniversaire des « événements » de mai-juin 1968, « Mai 68 ce n’est toujours qu’un début ». Ce n’était effectivement qu’un début.
Les Éditions Syllepse
Je viens de lire les hommages à Daniel, tout est dit .Je connaissais Daniel par ses écrits et depuis quelques années par le sprat et SLM. Je suis triste et Il est certain qu’il va manquer. transmets toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches
Amitiés
Patrick Cohen
Nous venons de perdre notre ami Daniel Bensaïd, un intellectuel militant qui a marqué ce demi-siècle, traversant les générations. Une figure exemplaire, admirable. On pouvait avoir des options différentes, et se sentir très proche de lui. Lorsqu’il fallait trouver, au terme d’un colloque ou d’une rencontre, un porte-parole, une voix qui dise ce que nous ressentions ensemble, il était cette voix. Chaleureuse, généreuse. Un philosophe capable de parler concrètement et politiquement des choses et des luttes sociales. Un militant des idées, un poète, un pionnier. Un modeste, un fort. La révolution était son agenda et le monde était sa patrie.
Jacques Bidet
En 1990, je ne connaissais pas alors personnellement Daniel Bensaïd, j’avais lu avec enthousiasme son ouvrage sur Walter Benjamin, la « sentinelle messianique » qui « donne l’alerte générale à la chaîne des sentinelles engourdies ». Ses ouvrages sur « Marx l’intempestif », sur « La discordance des temps », sur « Le pari mélancolique », sur les nécessaires
« Résistances »..., pour moi, firent résonner en ces années difficiles l’authenticité critique d’un « marxisme chaud » selon la formule de Ernst Bloch et accompagnèrent la réflexion (et la pratique politique) de ceux pour qui la perspective de l’émancipation restait et reste toujours d’actualité.
Mais, au-delà de sa pensée, c’est aussi la voix chaleureuse de Daniel Bensaïd qui va désormais manquer.
Jean-Marc Lachaud (Actuel Marx)
Je suis très peiné par cette nouvelle. J’aime ce communiste-là, ce communisme-là, cette ouverture d’esprit vers tout ce qui va vers l’Homme, tout ce qui le construit. Je suis avec tout ce qui fait reculer l’égoïsme, l’étroitesse, le non-sentiment, le pragmatisme négateur des principes, la concurrence aveugle et inhumaine.
Il y a quelques femmes, quelques hommes que je place dans cette catégorie de penseurs ; Daniel Bensaïd était de ceux-là. Je regrette beaucoup de savoir que je n’aurai plus l’occasion de connaître ce qu’il aurait écrit -ou dit- lors d’évènements graves, dramatiques même, que la France, l’Europe et le monde auront à vivre. D. Bensaïd reste cher à mon cœur et à mon esprit.
Salut Bensaïd, mon regretté camarade !
R.F, ancien membre du PCF (pendant 58 ans, jusqu’en 1998)
En cet instant, je ne peux pas m’empêcher de penser à ceux qui ne partageront pas notre peine.
Il y a ceux pour qui un communiste ne peut pas mourir : pour eux en effet, s’écarter du droit chemin, c’est toujours un peu s’exclure de la tribu de ceux qui marchent debout ; le communiste a le malheur d’avoir une autre idée de la communauté - et de la droite ; il est donc« humainement » mort. Pour nous autres, il meurt deux fois : c’est un maillon d’une chaîne toujours à forger (l’humanité future) qui disparaît ; c’est un peu de l’humanité qui a disparaît, s’évanouit deux fois (un peu ce qui n’était pas encore ne reviendra plus), donc qui a deux fois plus de raison de nous manquer Nos condoléances à ceux qui ont eu la chance qu’il soit pour eux une de ces fortes, une de ces doubles présences : un camarade - et quoi que ce soit d’autre.
Voilà le petit texte qu’antonia eric, yolande, stéphane partagent avec moi.
Emmanuel Pehau
Un de nos collègues est mort ce matin, c’est Daniel Bensaïd. Nous saluerons nous aussi l’infatigable militant du communisme et de la révolution. Dans notre espace universitaire, sa notoriété politique n’était ni indiscrète,ni absente, mais portée avec grâce et fluidité. Image d’un esprit mobile, sans rigidité dogmatique, attaché aux dimensions hétérogènes du marxisme, à ce qui pouvait rester de vif dans ce qu’il appela la Grandeur et la misère d’une aventure critique. Sa longue réflexion sur le pouvoir, l’imposante bibliographie de plus d’une trentaine de livre, a pris la tournure d’une réflexion sur la discordance des temps, l’intempestivité de Marx et le messianisme de Benjamin : ouvrir des voies d’expérimentation à la rébellion des esprits libres. Nous rappellerons aussi les longues années de service de l’humble enseignant. Un professeur, appelé dès le début de Vincennes par ses fondateurs, Badiou et Foucault parce qu’il était le représentant du 22 mars.
La voix chaude, l’accent toulousain, l’énergie d’un homme qui ne manquait pas un cours, les rassemblait sur une journée pour courir dans les meeting, repasser aux AG, filer à la manifestation, rappeler que l’Université de Vincennes à
Saint-Denis en avaient vu d’autres, qu’avant Pécresse il y avait eu Saunier-Seïté, recevoir les thésards, discuter des mémoires des uns et des autres, c’est cette disponibilité phénoménale du corps et de l’envie qui s’impose peut-etre aujourd’hui comme une consolation dans la profonde tristesse de sa mort. Dans une communauté universitaire, on ne parle pas toujours théorie, ou programmes de recherches, au meilleurs des cas on cherche à y faire parler le monde. Daniel, c’est Walter Scott, c’est Dickens entre un café et une pause, c’est Péguy qui vient.radicaliser l’étude de Wlater Benjamin dans un cours alternatif pendant une lutte actuelle, c’est Daniel qui dit simplement sa manière de voir la situation, penser le présent. Un professeur qui ne donne pas de leçon, déjouant les hiérarchies du savoir pour libérer la paroles de ces drôles de gens qui en dehors de gagner leur pain comme tout le monde,prennent le temps de lire et d’étudier pour vivre et pour agir.
Décès du philosophe et militant révolutionnaire Daniel Bensaïd
Notre ami et contributeur, le philosophe et militant communiste Daniel Bensaïd est mort ce matin. De toutes les personnes que nous avons eu l’occasion de rencontrer depuis la naissance de la RiLi, Daniel est l’une de celles qui nous ont inspiré le plus de sympathie et d’amitié, tant par sa simplicité, sa disponibilité, et son immense générosité que par la patiente exigence dont il était porteur, Daniel était assurément une incarnation de ce qu’être communiste peut vouloir dire dans la république des lettres.
Il y a bien sûr toujours quelque chose d’insupportable dans la disparition d’un être cher, mais en la circonstance, au-delà de l’affliction personnelle, il y a quelque chose de politiquement et intellectuellement révoltant dans la mort de Daniel au moment où ses efforts pour réintroduire dans la sphère publique une perspective critique, radicale, anticapitaliste, portaient leurs fruits...
C’est peut-être là aussi pourtant ce qui peut nous apporter un peu de réconfort.
L’équipe éditoriale de la RiLi tient à exprimer à sa famille, à ses proches et à ses camarades, du NPA, bien sûr, mais aussi, en particulier, de la revue ContreTemps, toute son amitié et sa solidarité.
Nous vous invitons à relire les articles de Daniel Bensaïd publiés dans la RiLi :
Et si on arrêtait tout ? « L’illusion sociale » de John Holloway et de Richard Day [2]
Sur le Nouveau Parti Anticapitaliste
[3]
La traversée de décombres
[4]
Une thèse à scandale : La réaction philosémite à l’épreuve d’un juif d’étude [5]
RiLi
Daniel Bensaïd est décédé, hier matin, à l’âge de 63 ans. Militant depuis l’adolescence, il fait partie de cette génération qui s’est radicalisée dans le creuset des luttes anticoloniales au tournant des années 1960. Son engagement dans le mouvement communiste puis dans sa tendance trotskiste (au sein de la LCR, récemment devenue le NPA) a été en effet indissociable de sa conscience et de son engagement anti-colonialistes, anti-impérialistes et anti-sionistes auquel il a toujours été fidèle, contrairement à de nombreuses figures majeures de sa génération.
Brillant théoricien, il a aussi été un militant « pratique », consacrant l’essentiel de son énergie à construire une organisation dont il espérait qu’elle puisse devenir le fer de lance d’un bouleversement radical de la société. Il était de ces combattants, fort peu nombreux en France aujourd’hui, qui ne conçoivent pas leur vie en dehors de l’action politique collective pour la justice. Plus encore, face au spectre de la mort qui planait sur lui depuis plus de dix ans, il s’est rebellé en redoublant d’efforts pour poursuivre son action militante.
Il n’est pas le lieu, ici, de rappeler les divergences qui ont pu nous opposer. Nous gardions bon espoir de pouvoir un jour le convaincre ou, à tout le moins, de trouver un terrain commun d’entente. Car la pensée de Daniel Bensaïd, tiraillée entre la crainte de voir se briser le fil conducteur des combats du passé et celle de rater l’irruption de la nouveauté, était paradoxale. Arcboutée à un marxisme révolutionnaire européocentriste et enracinée dans certaines rigidités de la tradition du mouvement ouvrier français, sa réflexion était, dans le même temps, en mouvement constant, curieuse face à l’inédit, sensible aux évolutions de la société et aux nouvelles problématisations soulevées par les mouvements sociaux émergents. Ainsi, malgré les réserves qu’il avait à l’égard des positions qui sont les nôtres, il s’est toujours montré ouvert au débat fraternel, y compris en publiant dans sa revue « ContreTemps », des articles émanant de notre mouvement, malgré les grincements de dents de certains de ses amis politiques.
Outre l’homme, chaleureux et plein d’humour, que certains d’entre nous ont connu, nous regrettons, en Daniel Bensaïd, ce militant qui a voulu intensément surmonter les défaites du XXe siècle sans renoncer aux espoirs qu’il a portés, de construire des passerelles entre sa génération et la nouvelle, de permettre la convergence des différents combats pour la justice.
Nous présentons nos condoléances attristées à sa famille, à ses proches, et à tous ceux qui ont combattus à ses côtés.
Respect !
Le Secrétariat exécutif du MIR (Mouvement des Indigènes de la République)
Paris, le 13 janvier 2010
Bonjour Samy et Philippe,
La revue Mouvements a mis en ligne l’itinéraire que Gilbert Wasserman, Irène Jami et moi avions fait de Bensa en 2006 [6].
Nous préparons un hommage qui sera publié dans le prochain numéro qui est en bouclage et nous l’enverrons à la SLM.
Daniel comptait beaucoup d’anciens compagnon-ne-s de route dans la revue et nous sommes bouleversés.
Si Mouvements peut contribuer de façon utile dans ces moments de tristesse, dites nous.
Amitiés
Patrick Simon (Mouvements)
Daniel Bensaïd a passé l’arme à gauche
Publié le 13 janvier, 2010 à 17 h 59
Daniel Bensaïd, philosophe fondateur avec Alain Krivine de la LCR et théoricien du NPA, est mort mardi 12 janvier. Il était un des moteurs de la gauche de la gauche.
Lundi 11 janvier, au hasard d’un bar parisien, j’ai croisé Gérard Filoche, cet inspecteur du travail socialiste, qu’on aime bien à Bakchich. Après de brefs échanges sur les élections régionales, l’ancien militant de la LCR a parlé de l’Amérique latine. « La sillonner est un vieux rêve », disait-il. « L’occasion d’aller là-bas ne s’est encore jamais présentée, et quand dans les années 70, la LCR envoyait quelqu’un pour y étudier l’état des luttes, c’était toujours l’ami Bensaïd qui partait » !
– Daniel Bensaïd, as-tu des nouvelles ? L’ai-je interrogé.
– Non, je sais seulement qu’il est très malade.
A la rédaction le lendemain, dans le brouhaha qui précède souvent l’heure du déjeuner, un gars du journal a chuchoté : « Je crois que Daniel Bensaïd est mort ». C’est le genre de mauvaise blague qui peut mal finir. J’ai donc demandé à Renaud de répéter. « J’ai dit : Daniel Bensaïd est mort ».
Putain de mardi. Bensaïd était un prince de la pensée. Et un bagarreur sacré. Pour lui, ne rien faire eut été la honte. Avant tout parce qu’on n’est pas engagé par posture intellectuelle mais « corporellement engagé, avant d’avoir trouvé les raisons de nos passions ». Ses passions, Daniel Bensaïd les a comprises jeune, dans le bistrot familial toulousain, à force d’écoute et d’observation. « Un comptoir de café, c’est le divan du pauvre », avait-il confié au micro de Là-bas si j’y suis (France Inter) en 2004.
Bensaïd, sa vie est un éternel combat, de celui pour connaître la vérité sur les morts à Charonne en 1962 – en pleine guerre pour l’indépendance de l’Algérie, des policiers réprimaient dans le sang une manifestation anti-OAS (Organisation armée secrète) – à son soutien au Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot en 2009. En passant par les luttes avec l’Espagne en résistance contre Franco, la création des Jeunesses communistes révolutionnaires avec Krivine (66), Mai 68, la création de la Ligue communiste révolutionnaire (73), les grandes manifs de 95, l’Europe, les services publics…
Chaque événement historique important, chaque marque que le capitalisme apposait sur la marche du monde, était pour le philosophe, enseignant à l’université de Paris VIII, le sujet d’un texte ou d’un livre. Le dernier, Prenons parti, écrit à quatre mains avec Olivier Besancenot, est une réflexion sur ce que pourrait être le socialisme du XXIe siècle. Alors, inévitablement, pour ceux qui ont la fâcheuse habitude de ne pas se laisser faire, Daniel Bensaïd était un moteur.
A l’université où je m’inscrivais au début des années 2000, il était, sûrement sans le savoir, un repère essentiel pour les étudiants qui voulaient penser leur révolte, contre le score de Le Pen au premier tour des présidentielles en 2002, les réformes des retraites en 2003, le Traité européen en 2005, le CPE en 2006… Souvent, dans les AG, ses livres circulaient. Une amie de l’époque m’en avait prêté un, que je mis des nuits à comprendre vraiment. « C’est du Bensaïd, il faut s’accrocher ». On s’encourageait, on lisait. Et on l’écoutait sur France Inter.
En 2004, on a eu les moules qu’il nous lâche, « Bensi ». Il était malade, et son livre sur les raisons de l’engagement, Une lente impatience, s’apparentait à un signe d’adieu. Mais c’était reparti…
Et maintenant ? La gauche vient de perdre un grand penseur, également acteur de la vie politique, qui aimait rappeler qu’on peut « agir sur la partie non fatale du devenir ». Il y a des vides dont la nature a horreur.
Source : bakchich.info :
http://www.senego.com/actualites/daniel-bensaid-a-passe-larme-a-gauche/