Il n’y a pas de « malédiction » [1] en Haïti, mais bel et bien un acharnement qui ne relève pas du hasard.
En 1995, un tremblement de même magnitude a fait 6 437 morts à Kobe, au Japon. Les centaines de milliers de morts à Haïti sont dus à l’extrême pauvreté du pays. Pourtant, avant d’être l’un des pays les plus pauvres au monde, cette ancienne colonie française était une terre promise à une grande prospérité.
Haïti est le symbole de la lutte contre l’esclavage et si acharnement il y a, ce n’est guère celui de la nature mais celui des pays les plus riches. L’acharnement des forces impérialistes et colonialistes qui pillent ce pays depuis 200 ans, depuis que les esclaves noirs, les premiers de l’histoire, brisèrent leurs chaînes.
La France et les États-Unis portent une responsabilité historique dans les raisons de l’instabilité politique et de la misère des Haïtiens.
Tout commence en 1791, en pleine Révolution française. Un soulèvement victorieux met fin à 300 ans d’esclavagisme qui faisait de cette colonie française une source de revenus très importante grâce aux ressources sucrières, et voit la nomination du premier gouverneur noir : Toussaint Louverture. Malgré l’envoi par Napoléon de l’armée en 1801, l’indépendance est proclamée en 1804.
La jeune république essuie des attaques de toutes parts du fait de la cupidité des grandes puissances qui ne peuvent admettre la liberté de ces esclaves et convoitent les richesses de l’île.
En 1825, le roi de France, Charles X, négocie la reconnaissance de l’indépendance de l’île en échange d’indemnités : la « dette de l’indépendance ». Celle-ci s’élève à 150 millions de francs, soit l’équivalent du budget annuel de la France de l’époque !
La spirale infernale de la dette est mise en place bien avant les politiques actuelles du FMI et de la Banque mondiale, dans une même logique et surtout avec les même conséquences : l’appauvrissement du pays et de ses habitants et l’enrichissement d’une minorité.
Haïti bascule alors dans l’instabilité politique alimentée par les pays du Nord et permettant aux États-Unis de justifier leur intervention et l’occupation de l’île de 1914 à 1934. Le pays tombe alors dans le giron des États-Unis, qui à partir de cette date, en formeront les élites et en choisiront les dirigeants.
En 1957, la dynastie des Duvalier s’installe au pouvoir pour 30 ans. Le pays sombre alors dans une corruption et un endettement sans précédent avec l’appui des États-Unis et de la France, aggravés par la terreur que font régner les tontons macoutes, milice paramilitaire aux mains du pouvoir.
Entre 1970 et 1986, la dette est multipliée par 17,5 et atteint 750 millions de dollars (et 1 250 aujourd’hui). Lorsque Jean-Claude Duvalier fuit le pays en 1986, c’est en France qu’il se rend avec 900 millions de dollars dans ses valises, somme qui dépasse de loin l’endettement du pays et met en évidence le caractère odieux de cette dette, contractée par des politiques illégitimes. Durant toutes ces années, le peuple haïtien ne cesse de s’enfoncer dans la misère : moins d’un Haïtien sur deux a accès à l’eau potable, un adulte sur deux est analphabète et enfin quatre Haïtiens sur cinq vivent sous le seuil de pauvreté.
Les vœux pieux des différents gouvernements, comme celui de Sarkozy ou d’Obama, pour aider Haïti ne sont que pure hypocrisie. Ces deux puissances se disputent déjà la gestion de l’aide internationale avec comme arrière-pensée la volonté d’asseoir encore un peu plus leur mainmise sur le pays. Pour aider Haïti à se relever, que la France commence par saisir la fortune de Duvalier pour les rendre au peuple haïtien, que la Banque mondial et le FMI annulent la dette et que le peuple haïtien décide, enfin seul, de sa politique sans ingérence et sans le pillage des colons d’hier.
Thibault Blondin