Fred Borras et Myriam Martin, dirigeants nationaux du NPA - et toulousains comme Daniel ! - ont présidé quatre heures durant cette succession de moments d’émotion et de mémoire militante. Heureusement, l’après-midi fut ponctuée par la projection, quasiment en direct, des croquis effectués par le dessinateur Charb, permettant ainsi à l’humour de se frayer un étroit chemin en ces moments de tension et de gravité. Merci à lui…
Comme tous les intervenants, Alain Krivine et Jeannette Habel qui, à la fin des années 60, furent avec Daniel parmi les principaux fondateurs de la Jeunesse communiste révolutionnaire et de la Ligue communiste, ont insisté sur l’exemple donné par Daniel en matière de fidélité à ses convictions et à la lutte pour l’émancipation.
Flavia d’Angeli, porte-parole de Sinistra Critica, a évoqué sa rencontre avec Daniel lors des camps d’été de jeunes organisés par la Quatrième Internationale, son rôle « d’antidote contre l’impressionnisme politique ». En hommage à Daniel, un autre toulousain, Serge Pey a récité trois de ses poèmes.
Comme cela a été souvent souligné, Daniel était un internationaliste… « croyant et pratiquant » ! Miguel Romero a dit la contribution de Daniel à la construction de la LCR espagnole, en pleine période franquiste et raconté ces réunions dans des appartements clandestins, à Barcelone, en 1972, avec « Daniel Bensaïd, devenu l’un des nôtres : Bensa, el Bensa ».
Carmen Castillo a d’abord rappelé le rôle joué, à partir de l’automne 73, par la LCR et par Daniel dans l’accueil et la solidarité avec les militants qui fuyaient le Chili de Pinochet. Déjà très prégnante, l’émotion s’est encore accrue lorsque la réalisatrice de Calle Santa Fé a associé dans le même hommage Daniel et Miguel Enriquez, son compagnon assassiné en 1974 par la dictature.
Gilbert Pago (Groupe Révolution Socialiste – Martinique) a évoqué l’engagement anticolonialiste de Daniel et sa « relation particulière avec les Antilles ».
François Sabado a rappelé le rôle de Daniel à la direction de la Quatrième Internationale et sa contribution aux combats et aux débats de la gauche révolutionnaire dans l’Etat espagnol comme au Brésil.
Pour la revue ContreTemps, Grégoire Chamayou a déroulé avec pédagogie et émotion son apport politique et philosophique à travers quelques citations d’Engels, de Marx, de Gramsci, Péguy, Benjamin, Lénine et Blanqui que Daniel appréciait particulièrement.
Daniel Mermet, l’animateur de Là-bas si j’y suis, a célébré la volonté de Daniel – qu’il avait invité à plusieurs reprises dans son émission – de « résister à l’irrésistible » avant de s’entretenir avec Alain Badiou qui a évoqué ses débats et polémiques avec Daniel, son « compagnon lointain ».
Edwy Plenel est revenu sur l’aversion de Daniel pour la « bouillie générationnelle » et le caractère essentiel pour lui de la filiation avec l’histoire du mouvement ouvrier, depuis la Commune de Paris.
Elias Sembar, représentant de la Palestine à l’Unesco, a rendu hommage à l’engagement sans faille de Daniel pour les droits du peuple palestinien à travers la lecture d’un poème de Mahmoud Darwich. Samy Johsua (pour la Société Louise Michel) et Michaël Lowy sont revenus l’importance qu’accordait Daniel au débat intellectuel, au refus du dogmatisme et à l’écriture.
Autre grand moment d’émotion : le chant d’hommage et d’adieu à Daniel, entonné a capella par la chanteuse Emily Loizeau, une ancienne élève de Daniel et, comme lui, une habituée du « Charbon », un bar du onzième arrondissement.
Annick Coupé a rappelé la participation de Daniel au débat sur la place des mouvements sociaux et sa contribution à la mobilisation des intellectuels en soutien aux grèves et manifestations de Novembre et Décembre 1995. Enfin, Olivier Besancenot a insisté sur l’importance de la transmission et le rôle de passeur qu’avait joué Daniel pour beaucoup de jeunes militants. A commencer par lui-même…
Mais plus qu’au nombre et à la qualité de ceux et de celles qui, dimanche, sont montés à la tribune, l’essentiel était la présence dans la salle de près de deux mille personnes : jeunes et « vétérans », amis et camarades de Daniel, militants actuels et « anciens » des premières années de la Ligue qui ne s’étaient pas rencontrés depuis longtemps. Et puis, aussi, de nombreux camarades, ayant côtoyé Daniel - récemment ou… il y a trente ans - venus de Grèce, d’Espagne, du Portugal, d’Angleterre, des Etats-Unis, d’Israël ou de Palestine. Toutes et tous étaient venus saluer Daniel une dernière fois et se retrouver autour de l’hommage rendu. Parce qu’être ensemble et partager la tristesse pouvait, peut-être rendre plus facile à accepter que, plus jamais, Daniel ne serait parmi nous.
Alors, nous nous sommes levés pour applaudir longuement Daniel. Et puis, ce fût l’Internationale…
François Coustal